L'Ordre des Lys et du Serpent
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Diaval
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Le Son du Silence Empty Le Son du Silence

Sam 3 Sep - 23:27
Le son du silence


Le Son du Silence JgstLJaj_zHuX6jMY8TX5GpK7H6q_EvEDC6AnZGFLax67EcOYDb16iphgG1EIZcZyrw6vF58F1yVMo5QeoJd9I-z2SEympB8PzPvfwqD_a6e4-5slqiSQVV8gE1nlZxdJpxOafZgLAvCVkDRmJcmRYvLt36I-AYVFyfyeXrXRHGLa4Q6oaHcENYuqw




Chapitre 1 : 


      Il faisait froid, et humide. La pluie s’était arrêtée il y a maintenant quelques heures mais le paysage restait couvert et embrumé. Le silence était pesant, mais apaisant au sein de ces gigantesques montagnes. Seul le bruit des sabots de la monture se faisait entendre sur le petit sentier. Gwynevyre voyageait maintenant depuis deux jours en direction du village de Lonefort, niché au cœur des alpages. Elle espérait en apprendre plus au sujet de ce qu’elle avait entendu à l’auberge de Camlorn, une ville plus basse dans la vallée. Elle avait l’habitude d’entendre beaucoup de ragots tournant autour d’histoires inexplicables et de fantômes, surtout des ramassis de connerie. Mais cette fois-ci, l’histoire semblait… Vraie, trop précise pour n’être que des racontars. Il n’en fallut pas plus à la mercenaire qui décida de partir au petit matin afin d'éclaircir cette histoire.  


     La pluie s’était remise à tomber à fine goutte. Cela ne la dérangeait pas. Elle portait son casque à corne, recouvrant son visage et le son de l’eau s’abattant sur son heaume l’apaisait et l’aidait à réfléchir. Depuis qu’elle s’était enfoncée dans la montagne d’Hauteroche, elle n’avait croisé personne. Pas un seul voyageur, pas un seul marchand. Ce n’était pas plus mal, cela lui évitait d’avoir à expliquer pourquoi une cavalière en armure noire s’aventurait aussi loin de tout signe de vie. Gwynevyre était las, calme et essayait de comprendre ce qui allait l’attendre une fois à destination. Les paysans de Camlorn avaient parlé de ce village de Nordiques expatriés. Apparemment ils fournissent la meilleure laine de mouton de toute la Glénumbrie. Enfin, jusqu’à récemment. Les bêtes avaient commencé à mourir les unes après les autres, disparaissant chaque nuit. L’on ne retrouvait au matin qu’un cadavre qui semblait déshydraté, sec et mort depuis des semaines. Cela n’aurait été qu’une perte financière parmi tant d’autres si le corps sans vie d’une femme du village n’avait pas été découvert un matin. Voila les informations dont disposait Gwynevyre, voilà ce qui l’avait fait prendre la route vers Lonefort. 



     Le sabot de son cheval glissa sur une pierre du chemin, et cela la tira de sa réflexion. Il était peut-être temps de faire une pause. La pluie tombant toujours, elle descendit de cheval et mena sa monture par la bride jusqu'à un bosquet à quelques pas de là afin d’accrocher la longe à une branche et de laisser brouter son compagnon. L’Altmer en profita pour contempler le panorama qui s’étendait devant ses yeux. Elle ôta son casque, secouant la tête afin de libérer sa natte. Le paysage était somptueux, les espaces immenses. Au loin, le tonnerre grondait. L’altitude était élevée, et ici et la forêt épaisse et sombre laissait entrevoir des plaines d'où sortaient des affleurements rocheux. Elle observait le versant lui faisant face, et aperçut deux bouquetins pénétrer au cœur des bois. Gwynevyre comprenait pourquoi les villageois de Lonefort, restaient aussi loin des habitations. Ici, rien ne semblait vous atteindre. Un endroit comme hors du temps. Il était facile d’en oublier le reste du monde, la guerre, les maladies, la criminalité… Rien de tout cela ne semblait pouvoir venir jusqu’ici. La mercenaire s’assit, l’herbe était humide et les odeurs, nombreuses. Elle se sentait bien ici, calme. Laissant derrière elle tous ses problèmes, les missions pour l’Ordre, les courses à la prime, les traques sans relâche… Mais elle savait qu’elle y retournerait malgré tout. Trop de gens avaient besoin d’elle, trop de torts devaient être réparés. Ses capacités, bien qu’interdites, étaient nécessaires. Quitte à devoir les cacher au monde. Un éclair fendit le ciel au loin, et quelques secondes plus tard, le tonnerre se fit entendre. Elle resta assise ici, au pied du bosquet durant une heure, se laissant le temps de profiter du paysage. Il était temps de reprendre la route. Elle observa une dernière fois le flanc de montagne qu’elle avait face à elle, puis attrapa son heaume et se leva. Son cheval s’approcha et lui donna un gentil coup de museau, l’encourageant à monter à nouveau. C’était une brave bête, qui ne faillissait pas. Gwynevyre était heureuse de l’avoir comme compagnon. Elle remonta en selle, et d’un coup de talon, reprit son ascension. 







Chapitre 2 : 


Ce n’est que le lendemain, que Gwynevyre aperçut les premières bâtisses au loin. Plus elle se rapprochait plus elle réalisait que ce n’était pas vraiment un village mais plus un hameau. Le nombre d’habitants ne devait pas dépasser la trentaine. Elle passa devant plusieurs séries d’enclos de chèvres, moutons, mouflons et autres ovins. De la fumée s’échappait des toits de chaume et d’ardoises. Et l’odeur de bois brûlé était fort agréable avec cette pluie d’automne qui tombait sans discontinuer. Elle avançait au pas, lentement. Elle dépassa les premières maisonnées et s'arrêta au centre du hameau. Il n’y avait personne. Le village était désert. Non pas exactement. Les habitants étaient bels et bien là, elle se sentait grâce à sa magie, mais ils étaient… Cachés. Elle tourna la tête vers une hutte et vis un visage disparaître derrière un rideau. Elle descendit de cheval, et le mena à l’abreuvoir afin qu’il puisse s’y désaltérer. Elle ôta son casque et laissa sa chevelure blanche apparaître. Le village était composé de quelques habitations, d’un espace servant probablement de place au centre, et en contrebas des granges étaient disposées ici et là. Probablement pour y stocker du foin et de la laine. Elle s’avança vers une maison, et frappa trois coups à sa porte. Personne ne répondit. La mercenaire s’avança vers une autre maison et frappa à nouveau. Rien. Elle s'apprêtait à aller frapper à une autre chaumière quand quelqu’un frappa au carreau, et ne laissant apparaître que sa main, désigna une maison en particulier. Elle était située presque à la sortie du village. Gwynevyre s’y dirigea donc, espérant y trouver quelqu’un à qui parler. Elle gravit les petites marches en pierre du perron, puis frappa à la porte en bois. Personne ne répondit. Elle frappa avec plus de force, et cette fois-ci, quelqu’un lui répondit : 


  • Partez étrangère, il n’y a rien pour vous ici. On a rien.



La voix d’un homme, qui n’était pas de première jeunesse lui avait répondu. 
 
  • Je suis bien au village de Lonefort ? demanda-t-elle
  • Qu’est-ce que ça change ? 
  • C’est bien ici qu’une femme a été retrouvée morte il y a environ une semaine ? 



La voix derrière la porte bougonna : 


  • Satané marchands, bien incapable de fermer leur gueule tiens.. Qu’est-ce que ça peut vous faire ? Renchérit-t-il d’une voix plus forte. 
  • Je suis là pour aider, si je le peux. Je cherche du travail. 



Le bruit d’une chaise tirée sur le sol se fit entendre, suivi du bruit d’un loquet et d’une serrure que l’on déverrouille. La porte s’ouvrit avec précaution et le visage d’un nordique grisonnant, avec une barbe en bataille se montra. Il n’était pas si grand pour un nordique. Bien que pour un Elfe personne n’était si grand, cet homme n’était pas plus grand que n’importe quel Bréton. Derrière lui, une femme avec un fichu sur la tête semblait très inquiète. Elle avait un ouvrage de couture dans les mains, et le chiffonnait tant elle le serrait fort. Le vieux nordique fronça ses sourcils gris et demanda à Gwynevyre : 


  • Alors vous cherchez du travail hein ? Et qu’est-ce que vous y connaissez ? Vous êtes qui au juste ?



La mercenaire soutenait son regard sans flancher, observant l’homme dans l’encadrure de la porte elle lui répondit : 


  • Je me nomme Gwynevyre, je suis mercenaire. Et vous qui êtes vous ? 



  • Je m’appelle Hector. Je suis le chef de ce village et voilà ma femme Tilda. Je peux savoir comment une simple mercenaire peut nous venir en aide ? Je vous connais pas, vous êtes une elfe, et vous êtes une femme. Ca fait beaucoup de raisons de pas vous faire confiance. 



Il avait croisé les bras afin de montrer son mécontentement. Visiblement, les étrangers n’étaient vraiment pas les bienvenus ici. Elle rétorqua : 


  • Premièrement, allez vous faire foutre. Deuxièmement, j’ai plus d’un tour dans mon sac. Écoutez, j’ai fait trois jours de voyage afin de vous venir en aide, et étrangement j’ai pas l’impression qu’il y ai beaucoup de passage dans le coin je me trompe ? D’autant plus qu’avec la réputation que vous on fait les péquenauds ça risque de pas s’arranger. Alors soit vous espérez que votre problème se règle tout seul, soit vous cachez quelque chose et ne voulez pas que ça se sache. 




La femme regardait son mari avec ébetement, celui ci ne savait pas trop quoi dire non plus. Il ferma la bouche attrapa son manteau et déclara : 


  • Allons faire un tour, on pourra discuter. 







Chapitre 3 :


Au bout de quelques minutes de marche, dans un silence absolu. Hector le brisa : 


  • Désolé pour ce que j’ai dit tout à l’heure, c’est juste que par ici on aime pas trop qu’on se mêle de nos affaires. Je voulais juste vous faire partir. 



  • Vous êtes stupide. Rétorqua Gwynevyre sèchement. 



  • P’t-être, mais après ce qui c’est passé c’est difficile de faire confiance à une inconnue qui se présente, en armure noire dans un village aussi isolé. 



Gwynevyre ignora la remarque, elle avait besoin de cette armure, de ce casque, de cette allure. Mais c’était au détriment de la confiance qu’on pourrait lui accorder. Pour le moment, la peur lui avait été bien plus souvent utile que la confiance. Ils avaient continué de marcher, et ils étaient en direction des granges aperçues en contrebas. 


  • Bon vous allez me raconter ce qui s’est passé oui ou non ? 



  • Très bien très bien ! Mais je dois vous le dire mercenaire, le village ne roule pas sur l’or, on échange surtout des marchandises, des choses qu’on peut pas avoir en montagne comme du sel pour la viande par exemple.. 



  • On parlera de mon paiement plus tard, pour le moment, concentrons-nous sur ce qu’il s’est passé. 



  • Oui oui, bon très bien. Il se racla la gorge. Il y a quelques semaines, on a retrouvé une de nos bêtes morte un matin. Elle était dans le champ avec tous les autres moutons, sauf que bah lui il était mort. Et bien mort je peux vous le dire ! Mais ce qui était bizarre c’est qu’il a pas été mangé. Vous comprenez, parfois les loups viennent se servir on y peut rien, mais là non. On dirait que la pauve bête a été foudroyée ! Morte sur le coup ! Elle était toute grise et toute sèche. On aurait dit que le pauve mouton avait plus une seule goutte d’eau en lui. On a trouvé ça bizarre alors on a pensé que ça pouvait être une maladie un je sais quoi, donc on l’a brûlé. On a même pas pu le manger ! Après ça bah on a ausculté les autres bêtes, au cas où mais on a rien trouvé. Aucune trace de maladie, enfin pas à l’extérieur en tout cas. 




Le vieillard s’était assis sur une pierre du muret qu’ils longeaient pour atteindre la grange. Reprenant son souffle, il continua. 



  • Le jour suivant, la même chose est arrivée, sauf que cette fois-ci c’était un mouflon ! Tout pareil, il était sec comme si on l’avait essoré puis mis à cuire. Les jours suivants, c'était la même chose. Parfois rien ne se produisait, et on se disait que c’était fini, mais ça recommençait à chaque fois. Seulement, depuis que Marlène est morte… Et bien le bétail a arrêté de mourir. 



  • J’aurais dit c’était une bonne nouvelle, cependant vous ne m’avez pas chassé en disant que le problème s’était réglé, j’en conclu donc que les événements ont continué ? 



Il hocha la tête d’approbation, et déglutit avant de reprendre. 


  • Vous avez raison. Quelqu’un d’autre est mort.  



  • Qui était la victime, et quand cela c’est passé ?

 
  • Il s’agit d’Ursula, la sœur de Marlène. Elle est morte hier, dans les mêmes circonstances, et de la même manière que les moutons… 



  • Pitié Hector, dites moi que vous n’avez pas brûlé le corps comme ceux des autres. 



  • Heu bah non, justement, elle a été préparée aujourd’hui pour son incinération demain. C’est ma femme Tilda qui s’en est chargée.



  • Je dois examiner le corps, c’est important. La famille du défunt serait-elle d'accord ? 



  • Pas besoin de l’autorisation ! Je suis le chef de ce village et il faut que ces morts s’arrêtent. Les gens vivent dans la peur, c’est pas une bonne chose. Le corps est dans la grange, juste derrière. Aidez-moi à me relever je vais vous montrer. 



Gwynevyre saisit le bras d’Hector, et le tira afin de l’aider à se remettre sur ses pieds. Une fois remis debout, ils partirent en direction de la grange, suivant le petit muret de pierre. D’ici, la Haute-Elfe avait une vue plus globale du village. Les maisons étaient petites, et serrées les unes aux autres. A l’ouest l'orée d’une forêt s’étendait à quelques enjambées des premières chaumières. C’était une forêt dense, noire et sombre. Les arbres étaient hauts, des pins en majorité. Le manque de luminosité et la pluie la rendait presque menaçante, inquiétante. Qui aurait pu dire ce qui se cachait là dedans. Elle se focalisa sur la grange qui n’était plus qu’à quelques mètres désormais. Elle était longue mais pas spécialement haute, faite d’un bois sombre qui semblait solide malgré les années et les intempéries. Les nordiques semblaient savoir y faire avec les matériaux et leur conservation. Les portes n’étaient pas fermées, et étaient calées par deux grosses poutres en bois afin de les maintenir ouvertes. 


Ils étaient arrivés devant le bâtiment, et Hector s’immobilisa. 


  • Nous y sommes. Le corps d’Ursula est sur la table, au fond à droite. Il se saisit d’une lampe à huile qu’il tendit à Gwynevyre. Tenez, au cas ou ça manque de lumière la dedans avec c’temps de merde. 



La mercenaire s’en saisit, et le remercia d’un mouvement de tête. 


  • Vous voulez venir autopsier le corps avec moi ? Interrogea-t-elle. Vous pourriez m’aider sur les antécédents.



  • Heu non sans façon, j’suis pas très friand des maccabés. Et puis si vous aviez vu son expression faciale… Vous auriez pas envie de la revoir de si tôt. 



Il se grattait l’arrière du crâne, se sentant gêné. Gwynevyre partie en direction des portes, lui faisant signe qu’il pouvait rentrer chez lui. 


  • Je repasserai plus tard pour vous tenir informer, déclara-t-elle avant de disparaître dans la grange. 






Chapitre 4 : 


La grange était sombre. L’espace entre les planches laissait filtrer quelques rayons lumineux, mais la principale source d’éclairage venait de la lanterne que portait Gwynevyre devant elle. Le bâtiment était encombré, des outils étaient disposés ici et là sur des établis. Certains étaient longs et semblaient être utilisés pour s’occuper des champs, d’autres plus petits servaient certainement à tondre le bétail. La mercenaire avançait lentement, prenant soin d’observer son environnement. La pluie s’abattait sur le toit de la grange, rendant l’atmosphère lourde et oppressante. Cela valait probablement mieux qu’un silence de plomb, surtout en présence d’un cadavre. Justement, elle était là. Ursula était sur la table tel que l’avait dit Hector. Elle avait été préparée avec soin, ses mains étaient jointes sur sa poitrine, et tout autour d’elle des branches de sapins avaient étaient disposées. Quelques fleurs avaient été jetées sur sa robe brune, simple, ne montrant pas une grande richesse. Ses cheveux étaient lâchés et elle portait un bandeau à ses racines. Elle aurait pu être jolie si seulement sa peau n’était pas brune, séchée et craquelée. On aurait dit que le corps avait été abandonné là il y a de cela plusieurs mois, sans jamais n’avoir été incinéré ou mis en terre. Comment était-ce possible ? Gwynevyre n’avait jamais vu ça. Après avoir observée le corps dans son ensemble, elle vit qu’une torche était disposée sur la poutre près d’elle. Elle l’alluma et posa la lanterne de l’autre côté de la table. 
  • Bon, voyons ce que tu as à raconter toi. 



Elle enleva ses gantelets. Et commença l’inspection. La première étape était de vérifier les ongles. S’il y avait de la terre ou du sang, cela signifiait qu’elle s’était débattu. Elle prit donc sa main délicatement dans la sienne, et en la levant pour l’observer, toute la peau du cadavre craquella sèchement. Gwynevyre s’immobilisa, il n’avait pas dû être simple de la préparer de la sorte et de la mettre dans une telle position. Le corps semblait pouvoir s’envoler en poussière à tout instant. 
Reprenant son inspection au niveau des ongles, elle ne vit rien. Ni terre, ni sang. Reposant la main délicatement sur la poitrine de la morte, elle observa le visage d’Ursula. Ses yeux étaient clos mais son expression faciale était… Etrange, elle n’était pas paisible. Intrigué, l’elfe approcha ses mains du visage de la femme, sa main gauche se referma sur le haut du crane, et sa main droite se dirigeat vers ses levres. Avec deux doigts elle entrouvrit la bouche d’Ursula et y plongea ses doigts en profondeurs. L’intérieur était sec, mais quelque chose clochait. Elle s’était mordue la langue. En effet, cette dernière était boursouflée et emplissait presque tout l’espace buccale. 


  • Bien, donc soit elle a prit un coup sur la tête, soit elle a eu peur. 



Elle extirpa ses doigts avec douceur, et prit le premier chiffon à porté pour s’essuyer. Il fallait à présent regarder si le corps cachait des blessures. Après avoir refermé la bouche de la malheureuse dans un claquement sec, elle releva sa robe jusqu'à mi-cuisse. Des bleus sur les genoux. Impossible de dire si elle les a obtenus en fuyant ou si c’était avant, en travaillant. Le fait que les moutons soient morts avant les femmes excluaient la tentative de viol, enfin en théorie. Inutile d’aller plus haut se dit-elle. Rabaissant la robe jusqu’aux chevilles, elle releva ensuite ses manches du mieux qu’elle pouvait. C’était difficile pour l’elfe de voir quoique ce soit avec cette pénombre et cette peau complètement sèche, mais aucune trace de marques n’apparaissait, ses bras maigres étaient immaculés. Décidément, aucune trace de luttes ou de violences n’étaient présentes. 
Par acquis de conscience, Gwynevyre abaissa le col de la robe d’Ursula, cherchant d’un côté puis de l’autre les marques qui auraient pu laisser un tel état de déshydratation. Rien, aucune marque de crocs, et la mercenaire ne savait pas encore s’il s’agissait d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle. 


  • Bon, ma cocotte, on va devoir passer aux choses sérieuses. 



En disant cela, elle se craqua les doigts, s’éloigna quelque peu du corps et commença à incanter silencieusement. Elle ferma les yeux, et laissait venir l’énergie dans sa poitrine, puis dans ses bras, et enfin dans ses mains. Peu à peu, une lumière bleutée, froide et de faible densité vint envahir la pièce. Gwynevyre cherchait à comprendre ce qui l’avait tué, à ressentir dans son esprit ce qu’avait ressenti le corps au moment de la mort. Peu à peu, le lien avec le cadavre d’Ursula était de plus en plus fort, Gwynevyre la ressentait de mieux en mieux. Les yeux toujours fermés elle se concentra, ressentant chaque muscle, chaque articulation, chaque sensation. Bien qu’elle ne puisse pas sentir quelles émotions habitaient Ursula au moment du drame, le corps pouvait en révéler tout autant… Quelques réminiscences perduraient. La peur rendait les muscles raides, le plaisir le rendait tendre etc… Quant à Ursula, et bien son corps était aussi dur que de l’acier trempé, elle est morte terrorisée, dans un grand froid, et instantanément. Gwynevyre ouvrit les yeux, rompant la connexion. Son échine était parcourue de petits picotements, elle avait la chair de poule. Après avoir repris ses esprits, elle s'interrogeait de plus en plus. Qui avait pu faire ça ? Et surtout, qui avait le pouvoir d’ôter la vie aussi subitement ? L’autopsie était terminée, et la nécromancienne en sortait avec bien plus de questions que lorsqu’elle était entrée. 





Chapitre 5 : 



Elle ne remonta pas immédiatement au village prévenir Hector. Elle préféra rester seule, et après être sortie de la grange, Gwynevyre fit quelques pas. Elle s'arrêta devant le précipice qu’il y avait à une vingtaine de mètres du bâtiment de bois sombre. La pluie s’était arrêtée, mais le ciel restait couvert, noir et menaçant. Elle avait besoin d’un moment pour remettre ses idées en ordre. “Bon sang mais que se passait-il dans ce village ?” pensa-t-elle. Le cadavre fraîchement examiné lui en avait un peu appris mais ce n’était pas suffisant. Elle serra les dents et attrapa une longue herbe qu’elle tritura entre ses doigts. Les attaques avaient toujours lieu de nuit, elle risquait donc de devoir rester éveillée les soirs venus et décida de remonter pour raconter ce qu’elle savait au chef de village et prendre du repos.


En suivant le muret de pierre en sens inverse, elle vit à nouveau cette forêt de sapins, dense et lugubre. Plus elle observait, plus elle se sentait épiée à son tour. Quelque chose de malsain se dégageait de cet endroit. Et évidemment, la mercenaire décida qu’il faudrait y faire un tour.


Une fois arrivée devant la porte d’Hector et de sa femme, Gwynevyre frappa trois grand coups. Tilda lui répondit :


  • Heu, un instant ! 



L’elfe haussa un sourcil et patienta, les bras croisés, scrutant le village. Personne. Comme quelques heures plus tôt, les gens étaient cloîtrés chez eux. Plus loin, son cheval broutait du foin dans la mangeoire, il s’agissait de la seule activité présente en cette fin d'après-midi. Dans son dos la porte s’ouvrit, et le visage barbu d’Hector apparu. 


  • Alors ? lança-t-il.



  • Alors quoi ? Je l’ai examinée. 



  • Vous avez appris quelque chose ? 



Il avait fermé la porte derrière lui et restait sur les marches afin de s’adresser à la mercenaire à hauteur d’yeux. 


  • Elle est morte instantanément. Je pense qu’elle n’a pas souffert mais elle a eu peur, elle est morte terrifiée. 



  • Ho bon sang… Il se rattrapa à un mur derrière lui, tenant son front d’une autre main. Et, vous avez appris aut’ chose ? 



  • Peut-être, ses genoux, ils étaient tout écorchés. Vous savez d’où ça pourrait venir ? Elle travaillait peut-être à genoux, dans les champs ?

 
  • Non, non… Nous avons quelques légumes mais on n'est pas vraiment des cultivateurs. 



Gwynevyre observait l’homme. Chancelant, il semblait plus affecté par cette histoire que ce qu’il voulait bien laisser paraître. Était-ce un simple dégoût de la mort ? Avait-il peur comme tous les autres d’être la prochaine victime ? Tout était possible et il fallait tirer ça au clair. Elle changea de sujet, afin de ne pas faire perdurer le malaise et d’essayer d’établir un semblant de confiance : 


  • Hector, auriez vous un endroit où je puisse loger ? Il faut que je prenne du repos, les nuits risquent d’être longues. 



Il parut surpris, visiblement il n’avait pas pensé au besoin de loger la mercenaire, durant son séjour. 


  • Heu oui bien sûr. Il s'arrêta un moment, l’air de réfléchir puis reprit : attendez moi ici, je reviens tout de suite. 



Il descendit les marches, et s’éloigna en direction de l’entrée du hameau. Gwynevyre l’observa au loin, frapper à une porte, discuter avec une personne de manière plutôt animée et revint voir la nécromancienne une clé à la main. 


  • V’nez suivez moi. Lui intima-t-il en désignant une direction. 



  • C’était qui ? La personne avec qui vous vous disputiez ? 



  • Ho ça ? C’est Vaneck, c’est lui qui garde la clé de la maison vide au fond du village. 



Il semblait gêné et tentait d’éviter le regard de Gwynevyre. Il marchait en tête. 


  • Une maison vide ? Pourquoi est-elle inhabitée ? 



  • Oh vous savez, c'est un petit patelin, parfois les gens partent quand ils ne se plaisent pas quelque part, parfois les gens restent quand ils n’ont pas d’autre choix. 



Ils étaient arrivés à présent devant une maison de bois, aux fondations faites de granite sombre. Elle était simple, et faisait partie des rares bâtiments qui n’étaient fait entièrement de pierre. Hector déverrouilla la porte et pénétra à l’intérieur. L’elfe lui emboîta le pas et se retrouva dans une pièce unique. Un lit et des fourrures étaient placés dans un coin près de l’âtre, une table poussiéreuse était de l’autre côté. Près de l’entrée un banc était là, probablement pour se déchausser. Quelques bougies et un buffet venaient constituer le maigre mobilier de cette maisonnette. 


  • Voilà, et bien ce n’est pas grand chose, mais au moins vous y serez au sec. Il y a des bûches près de la cheminée. Désolé pour la poussière ça fait bien longtemps que personne n’a mis les pieds ici. 



  • Aucun problème, je saurais m’en contenter. Merci Hector. 



  • J’enverrai quelqu’un vous envoyer un panier de nourriture un peu plus tard dans la soirée. Bon et bien mademoiselle Guyvényre je vous laisse vous reposer.



Il recula jusqu'à la porte d’entrée en saluant, se retourna et partit en direction de sa propre demeure. Gwynevyre alluma quelques bougies, démarra un feu dans l’âtre et après avoir secoué les fourrures et placer une chaise devant la porte bien qu’elle soit fermée à clé ; elle retira ses gantelets, délaça son armure et s’effondra sur le lit, sombrant presque immédiatement dans le sommeil. 








Chapitre 6 : 



Elle fut réveillée en sursaut quelques heures plus tard. Quelqu’un avait frappé. Elle regarda par la fenêtre, la nuit était tombée et une légère brume était apparue. Vêtue d’une simple chemise et de son pantalon elle se dépêcha d’aller ouvrir la porte. Après avoir déplacé la chaise et déverrouillé la porte, elle ouvrit cette dernière. Encore une fois, personne. Scrutant les alentours, cherchant une silhouette elle ne vit personne, mais un panier d’osier avec un torchon sur le dessus était déposé sur le pas de sa porte. Après s’être accroupie afin d’en regarder le contenu, elle rentra avec le panier et dégusta la viande séchée et la bouteille de bière qui l’accompagnait. 


Quelques instants plus tard, son armure équipée et son casque enfilé, elle quitta la cabane afin de patrouiller et d’observer la vie nocturne dans et autour du village. Malgré la protection de plaque, elle était silencieuse quand elle marchait. Au fil du temps elle avait appris à reconnaître les cliquetis de son armure et à les éviter, cette protection était nécessaire pour elle qui ne connaissait rien à la magie de soin. 


Elle s’éloigna quelque peu du village, se dirigeant vers les pâturages qu’elle avait vu en arrivant. Ses pas glissaient sur l’herbe encore humide. En se déplaçant comme ça, elle aurait donné la chair de poule à n’importe qui la voyant avancer de la sorte, avec ses cornes et pour seule lueur le cristal bleuté de son bâton. Elle était arrivée, elle avait senti les bêtes avant de les voir, quelques têtes curieuses s’étaient tournées vers elle. Mis à part ça, tout était calme. Il n’y avait pas un bruit, même le tonnerre s’était tue. La mercenaire resta immobile un moment à observer les animaux. Une chèvre s’approcha et tira le pantalon de Gwynevyre, comme si elle cherchait à le manger. L’elfe lui adressa quelques caresses entre les cornes puis la chassa. Elle s'apprêtait à partir quand au moment de se retourner son regard capta un mouvement, une forme extrêmement rapide qui avait disparue aussi rapidement qu’elle surgit de la forêt. 


  • ça va aller ? Combien d’autres clichés je vais devoir me taper ? Se lança-t-elle à elle même



Elle ne prêta pas plus d’attention à cette forme engloutie dans la nuit mais retint cette information, et se dirigea plutôt vers le village. Une fois sur ce qui servait de place, elle alla voir son cheval, toujours sous le porche servant d’écurie. Gwynevyre le caressa quelque peu, enlevant les brins de foin coincés dans sa crinière. Tout en le caressant, elle observait le village plongé dans l’obscurité. Quelques bougies étaient encore allumés derrière des volets fermés, mais pour la grande majorité tout était noir. Tapotant sa monture en signe de bonne nuit, elle s'éloigna et se posa sur un muret, le dos appuyé contre le mur d’une des maisons. Elle allait rester ici quelque temps, observant d’un œil attentif les moindres petits détails. 



Elle était restée assise là, sur ce muret plusieurs heures durant. Mais quand la pluie décida de tomber peu avant l’aube, elle décida de rentrer prendre du repos à la cabane. Son aventure de la nuit ne fut pas riche en rebondissements, mais au moins, personne n’a été blessé ou même pire. Assise sur le lit, elle se dit qu’elle avait encore quelques heures devant elle avant que le village ne s’active pour l’incinération. Elle s'allongea et ferma les yeux de nouveau afin de sombrer dans un sommeil sans rêve. 





Chapitre 7 : 



Le lendemain matin, alors que Gwynevyre venait tout juste de faire sa toilette, Hector frappa à la porte. L’elfe s’essuya le visage et alla ouvrir la porte en bois. Le chef de village était là, un chapeau qui avait dû être élégant autrefois posé sur sa tête. 


  • Bonjour. lança-t-il. Bien dormi ?



  • On peut dire ça. Entrez. 



La mercenaire invita le vieillard à entrer d’un signe de la main, refermant la porte derrière lui. 


  • Mes homme ont fait le tour du village et des pâturages, aucun corps n’a été découvert. 



Gwynevyre ne répondit pas immédiatement, allant plutôt remettre une bûche dans la cheminée. 


  • Je sais, je suis sorti cette nuit Hector, pour voir si je pouvais apprendre quelque chose. 



  • Alors ? Vous avez vu quelque chose ?



"intéressant choix de mots” se dit-elle. 


  • Il est trop tôt pour le dire. 



Ajustant le bois avec le tisonnier, la mercenaire observait le vieil homme. Il serrait son chapeau avec ses deux mains et semblait visiblement mal à l’aise. 


  • ça ne va pas Hector ? Vous êtes tout pâle. Lança-t-elle d’un ton faussement amical.



  • Si si, je suis venu vous chercher, l’incinération d’Ursula va bientôt commencer. Si vous voulez bien vous joindre à nous, cela se passera devant la grange ou je vous ai amené hier. 



La mercenaire acquiesça d’un signe de tête. Hector partit donc en premier, afin d’organiser les funérailles. Gwynevyre restait là quelques instants, le regard perdu dans les flammes, à réfléchir à toute cette histoire. Le tonnerre gronda au loin, et la sortie de sa réflexion. Elle enfila son pourpoint de plates, et sortit à son tour. La pluie mouillait ses cheveux blancs, les gouttes venaient se fracasser contre ses épaules. Elle leva les yeux vers le ciel, observant les nuages, et se mit en route. 


Lorsqu’elle arriva devant la grange, elle resta à l’écart. Il semblait que tout le village s'était réuni. Hector venait de prendre la parole, il semblait vouloir dire quelques mots au sujet de la défunte. Pendant qu’il parlait, et racontait le blabla habituel, la nécromancienne préférait observer les gens réunis ici. Ils semblaient tous pauvres sans exception, ils avaient sorti leurs plus beaux vêtements, qui n’étaient que de vulgaires fripes pour n’importe quel Nobliau, mais Gwynevyre préférait cette simplicité. Bien qu’elle soit restée discrète, cela n’a pas empêché quelques habitants de la dévisager avec mépris. Elle avait l’habitude, les elfes n’avaient pas forcément une excellente réputation en dehors du domaine. Alors avec son allure si particulière… En continuant d’observer la foule, elle aperçut Tilda et quelques autres, qui pleuraient à chaudes larmes. Hector avait finit son discour et se tenait près de sa femme pour la soutenir. Un homme s'est avancé près du corps, une torche à la main. Ursula était couchée sur un lit de bois, de petites brindilles étaient mêlées à des bûches plus imposantes. L’homme, grand avec le crâne rasé, approcha la torche délicatement du bûcher funéraire qui s’embrasa immédiatement. De l’huile avait été disposée un peu partout afin que les flammes prennent malgré la pluie. Tilda et les autres pleuraient avec plus d’intensité. 


Peu à peu, le feu prenait de plus en plus et enveloppait à présent le corps d’Ursula entièrement. Quand les flammes dévorèrent le cadavre minutieusement préparé, une femme commença à chanter, suivit par plusieurs autres villageoises. 



***



Après ce chant d’adieux, certains restèrent plus que d’autres afin de se recueillir. Quelques enfants en bas âge ne comprenaient pas très bien ce qu’il se passait et interrogeaient leurs parents, trop émus pour leur fournir une explication claire. Gwynevyre voulait rester jusqu’à la fin, observer tout le monde. Ces gens ne voulaient pas lui parler, il fallait donc qu’elle obtienne des informations comme elle pouvait. Tendant l’oreille, elle épiait les conversations d’un air faussement intéressé, et essayait de saisir des mots au passage lorsque les gens passaient devant le mur ou elle était adossée. Cela finit par payer. En effet, deux femmes passèrent devant elle, un marmot dans les bras tout en bavassant à voix basse : 


  • Tu te rends compte… Deux enfants prisent en quelques jours seulement… Tilda doit être vraiment dévastée. 



  • C’est leur faute si notre bétail et nos villageois meurent c’est certain. Ils ont dû pactiser avec je ne sais quel daedra et ça leur retombe dessus. Putain de famille maudite…



Gwynevyre n’entendit pas la fin de la conversation. Mais ça lui était égal. Elle avait appris ce qu’elle voulait. Une petite discussion avec Hector s’imposait semblait-il. Elle l’observa au loin, il était resté près du bucher avec sa femme qui semblait sur le point de s’écrouler à tout instant. La mercenaire décida donc de leur laisser se répit avant de revenir à la charge le lendemain avec de nouvelles questions. Elle emboîta le pas à un groupe de villageois et rejoignit sa cabane, afin de préparer ses affaires en vue de son expédition de cette après-midi. 







Chapitre 8 : 










Cette ombre. Cette forme qu’elle avait vue la veille. Elle devait en savoir plus. En préparant une petite sacoche de voyage rapidement, Gwynevyre cogitait : de qui pouvait-il s'agir ? Pourquoi être dehors en pleine nuit ? Était-ce une créature vivante ou non ? 






Les questions se bousculaient dans sa tête. Une fois une miche de pain, un morceau de fromage et quelques tranches de lard fumé bien emballés, elle attrapa sa sacoche et son bâton et quitta la petite maison de bois. Une pluie fine tombait, les gouttes étaient si légères qu’elles ressemblaient presque à des flocons. Elle se mit en marche vers l’orée de la forêt où elle avait aperçu la forme mystérieuse. LA mercenaire traversa Lonefort, les villageois s’écartant sur son passage cessant toute discussion. Elle passa devant l’enclos des chèvres où elle était la veille, et continua sa route jusqu’au bois. Cette sombre forêt encerclé quasiment entièrement le village, mis à part le gouffre au sud et le chemin d’accès à l’est. 






Cette sapinière était des plus inquiétante, et la pluie ne la rendait pas moins effrayante. Avant de pénétrer à l’intérieur, Gwynevyre s'arrêta quelques instants. Observant les alentours, s’imprégnant de l’ambiance sombre qui régnait en maître et qui semblait s’accentuer à mesure que l’on s’avançait dans la forêt. La nécromancienne ferma les yeux, et huma l’air calmement, en respirant à fond. Elle ne sentait rien. Elle expira et pénétra dans la forêt.






La première chose qu’elle fit, fut de sortir son couteau et de tracer une marque sur un arbre. Cette forêt était dense et sombre, il semblait facile de s’y perdre. Au fur et à mesure de son avancée, elle marquait les arbres de la pointe de sa lame. les racines étaient noueuses, et peu profondes. Marcher ici n’était pas chose aisée, il fallait être prudent. Une fois qu’elle se fut suffisamment éloignée de l’orée du bois, elle jugea qu’il était temps. Elle se dirigea vers un endroit où les arbres n’étaient pas trop proches les uns des autres et où les racines n’étaient pas présentes. Elle déposa sa sacoche au pied d’un sapin, et prit son bâton à deux mains. Gwynevyre s’immobilisa, se concentrant et faisant appel à sa magie nécrotique. Elle la laissait venir en elle, envahir ses membres. Et lorsqu’elle sentit que le moment était opportun, elle leva se bâton pour le planter dans le sol meuble et humide. Toujours aussi concentrée, les yeux fermés, la nécromancienne cherchait une trace, une sensation, une odeur. Quelque chose qui aurait pu la conduire à un cadavre, ou une charogne. Cela aurait pu l’éclairer sur ce qu’elle avait vu la nuit précédente. Après tout, ce n’était peut-être qu’un animal nocturne ? 






Elle laissait venir à elle toute l’énergie qu’elle pouvait puiser dans la forêt. Elle resta ainsi plusieurs minutes, immobile. Et ce qu’elle sentait ne présageait rien de bon… En effet, car elle ne sentait quasiment rien. Elle avait remarqué que la forêt était silencieuse en pénétrant ici, que les oiseaux ne chantaient pas et que les écureuils ne sortaient pas de leur trou. Mais Gwynevyre ne s’était pas douté que c’était parce qu’il n’y avait pas d’oiseau pour chanter, ou d’écureuils pour grignoter des noix. La forêt était tout simplement.. Inhabitée. Elle allait interrompre sa transe lorsque quelque chose attira son attention. C’était discret, fugace, presque imperceptible. Mais la mercenaire ne connaissait que trop bien cette sensation, cette odeur. C’était la mort. 






Elle ouvrit les yeux prestement, attrapa sa sacoche, et encore emplie de magie elle suivit la piste de ce qu’elle ressentait. Cela devait être loin car la piste était presque insaisissable. Tel un limier, elle se laissait guider par ce qu’elle ressentait, avançant rapidement de peur de perdre la trace. Elle s’enfonçait toujours plus profondément dans la forêt, et avait commencé à prendre de l’altitude. Si le couvert des arbres s'éclaircissait un peu, elle était persuadée de pouvoir voir le hameau au loin. Prenant toujours soin de marquer les arbres sur son passage, Gwynevyre avançait avec prudence. La piste était plus forte, plus elle persévérait plus il était facile de la sentir. Elle arriva près d’un ruisseau et s'arrêta pour se désaltérer. Aucune grenouille ne croassait, décidément quelque chose tenait tous les animaux éloignés de cette forêt. Elle franchit le ruisseau d’un saut, et continua sa route. Écartant les branches d’arbres sur son passage. Elle pouvait avancer silencieusement grâce au tapis de mousse et d’aiguilles mortes qui recouvraient le sol, c’était un avantage mais pas seulement pour elle, cela l’était également pour n’importe qui voulant lui tomber dessus. 






Au fur et à mesure que l’énergie nécrotique envahissait Gwynevyre, la forêt semblait être de plus en plus sombre et de plus en plus menaçante. La mercenaire se sentait observée bien qu’il n’y ait absolument personne autour. Elle approchait. Ce n’était peut-être rien, peut-être n’était-ce qu’un simple cadavre de cerf ou de chevreuil. Mais elle n’y croyait pas. C’était autre chose. Elle avançait plus lentement, plus prudemment. Au cas où. Gwynevyre continua de marcher encore quelques pas, puis au détour d’un bosquet d’arbre, elle la vit. Une tombe. Ou plutôt, un amoncellement de terre retournée. Il n’y avait que très peu d'aiguilles à cet endroit là, et la terre était plus sombre. Au vu de la quantité de feuilles mortes et des brins d’herbe qui commençaient à pousser, cette tombe de fortune n’avait pas plus de deux ou trois semaines.






Bordel mais c’est quoi ce foutoire ? 






Elle était restée silencieuse depuis le début de sa randonnée mais elle ne put retenir cette remarque. Ce n’était pas normal, et l’incompréhension de Gwynevyre grandissait. Avant de faire quoique ce soit, elle observa les alentours. Cherchant des traces, des marques, des empreintes de pas peut-être. Mais rien. La pluie s’était chargé d’absolument tout effacer depuis longtemps. La tombe de fortune avait une taille humaine, et n’était pas particulièrement large. La nécromancienne sentait que la piste qu’elle suivait depuis tout à l’heure provenait du cadavre enterré là dessous. Il n’y avait plus le choix, il fallait creuser. Déposant sa sacoche et son bâton près d’un arbre, la haute-elfe  se prépara à user de ses mains pour bêcher la terre meuble. Elle s’agenouilla, faisant remonter à ses narines toutes les odeurs du sol meuble et humide, et commença à creuser. La tâche lui prit plusieurs dizaines de minutes, évidemment, elle n’avait pas pris de pelle avec elle. Ses gantelets étaient recouverts de terre, et avaient brunis. Elle s'arrêta lorsque ses mains touchèrent quelque chose de dur, de solide. Elle savait ce que c’était, et prit un moment pour étudier la meilleure manière de le remonter à la surface. Creusant tout autour pour faciliter la chose. 






Une fois le cadavre exhumé jusqu'à la taille, Gwynevyre vit qu’il s’agissait autrefois d’un homme. Elle entreprit alors de le nettoyer de la terre qui collait et sa peau, ou plutôt à ce qu’il en restait. La surface du corps était entièrement décharnée, la peau partait en lambeau. Cette dernière était blanche sous la terre, d’un blanc à faire frémir n’importe quel vampire. Plus la mercenaire nettoyait le cadavre, plus l’odeur pestilentielle emplissait ses narines. C’était abominable. Le travail de putréfaction avait déjà bien avancé, et Gwynevyre devait faire attention à ce que les vers ne rentrent pas sous sa propre peau, lorsque ses mains venaient débarrasser le corps de la boue. Elle n’aimait pas ce fourmillement d’asticots blancs, ils étaient extrêmement nombreux et le seraient encore plus d’ici un jour ou deux. Heureusement pour elle, ce n’était clairement pas la première fois qu'elle voyait ce genre de spectacle et sûrement pas la dernière. Elle avait eu le temps de s’habituer, tel un fossoyeur transportant les morts. Quelqu’un pour qui ce genre de vision n’était pas courant, aurait très probablement rendu le contenu de son estomac, dès la première vision ou de la venue de l’odeur nauséabonde. 






Le cadavre était presque nettoyé, enfin comme on pouvait le faire au milieu d’une forêt un jour de pluie avec rien de plus que ses propres mains. Mais il restait la dernière partie, celle qui intriguait au plus au point Gwynevyre de par sa forme. Le visage. En effet, il était toujours recouvert de terre, mais, quelque chose clochait. La forme de la boîte crânienne n’était pas habituelle. Une malformation ? songea-t-elle. Pour en savoir plus, elle attrapa délicatement l’arrière du crâne du mort avec sa main gauche, et avec sa main droite entreprit de frotter tout d’abord les côtés, puis de partir du bas du visage en remontant. Il lui manquait quelques dents, mais celles toujours présente semblaient montrer qu’il s’agissait d'une personne relativement jeune, peut-être trente ans à peine. Elle frotta plus haut, et sans qu’elle s’y attende, le nez du cadavre tomba au passage de sa main sur ses genoux. Laissant deux grands trous béants d’ou sortaient des dizaines et des dizaines d’asticots tombant eux aussi n’ayant plus rien pour s’accrocher. Remontant encore un peu, arrivant à la dernière trace de boue, à la malformation, Gwynevyre ne savait pas ce qu’elle allait trouver. Elle effaça la terre restante de sa paume, et rien de ce qu’elle avait vu jusqu’à présent, n’était équivalent à ça. Un trou gigantesque beaucoup plus long que large barrait le crâne du malheureux. Un coup net et fort avait laissé cette marque. Elle partait du sommet du crâne et descendait jusqu’entre les deux yeux, ouvrant la boite crânienne comme une bûche passant au fendoir pour être coupée en deux. Le coup avait été asséné avec force, beaucoup de force si bien que l’instrument qui avait fait ça, permettait aujourd’hui à la nécromancienne de voir d’un œil l’intérieur ce qui fut jadis la tête d’un homme. Le cerveau gris qui emplissait autrefois l’espace avait presque entièrement été dévoré, tout comme les yeux de la victime. Elle n’apprendrait rien de plus du corps en lui-même. Elle le savait, la putréfaction était trop avancée. Mais elle en savait suffisamment pour rentrer.  






Gwynevyre semblait n’avoir aucune émotion. Elle replaça le cadavre dans la tombe de fortune, et rassembla la terre éparpillée afin de recouvrir le corps. Elle resta immobile un moment, debout. Alignant les éléments constituants le puzzle gigantesque qu’était toute cette histoire. Elle était sale, couverte de terre, et prit la décision de retourner au ruisseau qu’elle avait vu un peu plus tôt afin de se nettoyer un minimum. Elle ne se rendit même pas compte qu’elle était arrivée au point d’eau tant elle ruminait. Elle se secoua et plongea ses mains dans l’eau glacée, ce qui finit de la reconnecter avec la réalité. Accroupie près de l’eau, et ayant dévêtue son armure afin d’inspecter si le moindre ver n’était pas rentré sous sa peau, elle s’immobilisa. Le froid avait gagné en intensité, sa magie et son instinct lui criaient qu’elle n’était pas seule. Elle tendit l’oreille afin de savoir d’où cela pouvait venir, et se redressa vivement. Le malaise en elle grandissait, le silence était de plus en plus pesant. Même la pluie s’était arrêtée. Elle ne voyait personne, mais soudain, tout proche de son oreille, une voix lui murmura : 






 - Alors tu l'as vu.   

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Le Son du Silence Empty Re: Le Son du Silence

Sam 16 Sep - 20:32
Chapitre 9 : 



Les poils dans la nuque de la haute elfe étaient hérissés. Le froid la transperçait, mais elle n’avait pas peur, plus devant eux. Réagissant le plus vite possible, Gwynevyre se jeta en avant, attrapant son bâton au passage et finissant sa roulade de l’autre côté du ruisseau. Elle faisait à présent face au spectre qui n’avait pas bougé d’un centimètre. Il n’attaquait pas, restait immobile et silencieux. Cependant la mercenaire ne relâchait pas garde. Le spectre était d’un noir abyssale, et n’avait qu’une forme vaguement humanoïde. On devinait la présence de membres telle que les bras et la tête mais les jambes étaient floues, volatiles. Son visage n’avait pas de traits distincts, son corps entier n’était qu’une ombre matérialisée, flottant à quelques centimètres du sol.


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Il était terrifiant, et la nécromancienne sentait parfaitement que cette entité était tout particulièrement puissante. Et elle avait une petite idée de comment le spectre avait fait pour gagner en puissance. Elle brisa le silence qui s’était installé :


  • Qui êtes-vous ? lança-t-elle sèchement. 




En plissant les yeux, et en scrutant l’obscurité qui constituait le visage de l’esprit, Gwynevyre voyait deux petits yeux blancs la fixer. Ils semblaient… Lointain, presque inatteignable, et à la fois si proche. Un frisson l'a parcouru, son instinct était en alerte. 


  • Vous le saveeeez. 



Etrangement, sa voix n’était pas rauque, ou particulièrement abimée comme on aurait pu s’y attendre. Mais elle était plutôt profonde et glacée telle l’eau du ruisseau qui les séparait. 


  • Vous êtes l’esprit du corps de la forêt. 



Il ne bougeait toujours pas, restant la, de trois-quart la tête baissée. Mais il dévisageait l’elfe, c’était une certitude. 


  • Ça ne me dit pas qui vous êtes. reprit-elle, toujours cramponnée à son bâton, s’attendant à lancer un sort à tout instant. 
  • Je m’appelle Sven. 
  • Vous viviez au village ? A Lonefort ? 
  • Ouiiii. 
  • Pourquoi êtes-vous mort ? 



La nécromancienne savait très bien la réaction que cela pouvait avoir. Parler des causes du décès d’un fantôme ou d’un spectre pouvait raviver en lui des émotions néfastes ; et par là même, des réactions violentes. Gwynevyre s'agrippait à son bâton, les jambes fléchies, guettant la réaction de l’Ombre face à elle. Et ça ne manqua pas. 


  • Ils m’ont tué ! C’est de leur faaauuutee. 



Cette fois-ci, le spectre avait bougé, agitant les bras rageant. Sa voix était plus forte, plus plaintive, et la colère se sentait. 


  • Vous devez partiiiiir, reprit-il plus calmement. Je dois finir ce que j’ai commencé. 
  • C'est-à-dire massacrer le bétail et tuer de pauvres jeunes filles ? Vous savez que ça fait des semaines que ces gens vivent dans la peur, il y a des enfants là-bas non d’un chien ! 
  • C’est de leur faauuutee. Vous devez partiiiir. 
  • Pourquoi ? Car je suis en danger ? Gwynevyre se méfiait de ce qu’il disait, les spectres pouvaient être extrêmement trompeurs parfois. 
  • Nooooon, vous m’empêcher d’accomplir ma taaaache. 
  • Je ne partirais pas. Déclara-t-elle avec fermeté. 
  • Domaaaage, j’aurai essayé avant de vous tuer. Je suis désoléééééé. 




Attendant une attaque venant de la part de l’Ombre, Gwynevyre était prête à contre-attaquer. Mais l'assaut ne vint jamais. Le spectre était en train de s’effacer, de disparaître petit à petit, finissant par les deux yeux blancs, finissant de fixer Gwynevyre. Mais la scène n’était pas terminée. En effet, alors que toute son attention était focalisée sur Sven le revenant, la nécromancienne n’avait pas fait attention à ce qu’il se passait autour. Elle était à présent, encerclée par les loups. Des loups maigres, affamés de par le manque de proie présentent dans le bois. Ils étaient tous là, à environ une quinzaine de mètres de la mercenaire. La jaugeant, essayant de deviner quelle menace représentait l’elfe pour la meute qu’ils étaient. Gwynevyre en comptait neuf. Un danger plus que réel et important. Elle se déplaça lentement vers ses affaires pour saisir son couteau de chasse au cas où elle viendrait à être désarmée. Tous se jaugeaient, attendant le premier qui allait rompre cette formation. Les canidés avaient la bave qui coulait, des grognements sourds se faisaient entendre. Leurs pattes puissantes mais amaigris étaient prêtes à bondir. Et ça ne tarda pas. Un premier loup sauta d’un promontoire rocheux et s’élança vers l’elfe prête à réagir. Cette dernière, tendit la main gauche pour arrêter la bête lors de son saut et lui planta son couteau dans l'abdomen, l'envoyant valser quelques mètres plus loin. Un second la renversa avant qu’elle ne puisse faire quoique ce soit. S'effondrant sur le sol, elle canalisa son énergie entre ses mains et la relâcha en direction du loup qui l’avait fait basculer. Il s'effondra, raide mort, de par l’énergie nécrotique qui l’avait traversé. Les bras de la haute elfe brillaient d’une lumière froide, elle se redressa attendant le prochain assaut des bêtes affamés. Elle rattrapa son bâton, et se prépara à frapper. Les autres loups se ruèrent vers elle, toutes dents dehors. Elle frappa le premier qui était à sa portée avec son bâton qui couina de douleur, un autre lui saisit le bras et quelques crocs passèrent à travers la maille de son armure, la ou les plaques se rejoignaient. Gwynevyre hurla de douleur et rattrapant son couteau, égorgea le pauvre animal. Le sang giclait partout, son visage en était recouvert. Elle avait du mal à voir autour d’elle, et le peu de magie nécrotique qu’elle pouvait tirer du sol venait principalement des végétaux et des quelques loups déjà morts étant donné le peu de vie du bois. Soudain, elle eut une idée. Voyant que les loups survivants tournaient autour d’elle pour trouver le meilleur angle d’attaque, elle se concentra et l’appela lui à se lever et la rejoindre. Le cadavre de Sven qu’elle avait déterré quelques instants auparavant. C’était comme une marionnette, la nécromancienne tirant les ficelles avec une facilité déconcertante. Elle n’avait même plus besoin de le regarder ou de le contrôler spécifiquement. Il suivrait simplement sa volonté. 


Pouvant à nouveau se concentrer sur le combat qu’elle était en train de mener, Gwynevyre laissa affluer son énergie vers la piste qu’elle avait suivie un peu plus tôt, attendant son renfort. Les six loups restant passèrent à l’attaque. Le sang de l’elfe parvenue jusqu’à leur narines, ils étaient plus en rage que jamais. La mercenaire se mit à courir, essayant d’atteindre un promontoire afin d’avoir le dessus sur le groupe d’animaux. Tout en s’élançant, elle chassa l’une des bêtes essayant de la mordre au mollet d’un revers de la main chargé d'énergie bleutée. Il s’effondra, ko pour quelques instants. Voyant qu’elle n’atteindra pas le rocher en vue à temps, elle changea de tactique et passa à l’offensive. Elle se jeta sur un des canidés présents sur sa gauche interrompant sa course, et bloquant sa mâchoire d’une main, elle planta son couteau dans le poitraille de l’animal à plusieurs reprises. Elle happa l’énergie vitale du loup entre ses mains et forma un bouclier pour se protéger juste à temps des autres qui avaient changé de direction afin de lui sauter dessus. Ceux-ci se brisèrent face au bouclier que formait la fumée noire, mais ce dernier s’estompa tout aussi vite. Gwynevyre était essoufflé, elle avait du sang sur le visage et des cheveux blancs dans les yeux. Mais heureusement, elle le voyait, son sauveur. Le cadavre de Sven arrivait à toute allure. Gwynevyre lui fit s’arracher son propre bras, et casser l’os qui le constituait. Le visage du cadavre encore barbouillé de terre, le trou au milieu du front bien visible, il se jeta sur les bêtes hurlant comme un macabé en avait la possibilité. C’était un cri rauque et terrifiant, venant de cordes vocales en décompositions. Des vers tombaient de sa boîte crânienne à chaque pas, à chaque mouvement. Et cette fois-ci, Gwynevyre s’en fichait. Elle reprit le combat face au loup qui ne savait plus vers quel adversaire se tourner, et finalement le groupe se divisa en deux, acculant l’elfe au pied de l'estrade rocheuse. Avançant lentement comme s’ils avaient perdu confiance en eux, la nécromancienne pu alors voir leurs yeux, ils étaient comme… Possédés, non ce n’était pas une impression, ils l’étaient bel et bien. Elle savait que certains spectres pouvaient influer sur les esprits faibles, mais elle ne s’était pas douté que l’Ombre de tout à l’heure en était responsable. Décidément, ce spectre était plus puissant que ce qu'elle ne s’était figuré. 


Le cadavre de Sven se battait tel un sauvage, se jetant sur les bêtes avec son os brisé pour tout arme, il était inarrêtable. Les crocs des loups n’avaient aucun effet sur lui, il ne sentait rien et eut bientôt raison des deux canidés qui en avaient après lui. Les loups restants se détournèrent de Gwynevyre, sentant que le zombie était une menace plus immédiate et le firent tomber, saisissant chacun un membre, ils entreprirent de tirer chacun d’un côté encore et encore. Ce fut la jambe droite qui céda la première, et cela aurait continué si la nécromancienne n’était pas intervenue afin d’aider son compagnon de fortune. Hapant l’énergie mortuaire des cadavres présents autour d’eux, elle matérialisa une lame nécrotique qu’elle abattit sur deux des trois loups encore en vie. Sectionnés en deux, ils s’écroulèrent, sans vie. Elle attrapa le dernier, grognant et se débattant et d’un coup de couteau, lui ôta la vie. Gwynevyre s’écroula, le manque d’oxgène de la montagne n’était pas habituel pour elle, ni même d’être dans un endroit avec aussi peu de corps en décompositions. Elle était épuisée, blessée et à bout de souffle. Elle rompit la connexion qu’elle avait avec le cadavre de Sven, car celui-ci grognait toujours à la recherche de cibles à abattre, avec ou sans jambe.





Chapitre 10 : 



La nécromancienne avait rejoint l’orée de la forêt. Elle avait suivi les marques qu’elle avait laissé en sens inverse. Elle boitait, et le retour fut difficile pour la haute-elfe. Son bras saignait et le bandage de fortune qu’elle avait calé sous son armure était maculé de sang, elle le sentait. Gwynevyre émergea du bois, surplombant le village depuis les pâturages. Elle marchait en direction de Lonefort, son heaume à cornes sur le visage, le bras ballant. Les chèvres et les moutons la dévisagèrent sur son passage, ne s'empêchant cependant pas de brouter l’herbe humide. Ce ne fut pas le cas des villageois, qui, de stupeur, avaient cessé toutes leurs activités. Le silence se faisait au fur et à mesure que Gwynevyre progressait dans le village jusqu'à sa cabane. Les gens restaient figés, de peur et de crainte, l’observant se déplacer péniblement, laissant une traînée de sang sur le sol boueux derrière elle. Lorsqu’elle passa devant la maison d’Hector, celui-ci la vit par la fenêtre et se précipita pour ouvrir la porte. Il sortit de la maison et s’approcha de la mercenaire tout en respectant une certaine distance. 


  • Mais, mais, qu’est ce qui vous est arrivé ? 
  • Plus tard Hector. 



Gwynevyre avait répondu sèchement, sa voix sonnait creuse et métallique sous son heaume et Hector se redressa subitement un frisson lui parcourant l'échine. Il comprit que ce n’était pas le bon moment du tout pour interroger la nécromancienne.  Il l’observa s’éloigner jusqu’à sa cabane, et s’enfermer à l’intérieur. 


Une fois à l'abri de la pluie et des regards inquiets, Gwynevyre, ôta son heaume et son armure. Son bras ne saignait plus mais la marque des crocs était encore bien ouverte. Elle délia le bandage qu’elle avait enroulé autour de ses blessures en grimaçant. Elle voyait bien qu’elle n’avait d’autre choix que de recourir à la magie de guérison faute de médecin dans cette contrée reculée. Enfin il s’agissait d’une certaine manière d’une magie de guérison, le but étant d’utiliser l’énergie nécrotique autour d’elle pour régénérer ses blessures. L’énergie nécrotique en question étant les cellules mourantes des plaies béantes de son bras. De l’auto régénération en somme. Gwynevyre s'assit sur une chaise près de la cheminée, alluma une bougie et tendit le bras. Elle fit venir la magie en elle, la sentant au bout de ses doigts, pour ensuite la faire remonter le long de son bras blessé. Le même bleu froid que quelques heures auparavant entourait ses membres supérieurs. Ça fonctionnait. Les cellules mortes laissaient place aux nouvelles naissantes. Elle ne maîtrisait pas parfaitement ce type d'exercice, mais cela conviendrait pour le moment. Une fois les tissus déchirés plus ou moins refermés, elle s'autorisa à souffler un moment, remettant ses esprits en place. 



La nuit était tombée. Le village était calme, presque paisible. La Haute-Elfe était restée dans sa cabane, mais restait alerte au moindre bruit, à la moindre variation magique. Elle craignait que le spectre de Sven revienne la chasser, ou pire, s’attaque à d’autres villageois. Gwynevyre repensa à ce qu’il lui avait dit : “ils m’ont tué”. Mais qui ? Et comment le corps avait-il atterri dans les bois ? Elle se tenait le bas du visage, essayant de démêler les informations qu’elle avait en sa possession. Plus elle réfléchissait, plus elle se sentait crispée et tendue. Elle avait besoin de réponses, et elle était certaine que la personne qui pourrait lui en fournir était Hector. Sa mâchoire se serra, elle attrapa son casque et son bâton et quitta la cabane. Il était temps de rendre une petite visite au chef du village. 
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Sam 16 Sep - 20:32
Chapitre 11 : 


Après avoir parcouru Lonefort à grandes enjambées, elle arriva devant la maison d’Hector et Tilda. Elle n’avait croisé personne en venant et c’était tant mieux. Elle regarda à droite puis à gauche et frappa de trois grands coups forts. Le silence se fit à l’intérieur, et un instant plus tard, la porte s’ouvrait sur le visage barbu d’Hector. 

  • Ho c’est v…


Gwynevyre ne lui laissa pas le temps de terminer sa phrase et l’écarta d’un geste du bras pour entrer à l’intérieur. Visiblement, lui et Tilda qui semblait effrayé par la nécromancienne en armure noire, étaient en train de dîner. Le chef du village reprit : 

  • Heu comment vous vous sentez mamzelle, heu madame… On vous a vu revenir en sang tout à l’heure… 


L’elfe ne répondit pas immédiatement. Elle ôta son heaume, et alla le poser doucement sur une commode dans la pièce. Elle en profita pour observer l’environnement autour d’elle. A droite de la porte d’entrée se situait une petite salle à manger, où brûlait un feu de bois et une casserole par-dessus. A gauche, une pièce servait de lieux de passage vers un escalier menant à l’étage, certainement vers une chambre et un endroit pour la toilette. 

  • Heu, vous avez faim ? On a un bouillon encore chaud avec un peu de mouton si vous voulez… 


Gwynevyre éluda la question, cessant la dramaturgie. Hector et Tilda étaient suffisamment mal à l’aise. Elle lui répondit avec colère.

  • Vous ne m’avez pas tout dit Hector. Son ton était sec et froid. Depuis que je suis arrivée ici vous essayez de me mener en bateau, de me transmettre que certaines informations. 
  • Mais non, je je..
  • Ho si Hector, et vous le savez très bien ! Elle s’était rapprochée de lui, et le poussait à du doigt violemment à chaque fin de phrase. Hein, j’ai pas raison Hector ? Comme le fait de m’avoir caché que les deux femmes retrouvées mortes étaient vos filles ! A tous les deux ! 


Tilda qui s’était levée de sa chaise s’effondra.


  • Par tous les dieux… lâcha-t-elle dans un soupir. 
  • Bon sang des gens sont morts, des animaux sont morts, et vous, vous me cachez des choses. Et je pense même que vous savez qui en est responsable. Tu parles d’un chef de village. Mais l’histoire ne s’arrête pas là, oh non. 


Hector qui avait déjà une mine dépitée se sentit encore plus inquiet, reculant jusqu’à heurter le mur derrière lui. Gwynevyre reprit. 

  • Qui est Sven ? 


Le visage de vieil homme était sidéré, la bouche ouverte il n’arrivait pas à répondre. 

  • QUI EST SVEN HECTOR ? 


La nécromancienne avait hurlé, d’une voix grave et forte, ses iris blancs étaient flamboyants et ses sourcils froncés au possible.

  • Mais comment vous… 


Gwynevyre s’approcha de lui et le saisit par le col, Tilda se cacha la bouche de peur qu’il arrive quelque chose à son mari. 

  • Ne me fais pas perdre mon temps Hector…
  • Heu oui très bien… Il était résigné et Gwynevyre le lâcha et croisa les bras. Sven était le fiancé de Marlène… On devait fêter leur mariage au printemps. Sauf que… 
  • Sauf que quoi ?
  • Il est mort avant que ça puisse arriver.
  • Et comment est-il mort hein ? Je peux savoir ?


Hector paru hésitant, ses yeux se plissèrent légèrement, il regarda sa femme et lacha un soupir résigné. 

  • Je, je l’ai tué… 


Sa tête s’était baissée en même temps qu’il s’était confessé, comme s’il en avait honte ou tout du moins il le feignait. 

  • Pourquoi ? Le visage de Gwynevyre restait impassible, et ses bras étaient toujours croisés. 
  • Je n’avais pas le choix ! Vous ne comprenez pas, il a violé Ursula ! MA FILLE ! Vous vous rendez compte ! A quelques mois du mariage avec Marlène ! Je ne pouvais pas laisser passer ça… 



Le silence régnait dans la pièce. Tilda était au bord des larmes et Hector dû s'asseoir sur une chaise. Le feu crépitant était la seule source de bruit dans la pièce. 


  • Si j’ai bien retenu quelque chose de mes longues années d’existence, Hector, c’est qu’on a toujours le choix. Et qu’à chaque choix que nous faisons, des conséquences en découlent. 


Gwynevyre était mauvaise. Elle n’appreciait pas le meurtre, bien au contraire. Son visage était crispé et regardait le couple avec méchanceté. Elle voyait bien que ce qu’Hector avait raconté était vrai, mais elle n’avait qu’une version de l’histoire. Et au vu des événements passés, il était possible tout à fait possible que certaines informations lui soient encore cachées, par honte, ou par crainte. Elle partit reprendre son casque et s’adressa au vieux nordique : 


  • Je vais tirer cette histoire au clair, mais s’il s’avère que vous m’avez menti, ou que vous m’avez caché quelque chose, je vous tue de mes mains et le village sera enfin en paix. Vous m’avez bien comprise ? 

Le couple ne répondit pas, totalement effondré, et Gwynevyre sortit en claquant la porte, faisant trembler les murs de la bâtisse. Gwynevyre fit quelques pas, elle devait remettre ses esprits en place et réfléchir à tout ça. La nuit était totalement tombée et le froid était glaçant. Et c’est dans cette obscurité, que la nécromancienne vit une bougie à quelques enjambées se diriger dans sa direction. Elle posa son casque au sol, et doucement se redressa, plissant les yeux afin de mieux voir quelle était cette lueur dans la nuit. Une silhouette tenant la lanterne, petite et frêle, elle avançait vers l’elfe qui restait sur ses gardes prête à réagir au besoin. La silhouette enroulée dans un châle était à présent toute proche et Gwynevyre se détendit un peu, voyant qu’il s’agissait d’une femme âgée, emittouflée dans sa couverture. La villageoise s’était arrêtée à quelques pas de Gwynevyre, l’air mal à l’aise et lui lança : 

  • Vous cherchez Sven ?




Chapitre 12 : 


  • Comment le savez-vous ?


La nécromancienne était surprise, jusqu’à présent, Hector et tilda étaient les seuls villageois à lui avoir adressé la parole. Ce que cette femme avait à lui dire devait être important. 

  • Et bien, après les hurlements que vous avez poussez, je crois que le village entier est au courant à présent… Venez avec moi. 


Gwynevyre était curieuse, mais toujours en colère. Cette vieille femme l’intriguait. Qui était-elle et que lui voulait-elle ? Elle emboîta le pas à la femme légèrement vouté qui la conduisit à travers le village sans un mot jusqu’à une petite maison proche de l’entrée du hameau. Elle ouvrit la porte de bois et entra la première, l’elfe lui emboitant le pas. La pièce était petite et étriquée. Un feu brûlait dans l'âtre, ce qui était la seule source de lumière de la pièce. Gwynevyre pouvait distinguer qu’un escalier montait à l’étage mais au vu des couvertures posées sur le fauteuille près de la cheminée, la vieille femme devait dormir en bas. Cette dernière cherchait une tige de bois afin d’allumer quelques chandelles posées sur la table en bois au centre de la pièce. Lorsqu’elle en trouva une, la mercenaire lui prit poliment des mains afin de s’en charger, toujours sans un mot. Le temps que la nécromancienne allume les bougies, la femme agée partit s’installer dans son fauteuille. Elle souffrait visiblement, probablement des rhumatismes. Elle avait du mal à se déplacer et la chaleur du feu semblait lui faire du bien. Gwynevyre vit qu’une bouilloire était posée non loin, et entreprit donc de faire du thé pour elles deux. La vieille femme l’observait, éipait avec lasssitude ses gestes et sa manière de faire. Lorsque l’altmer lui tendit une tasse, qu’elle accepta, elle se décida enfin à parler. 

  • Je m’appelle Fjora
  • Gwynevyre. 


La mercenaire rapprocha l’un des bancs de la table pour s'asseoir aux côtés de Fjora. En effet, la pièce était si bas de plafond que l’elfe devait baisser la tête en permanence lorsqu’elle était debout. 

  • Excusez-moi, mais qui êtes vous ? Demanda-t-elle.



La vieille femme la regardait avec lassitude, elle ne repondit pas immédiatement. 

  • Sven était mon fils. 


Cela ne parut pas surprendre la nécromancienne. Elle se doutait que si Fjora était venue vers elle, c’est qu’elle avait une bonne raison. Gwynevyre hocha doucement la tête, plongeant son regard dans les flammes. Elle finit cependant par briser le silence. 

  • Vous saviez qu’il avait été tué ? 
  • Oui… Mon Sven a disparu comme ça, du jour au lendemain. Jamais il n’aurait fait ça vous savez, jamais il ne m’aurait laissé. C’est un bon garçon, je n’avais plus que lui au monde… Quand il a disparu, personne n’a voulu m’aider, Hector a dit qu’il était soit parti soit que les loups s’en étaient pris à lui. Mais je savais que c’était faux, jamais il ne m’aurait laissé vous comprenez ? C’est un bon garçon. 


Visiblement, la vieille femme était troublé. Et seule, trop seule pour sa santé mentale. Gwynevyre hésita alors à lui demander ce qui lui trottait dans la tête. Elle avait besoin de réponses mais l’état de la nordique l'inquiétait. Elle ne voulait pas lui faire plus de mal encore. Finalement elle se décida, pensant que les enjeux étaient trop grands. 

  • Fjora… Hector m’a dit quelque chose… Vous pensez que Sven aurait pu s’en prendre physiquement à Marlène ou à sa sœur ? Voire les agresser sexuellement ? 


  • Non, jamais de la vie mon Sven n’aurait fait ça. C’est un bon garçon vous comprenez ? Il aimait Marlène plus que tout, il était si content quand elle a finalement accepté de l’épouser ! Vous savez, il a essayé pendant des mois et des mois de la conquérir. Mais Marlène a finalement vu qu’il n’y avait pas meilleur garçon dans le village. Oh pauvre Marlène… Et pauvre Ursula… Tous nos enfants… Partis… 


Les paroles de Fjora étaient intéressantes. Mais comment juger du témoignage d’une mère aussi aimante ? La vieille nordique semblait prête à tout pour son fils, serait-elle capable de mentir pour protéger sa mémoire et son honneur ? Préfère-t-elle se voiler la face et croire son fils parti rejoindre Sovngarde ? Tout était possible. 


  • Qui a-t-il jeune femme ? Vous semblez vouloir dire quelque chose. 


  • Fjora. Hector à tué votre fils. 


  • Mais non voyons, Hector est le chef de notre village. Il l’a toujours été. Il veille sur nous et négocie notre laine contre les autres produits du monde. Et puis il aimait beaucoup Sven ! Vous comprenez, c’est un bon garçon, et lui et Tilda n’ont jamais eu de fils. Bien que leurs filles étaient ce qu’ils avaient de plus cher évidemment. Fjora dit une pause, buvant une gorgée de thé. C’est la faute de ces maudits loups… Ils ont fait plus d’une victime au cours des ans je peux vous le dire. 


Voyant que la vérité ne mènerai nul part avec la vieille femme, Gwynevyre se résigna, jaugeant que l’ignorance était le meilleur moyen de la préserver. 

  • Vous avez raison Fjora, je suis désolée. 



Il commençait à se faire tard, le silence régnait dans le village et au sein de la maison. La mercenaire toujours sur le banc, réfléchissait, ses yeux blancs braqués sur le feu. Qui devait-elle croire ? Que s'était-il réellement passé ? Les questions se bousculaient, mais elle ne perdait pas son objectif de vue, protéger les villageois de Sven. Quoi qu’il se soit passé avant sa mort, elle ne pouvait pas le laisser agir. Elle devait continuer son enquête. Une bûche craqua et Gwynevyre décida qu’il était temps de rentrer. La journée avait été mouvementée, il était temps de prendre du repos. Elle se leva, posa sa tasse sur le comptoir et remercia Fjora. Elle s'apprêtait à sortir quand cette dernière lui lança : 

  • Jeune femme, comment avez vous entendu parler de mon fils ? 


Gwynevyre chercha quoi lui dire pour ne pas la blesser. 

  • Tilda m’a demandé de voir si je ne retrouvais pas sa trace dans les bois. Je suis désolée Fjora. 


La vieille nordique hocha doucement la tête. 

  • Tilda est une bonne personne. Je suis heureuse qu’elle ai été là pour Sven, c’est un bon garçon vous comprenez ? 


La nécromancienne l’écouta jusqu’au début des sanglots, puis s’engouffra dans l’obscurité de la nuit, plus amer que jamais. 


Chapitre 13 : 


Gwynevyre avait rejoint sa cabane. Son bras s’était remis à saigner mais moins abondamment. Elle entreprit donc de se rincer, et de rebander les plaies. L’elfe ôta son armure et sa chemise, et approcha de la bassine d’eau. Elle était glaciale. Son contact lui procura un frisson qui lui parcourut la peau. Une fois les trous des crocs nettoyés, elle passa à son visage, frottant avec vigueur. Elle était épuisée et lorsqu’elle eut terminé, s'effondra sur le lit pour sombrer dans le sommeil. 



Elle fut réveillée en sursaut au matin, en effet, beaucoup d’agitation venait de l’extérieur. En tendant l’oreille, Gwynevyre s'aperçut qu’il s’agissait en réalité de cris provenant des villageois. 

  • Bordel mais qu’est ce qui se passe ? se demanda-t-elle à elle-même, alarmée.


Sans prendre le temps de se frotter les yeux, elle se leva d’un bond, et attrapa son armure qu’elle enfila aussi vite que possible. Heureusement pour elle, sa cuirasse était simple à revêtir, et des années à l’avoir porté l’aidèrent à ne pas perdre de temps. Attrapant son bâton au passage, elle sortit de la cabane en enfonçant presque la pauvre porte. Elle ne savait pas combien de temps elle avait dormi tant les nuages dans le ciel étaient noirs et menaçants. Il pouvait tout aussi bien être sept heure comme midi. L’elfe serra les dents, elle aurait dû se réveiller plus tôt. 

Au loin, les villageois s’activaient, certains couraient à l’ouest, armés de fourches et d’arcs de chasse, tandis que d'autres se dirigeaient à l’opposé, visiblement pour rentrer le bétail dans les étables. Des ordres fusaient de partout, la confusion régnait. Par réflexe, Gwynevyre fonça vers le groupe armé. S’ils devaient se défendre contre quelque chose, elle leur serait certainement utile. La pluie avait rendu le terrain glissant, et l’herbe humide. La mercenaire devait faire attention où elle posait les pieds afin de ne pas tomber. Arrivée au coin de la chaumière, où les villageois se dirigeaient, elle comprit : Lonefort était attaqué. A l’orée du village, légèrement en contre bas, s'étendaient littéralement des dizaines d’animaux sauvages. Des groupes de cervidés, des loups, des écureuils, un ours… Toute la vie disparue de la forêt semblait être ici. Cependant, quelque chose clochait.. En effet, les animaux avaient un comportement étrange. Là où Gwynevyre aurait pensé voir des corps en morceaux, il n’y avait rien. Pas de morts, les bêtes semblaient confuses, désorientées. Et par conséquent les villageois aussi. 

L’ours en question s’était attaqué à une clôture comme si sa vie en dépendait, il était effrayant. L’ursidé envoyait valser tous les nordiques s’approchant de lui avec fourches pour le faire fuir. Il était inarrêtable. Les cerfs chargeaient tout ce qui entrait dans leur champ de vision, les arbres, les Hommes, les animaux. Les loups se mordaient entre eux, se roulaient par terre, essayant au passage d’arracher des mains s’approchant un peu trop près de leur gueules. Une fois sa stupeur passée, la nécromancienne décida qu’il était temps d’agir. Elle dévala la petite colline sur laquelle elle était et se rapprocha des hommes et des femmes qui envoyaient flèches et lances là où ils pouvaient pour essayer d'arrêter cette folie, mais les animaux étaient imprévisibles. Et semblent comme possédés. Une flèche vint se loger dans l'œil d’un cerf qui n’eut absolument aucune réaction. Son objectif de briser ses bois contre tout ce qui se présentait à lui semblait bien plus important. Gwynevyre avait besoin de réponses, rien ici n’était normal et elle avait peur d’en connaître la cause. Elle interpella un jeune archer au cheveux noirs qui passa à côté d’elle : 


  • Hé toi là ! Qu’est ce qui se passe nom d’un chien ? 
  • On en sait rien ! Quelques animaux se sont pointés ce matin et ont commencé à beugler et maintenant c’est tout une armée ! 



Leur discussion fut interrompue par un hurlement à en briser les oreilles, l’ours venait d’attraper quelqu’un par le flanc, ses crocs profondément ancrés dans sa chair. Avant que qui que ce soit ai eu le temps de réagir, l’ours avait posé le corps au sol, mettant sa patte gigantesque sur le visage de sa victime et tirant de tout son être sur l’abdomen du malheureux. Son agonie fut brève. Observant ce spectacle macabre, Gwynevyre n’avait pas entendu la biche arriver dans son dos. Cette dernière l’envoya balader trois mètres plus loin, et revint s’acharner sur la nécromancienne. Gwynevyre toujours au sol tentait d’esquiver les coups de sabot fulgurant que la biche envoyait en sa direction. Reprenant ses esprits, et bien qu’elle n’ai aucune envie de faire ça, elle fit monter la magie en elle, chargea ses bras d’une énergie bleutée et laissa partir la déflagration en direction de la biche qui s’écroula sur le sol. La moitié du corps du cervidé était décomposée, laissant apparaître les os et les tissus nécrosés. Elle se redressa avec difficulté suite aux blessures de la veille, cherchant des yeux le chef du village, Hector. Si le responsable de cette folie était bien le Spectre, le vieil homme était en danger. 


Le chef du hameau n’étant visiblement pas ici, Gwynevyre remonta la colline en direction du centre du village. Peut-être aidait-il avec les bêtes, ou bien était-il terré dans sa maison. Les villageois avaient beau être en difficulté avec les animaux sauvages, la nécromancienne avait peur qu’il ne s’agisse que d’une diversion. Elle ne voulait pas les laisser, mais Sven était une priorité. Elle était là pour lui, et représentait la plus grande menace pour le village. Courant en direction des champs et des pâturages, elle voyait les habitants apeurés, ne comprenant pas la situation. Beaucoup étaient à l’extérieur essayant de voir ce qu’il se passait. 

  • Bordel de merde rentrez chez vous ! Fermez portes et volets et vite ! 


La nécromancienne avait hurlé, et son visage ne laissait pas de place à la discussion. Les quelques habitants rentrèrent rapidement dans leur maison, en maugréant qu’ils ne savaient pas ce qu’il se passait. 

Gwynevyre continuait son chemin vers l'enclos des moutons, regardant partout autour d’elle si elle n'apercevait pas la trace du Spectre quelque part. Une ombre, un brouillard, peu importait. Le moindre indice aurait pu lui servir. Elle était crispée, et en arrivant devant l’enclos, elle ne vit Hector nul part ce qui accentua sa frustration. Les bergers qui couraient après les moutons étaient pathétiques, glissant sur l’herbe humide en essayant de rameuter toutes les bêtes apeurées. Mais comment leur en vouloir ? Ces gens n’avaient rien. La laine était leur seul bien. Et ils s’y accrochaient plus qu’à leur propre vie. Gwynevyre devait faire vite, elle hurla à l’attention d’un paysan : 


  • He ! Où est Hector ? Vous l’avez vu ?! 


Un homme d’une quarantaine d'années, au cheveux poivre et sel lui répondit. 

  • Non ! Pas vu depuis le début de la matinée ! Mais bon sang qu’est ce qui se passe à la fin ?! 



La mercenaire ne prit pas le temps de lui répondre et tourna les talons. Elle courut en sens inverse jusqu’à la cabane d’Hector et Tilda. En passant, elle s'aperçut que les villageois étaient de nouveau sortis essayant encore de voir ce qui pouvait bien se passer d’un côté ou de l’autre du village. “Quelle bande crétins bon sang, ils n’écoutent jamais rien” pensa-t-elle. Cette fois ci elle ne s'arrêta pas pour leur demander de rentrer, elle avait perdu assez de temps comme ça. Continuant sa course en faisant attention à ne pas glisser sur le sol humide, elle arriva enfin à la cahute du chef du village. L’intérieur était sombre, et surtout, la porte d’entrée était légèrement entrouverte. Bâton en main, et reprenant son souffle, elle avança prudemment jusqu’aux marches menant à l’entrée de la maison. Elle les gravit lentement et silencieusement. Posant sa main sur la porte, elle la poussa doucement avant de s’engouffrer à l’intérieur. Elle faisait attention à là où elle mettait les pieds, afin d’avancer avec prudence et discrétion. La mercenaire s’attendait à trouver la maison ravagée et c’était le cas… Tout le mobilier était par terre, renversé. Mais disposé de manière étrange. En effet, chaises, tables, ustensiles de cuisine ; tout était projeté contre les murs et renversés. En passant près d’une poutre porteuse la nécromancienne vit une fourchette plantée dedans. Le centre de la petite pièce était vide, mais pas intact. Sur le plancher, des marques étaient visibles, comme si une onde de choc avait laissé des traces dans le bois dans toutes les directions partant d’un point central. 

Le Spectre était venu les chercher. Et voyant la maison vide il avait dû enrager, envoyant valser tous les meubles à porter. Gwynevyre devait savoir où ils étaient partis, mais avec tous ces meubles renversés ce n’était pas simple. Qu’avaient-ils emporté ? Elle entreprit de fouiller le reste de la maison, l’étage, l’arrière cuisine. Tout. Elle ne trouva rien, aucun indice. Elle tapa du poing sur le comptoir de la cuisine, essayant de calmer sa frustration et de trouver une solution. Alors qu’elle était plongée en pleine réflexion, une petite voix lui parvint de l’extérieur de la maison. 

  • Madame ! Madame ! Madame l’elfe !


Avec surprise Gwynevyre sortit de la maison, et se retrouva face à un petit garçon d’environ 8 ans. Visiblement sa mine n’était pas belle à voir, car l’enfant recula de quelques pas en la voyant descendre les marches du porche. 

  • Heu désolé madame, heu c’est mon papa qui m’a dit de venir vous voir, apparemment vous avez parlé avec tonton quand il rentrait les moutons… Heu je dois juste vous dire que mon papa il a vu le vieux Hector partir ce matin tôt ! Avant que tous les animaux deviennent fous. Heu ils sont partis par là ! 


Gwynevyre l’écoutait parler et regarda dans la direction que lui pointait le jeune garçon. C’est par là qu’elle était arrivée au village quelques jours plus tôt. 

  • Bordel. Merci petit. Rentre chez toi. 


Elle s’éloigna en direction des écuries. Elle allait avoir besoin de son cheval, et d’une grande dose de patience pour ne pas étriper le vieux nordique et sa femme. 



Chapitre 14 : 


Le cheval de l’elfe l’attendait plutôt calmement dans les écuries aux abords du village, contrairement aux autres bêtes qui semblaient nerveuses dû à l’ambiance générale. Gwynevyre attrapa sa selle et sangla sa monture rapidement comme elle l’avait déjà fait des centaines de fois. Elle tira sur les rênes afin de le faire sortir et une fois dehors l’enfourcha aussi vite que possible. Elle allait partir au galop, quand un villageois et une villageoise apparurent, le regard très inquiet. 


  • Madame, où allez-vous ? lança l’homme la voix étranglée. 


La femme s’arrêta et mit sa main devant sa bouche. 

  • Non. Vous partez ? Vous nous abandonnez ? Ladar elle nous abandonne ! Elle part ! 


L’homme, peut-être son mari la regarda avec stupeur. 

  • Pitié madame, emmenez la avec vous. Il poussait la femme vers le cheval de Gwynevyre qui n’aimait pas se rapprochement soudain. Pitié, prenez la, les animaux sont de plus en plus fous et les gens parlent d’ombres qui se déplacent ! Ce village est maudit ! Pitié…


  • Vous deux, fermez là. La voix de Gwynevyre était froide comme la glace et son regard encore plus dur que l’acier. Elle ne laissait paraître aucune compassion. Qu’on soit bien clair, je ne vous abandonne pas. Je vais mettre un terme à cette foutue histoire pour de bon. Rentrez chez vous, et enfermez vous. Ne faites pas de bruit et les animaux partiront. 


Le ton de la mercenaire était sans appel. Elle lança son cheval au galop et partit en direction de la vallée. Le sentier était boueux, la pluie tombait plus fort. Et le ravin sur sa droite ne lui laissait pas vraiment la permission de chuter. Il fallait faire vite, mais avec prudence. L’avantage de la pluie, c’est qu’elle laissait des traces plus que visible sur le chemin de terre. Et lorsqu’elle fut à quelques lieues de Lonefort, Gwynevyre descendit de cheval et observa le sentier qu’elle avait sous les yeux. Elle doutait qu’un quelconque voyageur soit venu durant les derniers jours au vu de la réputation qu’avait le village en ce moment ; cela lui laissait donc qu’une seule option : les traces qu’elle avait devant elle étaient celles d’un petit chariot tiré par un équidé de petite taille. Un mule peut-être. Elle allait les rattraper. La nécromancienne remonta sur sa monture et elle repartit d’un coup de talon. 

Elle n’avait pas pris son casque dans la précipitation, et elle le regrettait à présent. La pluie lui brouillait le regard, et plaquait ses cheveux blancs contre son visage. Heureusement, sa tresse retenait la majeure partie de ses cheveux en arrière. Le cheval glissa sur une plaque de roche humide, et Gwynevyre se cramponna à la selle. 

  • “Bon sang c’est pas passé loin”, se dit-elle. 


Après une bonne dizaine de minutes à alterner entre la course et le trot, la mercenaire se stoppa nette. Un cri venait de retentir. Le hurlement était perçant, effrayant… Effrayé. Elle se ressaisit, et repartit au galop. Quelques centaines de mètres plus loin, au détour d’un virage sous le couvert des arbres, elle vit le chariot. Il était renversé et éloigné de plusieurs enjambées du chemin. Le cheval qui le tirait était mort, mais comme pour les cadavres d’Ursula et de Marlène, il était desséché, presque momifié. Gris et ses poils semblaient durs. Ses yeux étaient encore ouverts et la terreur se lisait dans son regard. Pauvre bête. Gwynevyre posa pied à terre et claqua l’arrière train de son cheval pour qu’il ne reste pas dans le coin. Cette brave bête savait quoi faire, il partit au galop en sens inverse afin de ne pas la gêner et de se mettre à l'abri. 

La nécromancienne avait son bâton en main, et plus elle s’approchait, plus elle entendait les voix. Elle avançait avec prudence, suivant des traces de sang laissé au sol. Elles se dirigeaient droit vers le bosquet de sapins. Hector et Tilda avaient dû vouloir essayer de le semer ou de le perdre entre les arbres. En vain. Un deuxième cri retentit. Cette fois, Gwynevyre pouvait identifier sa provenance. Elle laissa tomber la piste et fonça à travers les branchages. Elle courut jusqu'à atteindre l’autre côté du bosquet, une toute petite plaine au cœur de la montagne. Quelques rochers étaient disposés ici et là, tout comme de petites pousses de sapins. La forêt n’avait pas encore atteint complètement ce lieu. En balayant la plaine des yeux, c’est là qu'elle les vit tous les trois. De l’autre côté. 

Hector était par terre, serrant contre lui sa jambe. Elle était ensanglantée et le faisait souffrir. Tilda était agenouillée près de lui et serrait son bras si fort que ses phalanges en étaient devenues blanches. Mais surtout, le Spectre était là. Face à eux, les dominant de toute sa hauteur. De loin, il semblait frémir, tressaillir de colère. Sa taille atteignait bien les deux mètres cinquante, et comme lors de leur première rencontre, l’apparence du revenant était floue, ses bras, son torse et sa tête étaient devinable, mais le bas de son corps était difforme. Ce n’était qu’une ombre. Un esprit à la fois volatile mais parfaitement tangible. Il était sombre comme la nuit, mais même de là où elle se trouvait, Gwynevyre pouvait voir ses deux yeux blancs si profonds. Il était terrifiant, et les deux pauvres nordiques fermaient les yeux en se recroquevillant, hurlant de terreur. 

La haute-elfe avançait vers eux, d’un pas déterminé et sûr d’elle. Ils n’avaient pas remarqué sa présence. Lorsqu’elle fut à mi distance, elle hurla à l’attention du Spectre : 


  • SVEEEEEEN !! LAISSE LES PARTIR.


Elle avait attiré son attention, et s’immobilisa pour ne pas approcher trop près. 

  • Laisse les partir Sven. C’est mon dernier avertissement. 


  • Voouuuuus. Je vous reconnaaaaais. Je vous avais dit de paartiiiir. 


  • Ouais bah je suis têtue visiblement. Écoute Sven, je sais ce qui est arrivé ! Et j’en suis désolé. Mais je peux pas te laisser faire ça ! 


  • MENSOOOONGE !!! Que vous a t-il diiiiiit ? Il m’a tuééééé, sans aucune raisooon. 


Hector qui assistait à la scène impuissant essaya de se défendre : 

  • C’est faux ! Il a  violé ma fille ! A quelques mois du mariage avec Marlène !! 


  • SIILLEEEEEEENCE !!!

Sven s’était rué sur le vieil homme. Il l’attrapa par le bras et le tira avec force avant de le jeter au sol. En se relevant, Gwynevyre pu voir que le bras d’Hector avait perdu toute masse. Comme le cheval, son membre était gris et desséché, et visiblement cela faisait un mal de chien. Il se tordait de douleur sans même pouvoir se relever. 

  • Iiiiiil meeeent, reprit le Spectre. Je n’ai jamaaais violééé qui que ce soooiit. 


  • Alors quoi ? Reprit la Nécromancienne. Qui je suis censé croire maintenant ? Hein ! 


  • Je ne l’ai pas violééé. J’aimais Marlèèène. Dis lui vieil hoooomme. 


Hector se redressa comme il pu, il souffrait mais il arrivait à parler. 

  • J’sais pas de quoi il parle, je vous jure ! 


  • TUUU MEEEENS.


Le Spectre lâcha une onde de choc aussi noire qu’une nuit sans lune vers le rocher le plus proche, qui se craquela et se fissura. Le chef de village vit ce qui l’attendait s’il ne disait pas la vérité, et ses yeux transpiraient la terreur. 

  • Très bien, dit-il dans un gémissement. C’est vrai je l’ai tué mais je vous l’avais dit ! lança-t-il implorant vers Gwynevyre. Il y a eu un malentendu… 


  • Parlez Hector ! Ne me faites pas perdre mon temps. 


  • Environ trois semaines avant la mort de Marlène, un soir mes deux filles sont venues me voir. Me disant que Sven, avait violé et battu Ursula. que c’était arrivé plus tôt dans l'après-midi dans la forêt… Elles nous ont dit qu’il fallait annuler le mariage, que c’était plus possible… Tilda ben vous voyez elle les as réconforté tout ça. Mais moi j’ai vu rouge. Je suis sorti, j’ai attrapé ma hache et je suis allé chercher Sven. 


Sa gorge était serré, il semblait sincère. Il faisait tout pour éviter de regarder le Spectre de plus en plus présent juste derrière lui, de plus en plus menaçant. Il reprit : 

  • J’ai toqué à sa porte et il était là. Je me souviens pu ce qu’il m’a dit, j’étais fou de colère ! Il était tard, j’étais fatigué par le travail au champs. Et avant qu’il ai pu faire quoique ce soir, j’ai envoyé ma hache se loger dans son crâne… 
  • Ouiiiii, je sens encooore la douleur Hectooooor. Làààà, au creux de ma tête. Elle ne part paaaas. 


  • Je suis désolé d’accord !! Ses sanglots étaient plus forts, son nez coulait et sa barbe était dans un état lamentable. Je voulais pas.. Je, je.. j’aurais dû réfléchir..


  • RACONTE !!! 


La voix de Spectre résonnait comme le tonnerre dans les montagnes. Puissante, et terrifiante. 

  • Lorsque je suis rentré, couvert de sang, mes filles ont compris ce que j’avais fait ! Et elles ont commencé à hurler, à crier, à sangloter… Je, j’ai pas compris ce qu’il se passait moi… Et elles nous ont expliqué… 


Le visage du vieil homme était marqué par la honte. Ses yeux étaient rivés vers le sol. 

  • Elles avaient menti. Sven n’avait rien fait. Si elles voulaient annuler le mariage c’était parce que Marlène s’était éprise du marchand qui venait récupérer la laine. Elle comptait le rejoindre en bas à Camlorn avec Ursula, et elles avaient besoin d’une bonne excuse pour annuler le mariage… Sven n’aurait jamais quitté le village, il aimait la vie ici, et sa mère… Tout.. Tout s'est passé si vite ! Je suis tellement désolé… Le jour suivant on est allé l’enterrer dans la forêt, loin. Il fallait que les gens croient que les loups l’ai prit… 


Le bras serré contre sa poitrine. Hector faisait face au regard bien plus méchant que celui du Spectre de Gwynevyre. Son visage exprimait une colère amère, et elle comprenait parfaitement la rancœur que pouvait exprimer le revenant. 

  • Tout est de votre faute. De la faute de votre famille. Vous êtes monstrueux Hector. Tous autant que vous êtes. 


Tilda, quelques mètres plus loin priait les dieux, les yeux fermés à s’en fendre les paupières, espérant un quelconque revirement de situation. La nécromancienne reprit : 

  • VOUS AVEZ MÉRITÉ CE QUI VOUS ARRIVE ! Tout aurait pu être différent ! Personne n’aurait dû mourir ! Vous êtes un crétin, un chef pitoyable qui abandonne les siens au moindre signe de danger ! BON SANG DES INNOCENTS SONT MORTS À CAUSE VOUS ! 


Hector avait la tête baissée, il savait que Gwynevyre avait raison, ses larmes ne s’arrêtaient pas. Et l’elfe n’en avait pas fini avec lui. 

  • Vous écoutez Hector ? J’ai vu un homme se faire couper en deux par un ours. Des dizaines d’animaux sont morts à cause de votre famille minable. VOUS N’AVEZ AUCUN HONNEUR ! 


Elle s’approcha de lui, et le saisit à la gorge en lui hurlant au visage. 

  • VOUS MÉRITEZ TOUS LES DEUX DE MOURIR !! 


  • Ouiiii, longtemps j’ai attendu… Il est temps maintenaaaant. 


Le Spectre de Sven frémissait encore plus. A la fois d’excitation et de colère. Il tenait sa vengeance, et semblait plus qu’impatient de la dévorer. Gwynevyre reprit au visage d’Hector. 

  • Je devrais vous laisser entre ses mains, le regarder vous tailler en pièce. Vous avez de la chance que je ne sois pas comme ça. 


Elle relâcha la pression autour de la gorge du vieux nordique et l’envoya balader au loin. 

  • C’est terminé Sven. Rien de tout ça n’était ta faute mais ça suffit. Ils ont payé pour leur crime ! Alors maintenant, disparais. 


  • Noooon. Ils sont à moooiiiii. Je n’aurais pas de repos avant de les avoir fait souffriiiir. Vous devriez partiiir, ça ne vous concerne plus maintenaaant. 


  • C’est la dernière fois que je le dis Sven, disparais. Pars. Ce n’est pas ton rôle. Laisse-moi m’occuper d’eux !! 


  • AAARGH nooooon ! Ils sont à moiiiii !!








Le Son du Silence Y5kfPd_PGBxN5oCBr2NHpssPP2r6XS_2aCIbdakFso2SbFnMUdzwpzcnxi-R3oFom33nGavF_hwpLeB4cosXM6by3uWDqULc_gUK6Ewly-AVfMyl_3iiCL6ECRPa431UuLPv9k-UDmrnheAsKFCsqk8


La forme du Spectre était de plus en plus agitée. La fumée qui composait cette enveloppe était comme balayée par le vent. Et ses yeux, ses yeux étaient de plus en plus grands, et de plus en plus menaçant.  Sven était à présent plus grand, la forme sombre atteignait maintenant les trois mètres. Gwynevyre savait qu’elle avait très peu de temps pour agir. Le combat semblait inévitable à présent. 

Elle se campa sur ses jambes, bien ancrée dans le sol, prête à réagir à tout moment. Son bâton bien en main, elle laissa venir la magie en elle. Il ne fallait pas qu’elle soit touchée par le revenant, bien que son armure soit là pour ça elle préférait éviter. Sven hurla, un son plus bestial que la voix qu’il prenait pour parler. Sa bouche s’était transformée en gueule béante et des crocs d’ombre apparaissaient partout à l’intérieur. Il se jeta en avant, à vitesse folle. La mercenaire, préparée, se jeta sur le côté en une roulade parfaitement réceptionnée et contre-attaqua. Une déflagration magique vint frapper la face du Spectre le déstabilisant. Il hurla et une autre l’atteignit. Il enrageait. 

  • Je voulais vous épargner, mais tant pis ! 


Sa voix était plus monstrueuse que jamais, plus forte que le tonnerre qui grondait au-dessus d’eux. Mais Gwynevyre ne se laissait pas impressionner. C’était son boulot, personne ne l’avait obligé à devenir qui elle était.
Elle saisit son bâton à deux main, et le planta avec force dans le sol. Elle puisait toute énergie nécrotique présente, chaque être vivant en décomposition en dessous d’eux allait lui servir. Sven se jeta en avant, il avançait à vive allure comme s’il flottait à quelques centimètres du sol. Il tressaillait d’impatience. La nécromancienne, toujours concentrée, attendit le dernier moment avant de laisser exploser une onde de choc faite de la même fumée noire que composait l’enveloppe de Sven autour d’elle, envoyant balader le Spectre quelques mètres en arrière. 

Elle continuait de laisser venir en elle la magie nécrotique, et bien qu’elle ne se trouvait pas sur un champ de bataille ou dans un cimetière, ses yeux étaient teintés d’une couleur bleue froide. Profitant du fait que le revenant était sonné et griffait la terre de colère, elle fit appelle à sa magie pour faire venir jusqu’à elle le cheval mort de l’autre côté du bosquet de sapins. Il était desséché certes, mais sa carcasse pourrait peut-être lui servir. 

Sven s’était redressé, Gwynevyre l’attendait de pied ferme, mais il ne fit pas la même erreur. Au lieu de foncer tête baissée contre la nécromancienne, il concentra la fumée qui le composait et la laissa s’échapper en une lame sombre qui balaya absolument tout devant elle. Ni Gwynevyre ni Hector ne furent épargnés et atterrirent dix mètres plus loin, dans la plaine. Le nordique semblait être inconscient, mais l’elfe se redressa comme elle pu avec l’aide de son bâton. Son dos la faisait souffrir mais elle ignora la douleur et repartit à la charge afin de protéger Tilda, qui était restée au plus proche du combat, certainement en se cachant derrière l’un des énormes rochers présents autour d’eux. Et ça ne manqua pas. Lorsqu’elle arriva sur place, elle vit le Spectre détruire une pierre d’un seul revers du bras, laissant apparaitre la vieille femme terrorisée. Elle hurla, implorant Kynareth de lui venir en aide. Vautrée sur le dos, elle levait les bras comme si cela allait la protéger de ce qui allait arriver. Sven se prépara à abattre son bras démesurément long sur le corps de la femme, mais fut intérrompue par une vague d’énergie nécrotique qui le bouscula. Plusieurs mètres plus loin, Gwynevyre se tenait là, le cadavre du cheval à ses côtés. 


  • CA SUFFIT SVEN !! J’ai dis stop ! 


Pendant qu’elle parlait, le cheval était agité de soubresauts. Il semblait difforme, et s’il avait pu hénir il l’aurait sûrement fait. Sa cage thoracique s’ouvrit, laissant tomber de vieux organes complètement séchés. Puis vint le tour de ses membres, ses pattes se disloquèrent, il n’était plus qu’un tas immonde d’os et de peau dégarnie. Cela faisait partie du plan de la Haute-Elfe. Elle allait combattre le feu par le feu. Alors qu’elle attirait l’attention du Spectre pour sauver Tilda en lui envoyait décharge d’énergie après décharge d’énergie, le sol autour d’elle se recouvrait d’une étrange brume noire. Le cadavre du cheval était peu à peu en train de disparaître pour commencer à tourner autour du corps de Gwynevyre. Ses os commencèrent à flotter lentement, venant peu à peu se fixer autour du corps de la mercenaire. 

  • “Si Sven me touche, ça va faire mal. Espérons que ça va marcher”. Se dit-elle intérieurement. 


La nécromancienne était à présent entourée de fumée, d’os et de morceaux d’équidé en décomposition. Sa masse était bien plus imposante, mais elle restait ridicule face au monstre qu’elle avait en face. Au moins, cela la protègerait. Gwynevyre s’élança, frappant de plein fouet l’enveloppe du Spectre qui fut plus que surprit. C’était un revenant depuis quelques semaines à peine, elle, avait eu des décennies pour accumuler de l’expériences et des connaissances. 

  • Ça suffit ! J’en ai plus qu’assez de toute cette histoire ! Sven disparais ! Plus rien te retient ici ! 


  • C’est faauuuux, je veux leur mooooort !!! Il le mériiiiiiite. 


  • Ils ont assez payé comme ça, ça suffit maintenant ! 



Pendant qu’il parlait, l’un et l’autre n’abandonnaient pas. Gwynevyre envoyait déflagration après déflagration, le frappant lorsqu’elle le pouvait, et Sven fonçait sur elle, la renversant encore et encore.  

Le Spectre semblait moins vivace. La fumée qui le composait était moins agitée, et ses attaques moins fréquentes. Il en était de même pour la nécromancienne, qui comment à être réellement épuisée de garder cette protection, tout en protégeant le couple des attaques fourbes de Sven. Le combat serait bientôt terminé, et les deux adversaires le savaient. Gwynevyre sentait que cette protection lui vidait trop vite son énergie, et décida de s’en débarrasser. Elle laissa se dissiper la fumée, mais concentra sa magie avec les os qui n’avaient pas été brisés par les attaques de Sven et les envoya se loger dans le corps du Spectre, qui ne les esquiva même pas. Il se prit de plein fouet les ossements ensorcelés par la mercenaire qui explosèrent à son contact. 

Gwynevyre reprit son souffle, Sven était par terre, il était temps d’agir. Elle laissa tomber son bâton, et plongea ses mains dans la terre humide. Elle hurla, aspirant telle une sangsue la moindre parcelle d'énergie nécrotique. Chaque brin d’herbe autour d’elle s'asséchèrent, les quelques fleurs se fanèrent, la prairie entière s'assombrit. Les doigts toujours agrippés au sol, la nécromancienne, regarda en direction du Spectre, il s’était relevé. Elle se redressa elle aussi, et cette fois-ci sans bâton, elle laissa exploser toute cette énergie absorbée. Elle était froide, glaciale. Elle avait la sensation que le bout de ses doigts commençaient à geler, c’en était presque douloureux. Sven hurlait lui aussi, son enveloppe commençait à partir en lambeau. Il tentait d’avancer vers elle, mais il n’y parvenait pas. La fumée qui le composait était de plus en plus dispersée.

  • Nooon, s’il vous plaaaaiiit. Je n’ai pas mérité çaaaaa. Faites les payer, je vous en priiiiie. 


Gwynevyre savait que l’affrontement arrivait à son terme. Elle devait tenir encore un peu. Cambrée en avant, elle sentait ses forces la quitter. 

  • Je n’ai pas mérité çaaaaaa. 


  • Je sais, dit-elle plus pour elle-même.  


L’enveloppe de Sven était pratiquement détruite. L’énergie nécrotique l’avait rongé, faisant disparaître la fumée noir qui le composait et laissant apparaitre un corps chétif, gris et desseché en son sein. Gwynevyre devait fermer les yeux pour ne pas flancher, ce n’était pas le moment. Et des deux mains, elle acheva l’existence de Sven. La dernière chose qu’elle entendit de lui fut : 

  • Prenez soin de ma mère…



Le combat était fini. Gwyenvyre s’écroula. Son regard se troubla, et bien qu’elle n’avait rien avalé de la journée, elle vomit. Les gouttes de pluie qui tombaient sur son visage étaient des plus agréables. Elle resta là, étendue sur l’herbe pendant un long moment. Avant de se relever et d’aller voir le vieux nordique. Il était allongé là, dans l’herbe. Elle n’avait que du mépris pour cet homme. Pour sa famille. Tout était de leur faute. Elle le laissa là, baignant dans sa propre pisse avant de siffler son cheval, qui accouru une minute plus tard. Enfourchant sa selle avec difficulté, elle jeta un œil au champ de bataille qui était sous ses yeux. La forêt ne pousserait pas ici, c’était trop tard. 
D’un coup de talon, elle prit la direction de Lonefort afin de prévenir les habitants de la situation. Après tout, il fallait bien envoyer quelqu’un pour aller chercher le couple. Et puis, Gwynevyre avait un casque à récupérer. 







Epilogue : 


Quelques semaines après la venue de la nécromancienne au village de Lonefort, la situation s’était calmée. Aucun spectre n’était à déclarer, et aucun bétail n’était mort dans de mystérieuses circonstances. Gwynevyre avait bien entendu expliqué la situation aux villageois, leur recommandant de changer de chef de village au plus tôt.
Durant la bataille qui s’était déroulée contre les animaux, trois personnes perdirent la vie. Ils furent incinérés avec tous les honneurs que pouvait leur faire un peuple nordique. 

Après avoir regagné leur demeure, Tilda et Hector furent de véritables parias. On dit que la tristesse se lisait sur leur visage à chaque fois qu’on les voyait. Quelques jours plus tard, on retrouvait le cadavre d’une vieille femme au bas du précipice sur lequel était bâtit Lonefort, une lettre pour son mari attachée à sa poitrine. Et le lendemain, ce fut ce dernier qui mourut. Seul, au cœur de la forêt au pied d’un arbre.
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