L'Ordre des Lys et du Serpent
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le deal à ne pas rater :
Cartes Pokémon 151 : où trouver le coffret Collection Alakazam-ex ?
Voir le deal

Aller en bas
Général Patafouin
Général Patafouin
Rédacteur en chef
Enchanté !
Créez votre 1ère fiche de personnage
Oh Capitaine, mon Capitaine
Le MJ et Capitaine du navire ! Trrremblez !
Historien Royal
Publiez 100 messages
Messages : 194
Date d'inscription : 28/03/2022
Localisation : Si je ne suis pas au Couchant, cherchez-moi à la Tombe du Fin-Fond. Chez Madame Caprice, plus précisément.
https://lys-et-serpent.forumactif.com

XXII - Et maintenant ? Empty XXII - Et maintenant ?

Ven 25 Aoû - 1:25
Une brise tiède soufflait doucement dans les branchages des arbres feuillus qui bordaient la rivière, soulevant légèrement les vêtements pendus aux branches ou étendus sur les roches lisses et chaudes pour les y faire sécher. Le grésillement des insectes de l'été semblait répondre au pépiement des oiseaux cachés dans les cimes. Au milieu des herbes tendres, à l'écart de l'eau glissant contre les galets ronds, le mage et la divinatrice s'étaient étendus nus sur l'épais tapis verdoyant, Mélicendre lovée contre le flanc d'Aesril dont le torse s'agita d'un rire léger alors qu'il racontait :


— … Et alors, après m’avoir forcé à me baigner dans la rivière comme un vilain garnement, elle m’a laissé nu au bord de l’eau en me disant de tailler des cailloux pour m’occuper. Bon, j’exagère, elle m’a quand même confié sa cape, mais tu aurais vu sa tête ! Elle me disputait, vraiment ! Je crois qu’au fond, elle aime ça. C’est son petit plaisir. Elle a cette… petite mimique pendant quelques secondes, chaque fois qu’elle s’apprête à me faire une remarque, c’est… Quelque chose dans ses yeux !


Il essaya de reproduire l’expression, plissant légèrement les traits de son visage, peinant à conserver son sérieux.


La divinatrice s'était relevée sur un coude, l'air amusé en détaillant le mage puis fit une moue en retombant lourdement sur son torse.


— … Oui. Elle tient cela de ma grand-mère, je suppose. En moins sadique… soupira-t-elle en laissant son regard se perdre sur l'eau diamantée par les rayons du soleil.
— Magdalena ?, demanda Aesril, les yeux errant rêveusement sur la ramure des arbres, adressant des caresses aimantes au bras de Mélicendre. Je l’ai vue lorsque j’étais dans ton esprit. Elle n’avait pas l’air d’un tyran, pourtant.
— Elle ne l'était pas… Du moins avant que je devienne divinatrice et que la pression du don des trois yeux lui fasse perdre la raison, expliqua Mélicendre songeuse. La seule manière de briller pour un clan est que la descendance de la famille réussisse et qu'ils fassent la fierté de nos ancêtres. Ce don l'a changée et… finalement il m'aura changée aussi en un sens… 
— Il t’a changée ? De quelle manière ?


Elle fronça les sourcils et se pressa un peu plus contre son torse.


— L'apprentissage, la pression, la peur. Le don c'est… Comme si soudain ta vision du monde changeait. Elle se redressa, emportée dans ses explications. Quand tu es née dans un clan, tu nais… "Sorcière". Les clans n'aiment pas ce terme, mais c'est un terme populaire. Autrement dit, tu nais avec une forte accointance avec la magie. Les clans t'apprennent très tôt à la maîtriser et à maîtriser tout ce qui te servira dans le futur, l'alchimie, l'enchantement chez nous ce sont des apprentissages de base. Ensuite, il y a l'histoire qui est comme une religion pour nous. Tu nous entends souvent parler de nos anciens et du culte qu'on leur voue ; la raison de ce culte, c'est que tout passe par eux, ils nous guident et nous instruisent. "La connaissance du passé permet un présent serein et un futur prospère". Quand une fille de clan reçoit son don à sa maturité quand elle a dix-sept ans, c'est un autre monde qui s'ouvre… soudainement elle devient divinatrice, a des devoirs, des responsabilités, doit apprendre à gérer son don avec l'aide de l'ancêtre qui lui a transmis… C'est… enfin… tout ça pour dire qu'évidemment… Je pense que tout le monde change… Pour ma part ce changement a bouleversé ma vie et les clans… mais tu connais cette histoire outrageuse de la divinatrice qui a fui… donc… Oui, je pense que personne ne passe par là sans changement. 


Elle se refit tomber pesamment sur Aesril en caressant sa peau du bout des ongles dans ses pensées. Celui-ci fronçait les sourcils, en pleine concentration pour assimiler ce qu’elle lui disait et tout ce que cela impliquait, comprenant l’importance de ses mots. Il resserra légèrement son étreinte autour de la divinatrice, se perdant un moment dans ses pensées avant de répondre.


— Ta culture me fascine. Lorsque je t’ai rencontrée, j’étais loin de m’imaginer tout ce que ton don représentait. J’ai l’impression que j’ai beaucoup de choses à apprendre à ce sujet… - Il marqua une pause avant de baisser les yeux vers Mélicendre redressant légèrement la tête vers elle, une pointe d’appréhension pinçant ses cordes vocales - Alors… C’est décidé ? Nous restons ici ?


Elle se redressa à son tour pour s'asseoir sur l'herbe chaude posant les mains sur ses cuisses.


— Cela me semble nécessaire en effet… Je ne veux pas t'imposer cela Aesril… Jamais je ne t'imposerai quoi que ce soit, mais avec ma grossesse… et Violette… Je crois… Je crois que nous avons besoin des clans, où du moins d'Aeva. J'ai besoin d'elle… Elle sait comment on s'occupe d'un nouveau-né et les clans nous protégeront… Je sais que leurs règles sont parfois… rigides et dépassées et je comprendrai que tu ne souhaites pas rester… Pour ce qui est de mon don, il représente énormément pour les clans, c'est l'un des seuls portant un nom particulier… Je suis l'une des seules à le posséder, des générations existantes, du moins. Voir le passé, le présent et l'avenir, c'est très particulier… Aeva peut voir le présent par exemple, mais seulement le présent d'autres l'avenir ou le futur… C'est pour cela que Magdalena et Aemalia en avaient fait toute une histoire et que j'ai coupé le lien avec mon ancêtre. C'était une descendante du clan de Saphia… Enfin, si nous restons… Tu auras l'occasion d'apprendre tout cela. 


Elle leva le nez vers le ciel en respirant bruyamment et fermant les yeux en ramenant ses genoux contre sa poitrine.
Il se redressa à demi sur un coude, pinçant les lèvres avec compréhension.


— Je le sais oui et je suis d'accord. Peut-être que cela va te surprendre, mais… Je crois que je pourrais me faire à cet environnement. Tes sœurs m'ont fait une place plus rapidement que n'importe qui ailleurs et cela en dépit du fait que je sois un homme, un meurtrier, un nécromancien. Elles ont le pouvoir de connaître mon âme et elles me laissent vivre avec elle, me soignent et m'aident. Nul n'a jamais fait cela pour moi auparavant… à part toi. Et moi aussi, je compte sur Aeva pour nous aider. Que ce soit pour notre enfant ou pour… Violette, je n'ai aucune idée de ce qu'il faut faire ou de comment le faire. Et il est hors de question que je t'abandonne. Il faudrait m'arracher le cœur pour cela et là encore, ce ne serait pas suffisant. Non… Seulement… 


Son regard se fit plus dur et plus intense tandis qu'il se perdait sur le cours de l'eau.


— Il est hors de question que je les laisse tuer notre enfant. Je ne veux pas que tu penses que je me moque de tes coutumes, bien au contraire. Mais, cela, c'est un point contre lequel je me battrai s'il le faut. Nul ne touche ou ne tue la chair de ma chair et le sang de mon sang.


Elle soupira profondément en fermant les yeux.


— Nous ne sommes sûrs de rien pour le moment… peut-être que ce ne sera pas le cas… les choses ont l'air de changer et puis nous n'en savons rien… 


Il la scruta longuement, s’asseyant complètement, avant de lâcher, avec angoisse :


— Si cela devait arriver… Tu les laisserais faire ?
— Non. Évidemment que non… soupira la divinatrice en baissant son regard sur le sol.


Il relâcha ses épaules avec soulagement, revenant soudain à l’instant présent. L’espace de quelques secondes, il s’était imaginé quantité de scénarios et avait vu poindre la part plus sombre de lui-même, celle qui semblait s’apaiser peu à peu depuis qu’il avait quitté le Couchant. Détaillant Mélicendre, il réalisa la détresse qui transparaissait dans sa posture. Les traits de son visage se détendirent en une expression douce alors qu’il passait son bras autour de son épaule dans une étreinte réconfortante. Il avait conscience de ne pas souvent avoir été aussi doux et aussi rassurant qu’il l’aurait voulu. L’urgence ne lui en avait jamais donné l’occasion.


— Hé… Quoi qu’il se passe, quoi qu’il advienne, je suis avec toi. Jamais contre toi. - Il glissa son nez entre ses cheveux, contre sa nuque, pour sentir le parfum de l’été qui s’y logeait, ses lèvres s’étirant dans un sourire sincère. - Une nouvelle vie s’offre à nous. Une belle vie. Nous serons bien ici. J’ai envie de découvrir l’endroit où tu as grandi, j’ai envie d’apprendre comment vous vivez. De marcher à tes côtés. De… Faire toutes ces choses que font les personnes ordinaires. M’endormir et me lever chaque matin et chaque soir auprès de toi. Se disputer pour la couverture. Partager des repas ensemble, avec Aeva et les autres. Me promener. Tu sais, cette chose que l’on fait quand on se rend quelque part sans avoir de but précis. Cela. Je veux le faire. Je veux vivre vraiment. Avec toi.


Elle pencha sa tête dans un sourire se blottissant un peu plus contre lui, la caresse de ses mots réchauffant son cœur empli d'angoisses, de doutes et de traumatismes.


— … Tu n'as pas peur de trouver cette vie ennuyeuse ? 


Il embrassa son épaule et redressa la tête, une lueur malicieuse éclairant ses yeux, avant de répliquer.


— M’ennuyer ? Avec toi ? La divinatrice la plus sulfureuse et la plus extravagante qui ait jamais parcouru les âges ? On aura tout entendu ! Je suis sûr que je trouverai un moyen d’occuper mes journées, mais en attendant, je ne suis pas contre un peu de repos. Cela va faire au moins cinquante ans que je cours en tous sens. 


Tel un acteur en pleine répétition, il prit des airs grandiloquents, faisant des grands gestes de sa main vacante.
— Les complots ! Les trahisons ! Les meurtres ! De terribles succubes qui accaparent la vie d’un jeune érudit ! Tant de drame ! - Il souffla un rire, se moquant de sa propre façon d’être. - Non, j’ai eu mon compte, je crois. Et puis, je te rappelle que nous sommes sur le point de devenir parents. Je suppose que d’ici quelque temps, nous prierons toutes les divinités existantes et tes ancêtres compris pour un peu de paix.


Elle tourna un regard tendre vers lui dans un sourire complice et aimant.


— J'en suis totalement ravie. De toute façon, cela ne te va pas de jouer les méchants mages en quête de la conquête du monde… poursuivit-elle sur le ton de la comédie. Tu m'as conquise ça devrait te suffire, conclut-elle en pouffant.
— Et c’est le cas, fit-il avec sérieux. Je suis comblé. Me battre pour toi est l'une des choses les plus folles et les plus sensées que j'aie pu faire de toute ma vie. Je mesure ma chance d'avoir croisé ta route... Mais je maintiens : je suis un mage méchant. Très méchant ! Si méchant que j'enlève des enfants pour mon bon plaisir, par pur caprice ! Ne crois pas que je me sois radouci. Ce n’est qu’un effet de ta délicieuse personne sur moi, mais au fond, je suis… dangereux. Très dangereux.


Fronçant les sourcils, il plongea un regard sombre et intense dans celui de Mélicendre avant de partir d’un rire franc, libérateur, presque enfantin, tant il était soudain dénué de crainte, d’arrière-pensée ou de son habituel cynisme. Elle hocha la tête de gauche à droite avec désapprobation en pinçant son bras, dans un rire amusé mais un souvenir lui revint aussi soudain que la pluie d'été, aussi rapide et pourtant aussi marquante que les petites gouttes fines abreuvant la terre sèche. Son regard s'assombrit et le sourire de la divinatrice s'éteignit. Elle replaça ses mains autour de ses genoux, ses iris bleus perdus dans l'eau vague.


— Pourtant tu as raison… Nous avons tué Aesril… 


Il perdit aussitôt son attitude débonnaire, sondant Mélicendre avec inquiétude.


— Des tas de gens naissent et meurent chaque jour. Des guerriers s'affrontent et se tuent sur le champ de bataille pour servir des causes que leurs dirigeants croient justes. Nous, nous avons fait le nécessaire pour survivre, Mélicendre. Tu ne vas tout de même pas me dire que tu regrettes d'avoir mis un terme à la vie de cette femme et de sa famille ? Ils t'auraient tuée et torturée sans y réfléchir à deux fois. Ils ont tué Livia. Et ils ont bien failli me tuer aussi.
— … Je ne parlais pas de Lyanawën trancha-t-elle en baissant les yeux, roulant ses paupières sur la terre de la rive.
— Mélicendre… Tu veux parler d'Ewen ? Je… nous en avons déjà parlé. Nous avons fait ce qu'il fallait, nous n'avions pas le choix. Nous lui avons offert une fin paisible, il ne souffre plus.


Il s’interrompit, rejetant le regard loin, aussi loin qu'il pouvait voir. Le souvenir de Mélicendre dans sa roulotte, éplorée d'avoir été abandonnée par Ewen revint le prendre aux entrailles. Il s'était parfois demandé qui était cet homme et ce qu'il s'était passé entre eux. Il n'avait pas l'air mauvais. Mais, alors que son souvenir rejaillissait dans sa mémoire, une peur qu'il avait refoulée bien des fois depuis que Mélicendre avait retrouvé ses émotions lui enserra la gorge. La divinatrice ferma les yeux fermement, la lèvre mordue d'angoisse, son estomac se noua et sa gorge se bloqua. Elle inspira l'air bruyamment.


— … J'ai… J'ai tué un homme de… De mes mains…
— Feyr'n… Avons-nous vécu tant d'horreurs que je sois incapable de deviner laquelle ? Je suis désolé… J'aurais dû me douter que tu parlais de cela.


Il se pressa contre elle, repoussant ses propres inquiétudes, parlant d'une voix basse.


— Je l'ai vu dans ton esprit. Tu as été infiniment courageuse. Tu as sauvé les tiens. Et, si tu ne l’avais pas fait, nous n’aurions pas cette conversation. Mais… Tu n'es pas une tueuse, Mélicendre. Et, si cela avait été en mon pouvoir, je l’aurais fait à ta place. 


La divinatrice enfouit son visage dans sa nuque, les larmes aux yeux. Maintenant que son esprit était à l'abri, que le danger semblait être loin, l'ombre de ses tourments avait à présent champ libre. Les images, les souvenirs, les sons, l'odeur ferreuse et la texture aqueuse du sang séché sur ses lèvres refaisait surface. 


— Mais… Je l'ai fait et tu n'étais pas là… lâcha-t-elle dans un souffle.


Dure réalité. Certains mots avaient l’effet d’une lame dans le ventre. Le mage baissa les yeux au sol avec âpreté, le poids de la culpabilité affaissant ses épaules, la sensation d’échec raidissant ses muscles.


— Non… Je n’étais pas là, grinça-t-il. Mais… Je suis là maintenant.


Il leva les yeux au ciel à ces derniers mots qu’il estimait risibles, se trouvant impuissant à la rassurer. Avait-il seulement jamais su comment faire ? Il savait que cette blessure-là mettrait du temps à cicatriser. Il avait beau être guérisseur, il n’en avait pas pour autant le pouvoir de la soigner d’un simple sort. Mélicendre grimaça en pinçant les lèvres et secoua la tête dans de petits mouvements secs. Elle posa sa main sur son épaule avec tendresse.


— Pardonne-moi… Ce… Je ne voulais pas t'accabler. Tu as raison, tu es là maintenant et nous sommes ensemble… Ce qui est fait ne pourra jamais être défait… Et seuls les ancêtres savent ce que cet homme aurait pu nous faire. - Elle ferma les yeux durement. - C'est juste que… Parfois, j'aimerais retirer certaines choses de ma mémoire ou couper les fils pour que ce soit moins douloureux. Comme… Comme avant. 


Il tourna le visage vers elle pour la scruter, déconcerté, ouvrant la bouche pour parler, puis se ravisa, humectant ses lèvres, faisant naviguer ses yeux sur ses mains avant de répondre, lentement.


— … Tu sais, lorsque tu as retrouvé tes sentiments, au début… J’ai eu peur, commença-t-il, prudemment. Parce que… Je croyais que viendrait un moment, proche ou lointain, où tu réaliserais que je suis trop… abîmé pour toi. Trop insensible aux malheurs des autres. Trop détaché. Que tu me repousserais, en voyant l’être amoral que je suis par rapport à… La personne que tu étais vraiment, là, sous le sortilège. Moi, je n’ai jamais eu besoin d’un rituel. Au bout d’un moment, je suis simplement devenu comme ça, parce que c’est la seule façon que j’aie trouvé pour survivre. Comme si j’étais un peu mort à l’intérieur. Ton absence de sentiments me rassurait, même si je sais t’avoir jugée pour cela. Au fond, je crois que je t’enviais. Mais alors, sans que je comprenne pourquoi, tu as commencé à éprouver toutes ces émotions. Le tableau aux teintes de gris a commencé à se teinter de mille couleurs. Et, étrangement, tes couleurs ont commencé à rejaillir sur moi aussi. Comme si le sang s’était remis à battre dans mes membres engourdis. Je me suis mis à, moi aussi, éprouver des émotions que je croyais disparues. C’était douloureux. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai eu peur de perdre. J’ai voulu repousser cela. Je l’ai voulu de toute mon âme. Je ne voulais pas ressentir à nouveau. Je ne voulais pas que mes émotions me dévient de ma raison, de mon but. Comme toi, j’avais trouvé un équilibre dans cette moitié de mort. Soudain, j’avais mal, mon cœur se déchirait. Mais j’étais vivant. Si vivant. C’était bon, d’un côté. Ça faisait si longtemps… Mon cœur se déchire toujours, chaque fois que je te vois, tu sais ? Mais, pour rien au monde, je ne voudrais revenir en arrière. Tu mérites un homme bien vivant. Et… même si… Même si je sais à quel point c’est douloureux, j’aime que tu sois entière. C’est beau et courageux. Se laisser mourir, c’est facile et doux. Il faut du courage pour vivre. Vivre sans se mentir.
— Tu as raison… répondit-elle, ses lèvres se pinçant dans une moue crispée. En réalité, je pense que parfois, la peur reprend le dessus. C'est si facile de retourner dans ses travers, c'est un réconfort, quelque chose de doux et de rassurant… Mais à bien y réfléchir je pense que je n'aurais jamais pu traverser cela sans toi. Et je comprends ce que tu insinues quand tu parles de "douleur". C'était douloureux de revivre tout cela : la peur, l'angoisse, la tristesse… J'avais mal à chaque fois que je re-découvrais l'une d'entre elles, mais quand tu étais là… Quand je ressentais à nouveau à tes côtés, c'était comme si tu apaisais cette infliction, sans t'en rendre compte tu m'as aidé a surmonter tout cela. Quand j'étais submergé et que toi tu rester droit, fiable, sûr je me sentais comme lorsque j'étais enfant et que Aeva me prenait dans ses bras, et s'était un réconfort immense… Je croyais, je crois, que quand je suis avec toi, je peux tout surmonter. 


Mélicendre savait que la boîte aux sentiments, ce rituel puissant qui avait piégé ses sentiments dans un écrin, n'avait été qu'un voile. Elle se souvenait également de la douleur et de tous ses souvenirs sans saveur et sans couleur qui la hantée à cette époque. C'était comme mettre sa main dans l'eau et ne pas sentir sa fraîcheur, sa texture, comme si ses souvenirs lui avaient filé entre les doigts, elle pouvait les voir sans les sentir, et ceci était infiniment plus douloureux que l'infliction du rituel lui-même, mais Aesril l'avait éveillée à nouveau, elle en était persuadée, ce jour là, il lui avait sans le savoir sauver la vie.


Elle posa sa main sur la sienne dans un regard tendre et apaisé avant de murmurer doucement.


— Tu n'as rien d'un chevalier, d'un valeureux sauveur de ses dames pour le commun, mais pour moi tu es tout cela, tu m'as sauvé, à de nombreuses reprises et de différentes manières et… Je remercie chaque jour les ancêtres et les dieux de t'avoir guidé vers moi ce jour… peu importe leurs dessins, peu importe la fin de cette histoire, je sais exactement où je veux être et ma place est ici auprès de toi avec tous mes sentiments aussi douloureux soient-ils.



Un éclat d’émotion vive vint nimber les yeux de l’elfe qui observait Mélicendre intensément, avant de baisser des yeux gênés, de pudeur de montrer ce qu’il ressentait et en redressant son regard vers elle, il ne trouva toujours pas comment lui exprimer la valeurs des mots sincères qu’elle lui offrait. Elle pressa son bras et se leva en retirant les brins d'herbes s'étant collés à sa peau nue pour se diriger vers le linge bercé par le vent.


— C'est sec… Nous devrions rentrer, j'ai terriblement faim.


***


À leur retour en fin d'après-midi, les chants s'étaient apaisés, quelques notes étaient encore griffées sur les cordes, les femmes s'étaient réuni au centre du buffet où les plats commençaient à se vider et, au centre de la pièce, près du grand feu, assises sur des large coussins tissés, Saphia, Famia, Sera Aeva et deux autres femmes semblaient plongées dans une conversation animée. Famia les désigna du menton et Aeva se leva vivement pour les rejoindre, le regard soucieux, bras croisés.


— Je vous ai cherchés partout par les ancêtres !, gronda-t-elle à voix basse. Saphia veut te voir… seule, Mélicendre.
— Maintenant ? 

— Oui.
Revenir en haut
Sujets similaires
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum