L'Ordre des Lys et du Serpent
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Général Patafouin
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Sam 18 Nov - 10:21
XXVIII - Libre-arbitre Y6grFe8NepX1hbjcqv9mAJ-rZ1HXGObhu2EFDs0PFAOJvx4Om885QrwAFZBN_6xu9-pGG0RtAI52C-cGGlJ_sOBcgjAsLlQTy4cH1FTeP7VCEHbB3CpZ4578WzvCFnFSGOxKaxCpeQ9EVj4uuRNTQ4w


Le repas était si bienvenu qu’Aesril fit racler sa cuillère de bois contre son écuelle pour profiter des saveurs boisées du ragoût de lapin un peu plus longtemps. Jetant un coup d’œil à Mélicendre qui discutait avec les autres femmes à côté d’eux, il ne put s’empêcher d’esquisser un sourire. Cela faisait longtemps qu’il n’avait eu droit à tant de moments de paix. Il ignorait s’il parviendrait à s’y habituer un jour. 
Un petit éclair de cheveux blonds couleur de paille rejaillit au coin de sa rétine. Violette se précipita vers lui et grimpa sur sa jambe pour s’y faire une place.


— Tu es revenu Asril ! Alors, tu as réussi à faire de la magie, finalement ? Tu sais ton élément ?
— Ma parole, es-tu humaine ou chat ?, s’époustoufla le mage en la voyant envahir son espace personnel, sans le moindre ménagement. Oui, j’ai réussi. C’est l’eau.
— J’étais sûre que tu y arriverais ! L’eau, c'est bien aussi ! C’est pour ça qu’on s’entend bien, les plantes sous la terre, elles poussent avec l’eau !, s’enthousiasma la fillette, enfouissant son nez contre la chemise de tissu délicat, affectueusement. Tu sens bon la lavande ! Et le sapin aussi.
— Tu trouves ?, intervient Mélicendre.  Ces derniers temps j'ai l'impression de devoir le traîner jusqu'à la rivière pour faire ses ablutions… 
— Ce que je ne ferais pas pour qu'elle s'occupe de moi…, murmura-t-il à Violette qui étouffa un rire.
— En parlant de cela, jeune fille… Quand as tu pris un bain pour la dernière fois ?, demanda la divinatrice en plissant doucement les yeux dans un sourire suspicieux. 


La principale intéressée, bascula un regard coupable sur ses petites mains, entremêlant ses doigts.


— Je sais pas…
— Il va falloir frotter fort, petit chat, lâcha Aesril en lançant un regard entendu à Mélicendre. 


Elle y répondit d’un même rictus espiègle et termina son bol avant de se lever en tendant sa main vers la fillette.
— Allez, jeune fille… Direction la rivière, ensuite, nous irons récolter quelques plantes pour Aeva et Aesril et faire ton éducation au sujet de l’herboristerie, nous en profiterons pour nous balader… 
La petite fille quitta précipitamment les genoux du mage, sous son regard de désapprobation de se voir bousculer avec tant de brusquerie.


— Oh oui ! C’est comme dans les histoires que racontait le vieux chasseur ! Je vais devenir une vraie sorcière !
— Une sorcière propre en tout cas, ponctua Aesril. Amusez-vous bien. Et sois sage, surtout, lança-t-il en regardant Mélicendre, un sourire au coin des lèvres.
— Elle n’oserait pas me mettre en colère beau mage, rassure-toi, elle ne veut pas qu’il lui arrive la même chose qu'à toi…, souffla la divinatrice dans un sourire amusé tout en prenant la main de la fillette. 


Violette lança un regard inquiet à Aesril, se demandant quelle avait pu être sa sentence, mais le mage lui répondit par un sourire calme, et sibyllin reposant son bol près de lui pour se relever, servant deux autres bols de nourriture, généreusement.


— Cela, c’est mon privilège, Cael ni Fey. À plus tard, mes dames, lança-t-il cérémonieusement, inclinant légèrement le buste avant de prendre le chemin de l’infirmerie.


En le regardant partir, la fillette se dit qu’elle ne comprenait résolument pas comment il pouvait afficher une mine si sereine devant la menace d’une punition, avant de suivre la divinatrice vers l'extérieur. 


Offrant leur repas aux convalescentes, Aesril s’assura que celles-ci ne manquèrent de rien, versant un peu d’eau sur des feuilles séchées et quelques tubercules que les divinatrices avaient récolté pour concevoir un remède énergisant et lorsqu’il se fut assuré que son travail eut été exécuté avec suffisamment de diligence, il traversa le sanctuaire en quelques souples enjambées pour se diriger vers la plus grande tente, s’y engouffrant sans plus de formalités. Il n’avait de toute façon aucune idée de comment il convenait de s’adresser à la mère des clans, ni s’il existait quelques coutumes d’usage à respecter avant d’avoir droit à une entrevue avec elle. Il choisit d’user de son statut d’étranger, un passeport toujours valable pour justifier quelques écarts de conduite. Saphia était assise sur le sol à côté de sa sœur Elisae, visiblement concentrées, les deux femmes levèrent des yeux intrigués et abasourdis vers l'Altmer. 


— Aesril… Que puis-je faire pour vous qui ne requiert ni forme de politesse ou qui ne puisse attendre que j'en aie terminé avec ma sœur ?, demanda la mère des clans d'un air las. 
— J’aurais besoin de vous parler. Mais cela attendra que vous soyiez pleinement disponible, bien entendu. Ou que vous imposiez un nouvel ultimatum à l’un d’entre nous.


Elle fit claquer sa langue contre son palais, puis coula son regard vers sa sœur d’un air désolé, celle-ci compris instinctivement et se leva en saluant distinctement Saphia puis Aesril en passant à ses côtés pour sortir de la tente. La mère des clans soupira profondément et désigna une place assise face à elle, sur un petit tas de brin de plantes séchées formant un pouf rond et dur.

— Je vous en prie… me voilà disponible. Je me demandais à quel moment exactement allais-je avoir droit à des remontrances de votre part… 



Elle servit deux bol d’eau chaude, dans lequel infusaient des plantes. Il prit place en face d’elle, calmement, acceptant respectueusement la boisson qu’elle lui tendait en inclinant la tête.


— Si vous vous attendiez à des remontrances, c’est certainement que vous saviez que vos actes m’auraient contrarié. Vous voulez que je vous respecte Saphia, vous et vos coutumes et je suis prêt à agir en conséquence… Alors pourquoi avez-vous fait ça ?
— Pourquoi ai-je fait quoi, exactement ?, elle fit mine de réfléchir. Oh… Pourquoi ai-je demandé à Mélicendre de renouer avec son ancêtre pour qu'elle l'aide ? Ou… Pourquoi ai-je proposé à Mélicendre une place à mes côtés pour changer les choses et nos coutumes afin que vous et Violette puissiez rester parmi nous avec la grâce de nos ancêtres ? C'est de cela que vous vouliez me parler et dont vous êtes mécontent ? 


Le mage demeura un moment à l’observer en silence, détaillant le moindre de ses traits, avant de lâcher.


— Vous avez mis nos vies en jeu. Voilà ce que vous avez fait. Nos vies et les pouvoirs de Mélicendre. Je connais mal vos traditions, c’est vrai, mais elles ne sont pas différentes de celles qu’ont adopté les miens, visiblement. Plutôt que d’avoir suffisamment confiance pour que la personne fasse le bon choix, vous préférez proférer des menaces ? Si je dois vivre parmi vous, Saphia, dans ce cas, instaurons une tradition irrévocable : vous me laisserez faire mes choix, mon clan et moi, pour employer vos termes. Vous me ferez confiance, comme vous, je vous fais confiance. Je ne peux vivre sous la menace ou la contrainte. Et vous le savez. Tout comme vous savez que j’ai bien plus à apporter que ce que vos coutumes laissent entendre. Il n’y a que comme cela que ça peut fonctionner entre nous.


La mère des clans hocha doucement la tête. 
— Je vais vous expliquer quelque chose, Aesril : il y a une différence entre ce que l'on veut et ce qu'il est envisageable de faire. Vous commencez à comprendre nos clans et notre richesse, mon devoir est de protéger chaque personne ici, vous et Violette y compris et de protéger nos coutumes et nos traditions. Parfois, mes choix peuvent vous paraître difficile à entendre, mais je le fais pour le bien de tous. Je pourrais donner ma vie pour les clans, croyez-le. Je vous fais confiance, mais vous l'avez dit vous-même : vous ne connaissez pas encore toutes nos coutumes et Mélicendre est un électron libre, c'est ce qui me plaît chez elle et ce qui m'a fait prendre la décision de l'avoir à mes côtés. Cependant, elle doit être en paix avec son don… Et ce n'est pas le cas, elle ne se connaît pas encore. Vous serez entièrement libre avec nous, mais pour le moment j'ai besoin que, vous aussi, vous me fassiez confiance et que vous compreniez que ce que je vous impose pour le moment sera la clef de votre liberté plus tard, expliqua-t-elle sobrement le regard sérieux.


Imitant la mère des clans, il hocha la tête à son tour, dans cette ambiance en suspens, où l’un et l’autre pouvait distinctement percevoir leurs respirations mutuelles entre leurs longs silences, ses grandes pupilles sombres rivées dans ses yeux.


— Je comprends. Depuis que je suis ici, je comprends chacune de vos décisions. Je n’ai aucun problème avec vos choix, Saphia. Vous me dites que vous aimeriez que Mélicendre vous accompagne pour diriger vos clans, bien. Vous me dites que la seule façon de faire est qu’elle renoue avec son ancêtre, je vous crois. Qu’en sais-je, de toute façon ? Mais plus de menaces. À la place, expliquez-moi vos décisions, comme vous le faites maintenant. Ou je termine le travail de Lyanawën et réduis ce campement en cendres. Vous voyez comme c’est désagréable ? Nul n’a envie de voir sa vie posée sur la balance de l’irrévocable. 


Il ne lui laissa pas le temps de répondre et poursuivit, d’une voix ferme, mais sans aigreur.


— Je pense être moins fermé d’esprit que vous ne le supposez. Sans quoi, je ne serais pas ici, pour commencer. Vous me dites que vous nous avez imposé cette décision, en nous demandant de simplement vous faire confiance et en scellant notre destin par une menace de vie ou de mort : j’y vois simplement de la manipulation. Une personne honnête n’userait jamais de tels stratagèmes. J’en sais quelque chose, j’ai usé de cela, moi-même. En revanche, si vous croyez en mes capacités de jugement, de compréhension et de réflexion et que vous m’expliquez les tenants et aboutissants, comme votre égal… Là, alors, je considérerai la question. Mais vous devez accepter l’éventualité que nous fassions le mauvais choix, celui que vous ne voulez pas nous voir prendre.


Ses lèvres s'étirèrent dans un sourire en coin malin, elle haussa un sourcil en le détaillant.


— Ah… Parce que vous croyez que la menace de "mort" venait de moi ?. Elle se mit à rire d'un rire entre la nervosité et l'amusement. Vous me pensez capable de tuer l'une des miennes Aesril ? Je considère chaque femmes ici présente comme une partie de moi-même. Non… Non, la menace de mort qui planait sur vos épaules provenait de force qui me, et vous dépassent Aesril. 
— Et qui les appliquent, ces menaces ? Vous ou les "forces qui nous dépassent" ? D'expérience, les morts ont besoin d'un peu d'aide de notre part pour interagir avec notre monde.
— C’est cela votre problème Aesril… Vous pensez tout savoir et vous vous arrêtez à cela, vous n’imaginez pas les possibles… Ils ont besoin de ma voix, mais croyez-moi du reste, nos ancêtres façonnent nos vies. Nous sommes des êtres de magie, nous les divinatrices, quand un elfe n’a plus de magie, il vit, difficilement, mais il vit… Une divinatrice sans magie est comme une phalène en plein soleil… Elle dépérit lentement, et dans la douleur, notre essence de vie et de magie est liée à nos ancêtres, ils nous nourrissent, nous sommes une seule unité, un cercle… Vous avez vu le rituel d’unification de Mélicendre et comme elle était faible et comme nous toutes, nous avions perdu en vitalité… Nous vivons par nos ancêtres Aesril, s’ils décident qu’une de nous doit sortir du cercle, ce ne sera pas de mes mains… Croyez-moi. expliqua-t-elle lentement. 


Dans une moue dubitative, le mage hocha à nouveau la tête en écoutant les explications de Saphia, expulsant un profond soupir. 


— Je vous crois…, commença-t-il avant de lever les yeux au ciel. Mesdames, merci pour votre hospitalité, vraiment, j’apprécie. Mais ne me menacez pas. Cela nous évitera à tous bien des tracas. – Il ramena son regard à Saphia, dans le plus grand sérieux. – Vous me direz si le message est passé.
Saphia leva les yeux au ciel dans un hochement de tête, devant ce qu'elle jugeait de la naïveté. 
— C'est une belle tentative, mais ça ne marche pas comme cela… Vous voulez leur parler ?, demanda-t-elle avec sérieux.
— Si vous croyez que cela peut me permettre de mieux comprendre.
Elle étouffa un rire en soufflant par le nez.
— Je le crois, oui, mais êtes-vous prêt pour cela ? J’ai appris que vous étiez entré dans l’esprit de Mélicendre… Comment était-ce ? 
— … Éprouvant. J’ai encore des difficultés à distinguer quels souvenirs m’appartiennent vraiment.
— Hum... Alors, imaginez ce que cela serait de vous retrouver face à nos nombreux ancêtres… Il faut beaucoup de résistance mentale… Mais je pourrais faire venir ma mère, si vous voulez absolument poser vos questions. 
— J’ai plus de mises en gardes que de véritables questions à formuler… À l’exception d’une seule. Mais vous avez peut-être la réponse.
— J'écoute, fit-elle avec détachement en reprenant une gorgée.
— Pourquoi vos ancêtres m’ont-ils accepté parmi vous, alors qu’il n’y a jamais eu la moindre place pour les hommes dans vos traditions ? On pourrait croire qu’elles sont redevables ou qu’elles craignent de voir Mélicendre quitter les clans à tout jamais si je décidais de m’en aller. Mais je me demandais s’il y avait autre chose… 
— Il y a de cela… Le don de Mélicendre nous est très précieux, mais en ce qui vous concerne disons que le débat était plus mouvementé, vos compétences et vos actes ont joué en votre faveur et je me suis porté garante de votre investissement et serviabilité… 
— Point de terrible prophétie ou de malédiction ? C’est plutôt une bonne nouvelle. Donc… Vous considérez que je suis un membre à part entière de vos clans ?
— Les prophéties, les légendes et les malédictions sont souvent des fables, si l'on remonte le fil, ces mêmes fables proviennent de peurs… le départ d'une prophétie, c'est l'histoire que vous écrivez. En ce qui concerne le fait que vous soyez un membre à part entière, ne vous emballez pas trop, guérisseur… Vous avez encore à apprendre. Plus tard, peut-être, mais pour le moment "invité spécial" est un terme qui convient. 


Il porta son bol à ses lèvres, le maintenant en suspens un bref instant, sans quitter Saphia du regard.


— Cela me convient aussi, décréta-t-il en prenant une gorgée d’infusion. En attendant, autorisez-vous à nouveau votre “invité spécial” à prendre en charge l’infirmerie ? Car pour le moment, je n’aimerais pas être souffrant ici… L’on risquerait d’en ressortir avec plus de problèmes qu’en y entrant. Plus vite les vôtres seront rétablies – et correctement rétablies – et mieux elles pourront mettre la main à la pâte. Et je ne vous apprends rien en vous disant que vous devez sécuriser cet endroit de toute urgence. Premièrement, à cause de ce qu’il vous est arrivé et aussi parce que vous abritez une personne qui a de nombreux ennemis. Je ne veux pas vous attirer des ennuis par ma présence.
— Le sanctuaire est déjà protégé par des sigils très anciens, Elisae et moi-même les avons vérifiés à notre arrivée, c'est pour cela que ce lieu dégage une aura magique si particulièrement chargée en énergie. Elle lui offrit un sourire en coin en haussant un sourcil malicieux. Alors, vous êtes bel et bien décidé à vous investir pour les clans ? Si c'est le cas, vous avez carte blanche et Aeva sera là pour vous aider, je suppose. 
— M’investir pour les clans ? – Aesril se passa une main sur sa barbe naissante, laissant ses doigts glisser pensivement le long de son menton. – Oui, si l’on veut. Disons que je me voyais mal passer ma journée à fabriquer des pots en terre-cuite ou tisser des paniers. L’idée de ne pas avoir de fonction m’est absolument impensable. Alors autant vous aider à établir de bonnes bases pour rétablir vos blessés. Voyez cela comme un échange de bons procédés. Vous m’offrez votre savoir et je vous donne le mien. Et bien sûr, vous pouvez compter sur mon aide pour reconstruire vos charmantes maisons sur roues. Je sais que je suis… “un Noble-Altmer-du-Couchant-d’une-haute-maison-au-nom-imprononçable”, mais je sais tenir un marteau. 


La mère des clans lâcha un rire franc avant de hocher la tête et de boire une gorgée d'infusion.
— Oh ça je n'en doute pas, de toute façon vous n'allez pas avoir le choix si vous voulez partir d'ici et ne plus m'avoir constamment dans vos pattes… Elle le détailla ensuite, un nuage soucieux passant devant ses iris sombres. Comment va Mélicendre depuis qu'elle a retrouvé Gloria ?
— Je crois qu’elle sera plus à même de répondre à cette question que moi. Elle semble aller bien. Aussi bien que possible après tout ce que nous avons traversé. Le concept d’une vie ordinaire ne nous est pas familier…


Il fronça les sourcils, en pleine réflexion. À bien y repenser, il n’avait jamais vraiment vu Mélicendre aller “bien”. Les seuls moments de joie qu’il avait vus d’elle, c’était lorsqu’elle avait enfermé ses sentiments, tout au fond d’une boîte, son rire glacé et sans vie résonnant encore dans sa mémoire. À l’époque, elle riait pour la moindre chose, même la plus macabre. Il s’était toujours demandé comment nul n’avait remarqué à quel point son rire sonnait faux. Ou du moins, comment ses clients s’en accommodaient. Et même après que le sort fut rompu, après toutes les épreuves et tous les dangers qu’ils avaient évités, ceux au travers duquel il l’avait fait passer à la manière d’un équilibriste évitant le vide, il se rendait compte qu’il n’avait jamais vu Mélicendre en paix. Était-ce cela qu’il avait aimé chez elle ? La femme évoluant à travers le chaos ? Les cicatrices qui lui rappelaient les siennes ?
Il papillonna des paupières, revenant à l’instant.


— Je sais qu’à sa place, je n’aimerais pas entendre des voix. Mais l’avenir nous le dira, je suppose. Mélicendre a mérité un peu de paix. Que se passerait-il… si elle ne supportait pas Gloria, si cela altérait sa santé ? L’obligeriez-vous à garder ce lien ?
— Gloria, comme tous nos ancêtres, n'est pas mauvaise Aesril, quand Mélicendre n'aura plus besoin d'elle, sa voix s'atténuera. Elle l'accompagnera toujours, mais ne sera présente que lorsque Mélicendre fera appel à elle, c'est comme cela que ça fonctionne, si elle est si présente, c'est pour une bonne raison et puis Gloria peut être agaçante, mais elle ne peut en aucun cas blesser, ses dons n'existent plus pour elle puisque Mélicendre en a hérité, vous comprenez ?
— Gloria n’a pas de pouvoir, d’accord. Malgré tout, Mélicendre a cherché à s’en défaire. Quand n’en aura-t-elle plus besoin ?
— Il n'y a que Mélicendre qui a les réponses que vous attendez de moi, Aesril. Quand elle sera prête, Gloria se fera moins présente, elle n'est là que pour l'aider à se trouver et apprendre… expliqua la mère des clans en terminant son thé avant de lancer un regard succinct vers l'entrée de sa tente ou Elisae patienter toujours.
— D'accord, d'accord…., obtempéra Aesril, réalisant que Saphia n'avait pas de réponse précise à lui fournir. Et… Pour ce qui est de ma fille, que va-t-il se passer ? Est-ce vraiment si grave qu'elle soit de sang mêlé ? Vais-je avoir mon mot à dire concernant son éducation ? 
— Vous êtes son parent, bien-sûr que vous avez votre mot à dire, cependant gardez bien à l'esprit que cette petite naîtra sorcière et deviendra divinatrice, cela signifie qu'elle suivra le chemin de sa mère et que sa vie dépendra des clans, comme pour nous toutes. En ce qui concerne son sang… eh bien ça, seul l'avenir nous le dira et qui est capable de voir l'avenir pour répondre à vos questions ?... souffla-t-elle à voix basse cette fois-ci. 
— … Mélicendre, conclut finalement Aesril. Elle semble avoir plus de réponses que vous, dites-moi. Je vous prêtais de plus grands pouvoirs, mais me voilà rassuré, lança-t-il sur le ton de la taquinerie. À moins que ce ne soit une manière subtile de me demander de vous laisser tranquille, fit-il en se relevant, terminant l’infusion d’une traite.
— Peut-être un peu des deux, s'amusa la mère des clans. Je ne vais pas vous dévoiler tous mes secrets maintenant, il y a encore du chemin à faire… 


Le mage esquissa un sourire en coin, dans une expression entendue et il inclina légèrement la tête, avec déférence.


— Merci pour votre temps, Mère des clans.  
Saphia inclina doucement la tête dans un sourire satisfait. 
— … Dites à ma sœur de revenir en sortant. 


Il allait partir quand il stoppa sa progression avant de demander :


— Une dernière chose, Saphia… M’autorisez-vous à consigner par écrit ce que je peux apprendre ici ? Uniquement dans un but de conservation et d’observation.
La mère des clans hocha la tête lentement dans un petit rictus mélancolique.
— Vous le pouvez, Famia partira dans une semaine chercher des parchemins et des carnets en ville… Livia nous a protégées, mais nous devons continuer de consigner notre savoir nous aussi… 
— Un tel savoir mérite d’être préservé. En cela, vous aurez toute mon aide.


Il prit aussitôt congé, laissant Elisae reprendre sa leçon, faisant quelques pas dans le sanctuaire en prenant une profonde inspiration. Il s’était préparé à devoir obtenir ce qu’il exigeait par la force, montrer les crocs, intimider, mais rien de tout cela n’avait été nécessaire. L’avenir parmi les clans semblait possible. Il peinait encore à croire que ses inquiétudes pouvaient être balayées en si peu de temps. Mais une lueur nouvelle vint s’installer en lui et provoquer une sensation de chaleur qu’il n’avait pas ressenti depuis de longues années : l’espoir de trouver sa place, d’être accepté, sans tribu, ni dette, ni paiement. En homme libre.


Il fut tenté d’aller retrouver Mélicendre et Violette, mais préféra observer de loin le charmant tableau de sa famille, comme pour l’imprimer à tout jamais dans son esprit. Après tout ce qu’il avait vécu, en les voyant, il avait l’impression que sa vie commençait à nouveau. Que les années au Couchant n’avaient été là que pour le préparer à cet instant. Il ne possédait presque rien, mais ce qu’il avait valait à ses yeux plus que tout l’or et les tableaux et l’argenterie et les soieries et les titres et les honneurs. Il sourit, véritablement, embrassant la scène de son regard puis il se dirigea vers un groupe de divinatrices affairées à tailler du bois, visiblement éprouvées par leur dur labeur. Il retroussa les manches de sa chemise et lança :


— Mesdames… Puis-je vous offrir mon aide ?


XXVIII - Libre-arbitre 87816410
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