L'Ordre des Lys et du Serpent
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Général Patafouin
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Chapitre IV Empty Chapitre IV

Ven 12 Avr - 12:52
— Pitié ! Je n’ai rien fait, on s’est servi de moi !
— C’est ce que disent tous les criminels dans ton genre. Tu expliqueras cela au Juror.


Chapitre IV Cfe88210



Pendant que son coéquipier saisissait par le bras un jeune elfe d’une vingtaine d’années à peine pour le forcer à se retourner, l’un des Justiciars fit quelques pas vers le groupe et lui tendit des menottes.


— C’est à toi que revient l’honneur Menduil. Sans toi, on ne serait jamais parvenus à attraper ce Taorc’h Velt.


Menduil serra fermement les liens de métal aux poignets du suspect et ils s’empressèrent de le faire quitter la riche demeure où ils l’avaient intercepté pour le mener aux quartiers généraux de la Poursuite Divine d’Alinor. Ils furent reçus en grande pompe par leur capitaine et l’homme fut mis aux arrêts sans plus de formalités.


— Voilà déjà quatre ans que le Justiciar Menduil est parmi nous et il n’a aucun échec à son actif, glissa le Capitaine Virano à son subalterne, pendant que les Justiciars discutaient de la mission.
— En effet, chef. C’est un excellent élément. Le meilleur de cette brigade, selon moi. Et il est très apprécié pour son sérieux. 
— C’est une chance d’avoir de nouveaux éléments aussi performants. Nous en aurons besoin… Justiciar Menduil ?, appela le capitaine en relevant la tête.
— Capitaine Virano, se présenta-t-il sans plus attendre.
— C’était une très belle intervention. Nous étions à la poursuite de ce cambrioleur depuis des mois. Quel est votre avis ? Que cherchait-il, selon vous ?


Menduil redressa sa posture, prenant un moment pour se concentrer. Il savait que si son supérieur lui demandait son avis, ce n’était rien de plus qu’une façon de le mettre à l’épreuve. Une opportunité. Il répondit, pesant ses mots.


— Jusqu’à présent, les vols se concentrent uniquement sur des demeures de familles notables et nobles, des personnes influentes dans le monde politique. La nature des vols reste floue, cependant. Des vases, des accessoires de beauté, des peintures, des bijoux qui n’ont pas forcément une grande valeur… On pourrait croire que le voleur manque de discipline, qu’il est peu expérimenté et qu’il ne sait pas quoi chercher…
— … Mais ce n’est pas votre avis ?
— Non, Capitaine, répondit Menduil sans hésiter. Je pense que ces vols ont pu être commis pour dissimuler ce qu’il cherche vraiment.
— Et de quoi s’agirait-il ? 
— Cela peut être n’importe quoi. Je pense naturellement à des documents sensibles ou même à un moyen de détourner notre attention. Mais je pense que nul ne se donnerait autant de mal pour subtiliser des objets aussi triviaux, Capitaine.


Le Capitaine Virano le toisa un moment en silence, hochant la tête d’une manière imperceptible.


— … Bien. Vous et vos coéquipiers, je veux que vous vous rendiez dans l’amphithéâtre dans une heure. Nous avons de nouveaux éléments à vous exposer. Rompez le rang.


Dans l'amphithéâtre, leur supérieur direct leur exposa la situation.


— Voici le contexte commença le Justiciar Andermil. Après avoir mené un interrogatoire et inspecté les preuves, ainsi que le logis du délinquant que nous avons intercepté, nous en sommes arrivés à la conclusion que cet homme n’agissait pas seul. Il est possible qu’on l’ait employé ou qu’il fasse partie d’une bande de criminels, car il ne semble pas avoir perçu le fruit de ses larcins. Le voleur était un homme de peu de talents, ayant perdu le dernier membre de sa famille, il était sans ressources et s’est jeté sur l’opportunité dès lors qu’elle s’est présentée. Il prétend qu’il aurait dû recevoir une somme d’or après qu’il ait déposé le fruit de ses vols à un lieu convenu. Il nous a indiqué le lieu précité, mais il y a fort à parier que cette information se révèle inutile si son arrestation est parvenue aux oreilles de son commanditaire. Les victimes sont des familles nobles d'Alinor, localisées ici, ici et là, expliqua-t-il en indiquant des points illuminés magiquement sur une large carte de la ville. Rien de notable parmi les objets retrouvés n'a permis de définir un lien précis entre eux. Les victimes expliquent que les objets ont davantage une valeur sentimentale. Mais je crois que le Justiciar Menduil a déjà une théorie sur le sujet. Justiciar Menduil ?


Celui-ci se leva, inclinant le buste en avant, avant de se redresser et d’exposer fièrement.


— De nombreux objets différents ont été subtilisés, mais le voleur n’emploie pas le même mode opératoire que la plupart des délinquants. Il est passé à côté de nombreux bijoux pourtant faciles d’accès. Ce qui laisse à supposer qu’il cherchait quelque chose de précis.
— … Ne reste plus qu’à savoir de quoi il s’agit, reprit son supérieur. Il prétend ne pas connaître l’identité de son commanditaire, mais il est clair que quelqu’un l’emploie. Le but de cette mission sera de retrouver cette personne, découvrir ses desseins et la ramener ici pour la traduire en justice. Justiciar Menduil, nous voulons que vous preniez le commandement de votre équipe pour cette entreprise. Vous serez l’enquêteur principal. Nous attendons des résultats rapides.


Touché par cet honneur, Menduil tâcha de ne rien en montrer et de conserver sa dignité, inclinant légèrement la tête. Afficher ses émotions aurait manqué d’élégance dans un tel instant.


Le Justiciar Andermil mit fin à la réunion, autorisant une pause bien méritée à Menduil et ses équipiers, mais celui-ci ne l’entendit pas de cette oreille et les remit aussitôt à l'œuvre. Les criminels se reposaient, alors ils devaient se montrer plus forts et plus rapides et les prendre de court. Il les fit détailler tous les éléments qu’ils avaient retrouvés afin de s’assurer de ne manquer aucune information, épluchant les rapports d’interrogatoire, les témoignages des victimes, les preuves, les informations dont ils disposaient sur leur coupable : rien ne fut laissé au hasard. Alors que la soirée était déjà bien avancée, ils avaient établi plusieurs pistes et seulement à ce moment, Menduil décida de leur accorder à tous un temps de repos. Si l’un deux rechignait à la tâche, il savait que le plus sage était de ne rien en montrer, car Menduil n’était pas connu pour sa souplesse et qu’aucun supérieur n’aurait vu son excès de zèle comme une mauvaise chose, pas à la Poursuite Divine, du moins. 



Aussi, après une bonne nuit de sommeil, nul ne protesta lorsque Menduil exigea de ses hommes qu’ils se lèvent à l’aube pour aller inspecter le site sur lequel les objets volés auraient dû être déposés. Bien sûr, Menduil ne s’attendait guère à y trouver qui que ce soit. Jusqu’à lors, ils n’avaient jamais eu vent d’un soi-disant commanditaire, seul le voleur qu’ils avaient arrêté les avait laissé croire qu’une personne au-dessus de lui supervisait tous ces méfaits depuis des mois. Quatre maisons nobles avaient été touchées par les vols et le rapport d’interrogatoire laissait penser que l’homme qu’ils avaient capturé n’était pas celui qui avait commis les trois autres crimes. Ils ne devaient la capture de cet individu que par une déduction rapide. Les nobles familles présentant un intérêt étaient certes nombreuses, mais ils avaient tablé sur les plus riches, placé diverses patrouilles infiltrées à des endroits clef et cela avait fonctionné. 


À la vérité, Menduil n’avait pas l’esprit de déduction le plus affûté, mais il était très doué pour tirer le meilleur de chaque individu et agir vite. Aussi, quand un de ses coéquipiers – un Admanen talentueux – avait suggéré que ce qui intéressait le voleur n’avait probablement rien à voir avec de l’or, mais avec tout autre chose et que la “coïncidence” voulait que seules des familles impliquées dans la vie politique du Couchant avaient été victimes de ces larcins, Menduil avait compris que cela révélait un sens nouveau à l’enquête et avait décidé de mener son équipe à l’étudier sous un autre angle et à chercher des preuves pour étayer ces propos. Car ainsi était l’homme qu’était devenu Menduil. Avec le temps et avec les ruses de son frère, il avait appris à mettre à l’épreuve chaque supposition et à ne croire que ce qui était irréfutable, gravé dans la roche. Il y trouvait un certain réconfort, parce qu'ainsi, et seulement ainsi, le monde d’illusion et de magie dans lequel il évoluait retrouvait des contours tangibles. Et c’était aussi la raison pour laquelle il ne se départissait jamais de ses chaînes enchantées, conçues spécialement pour bloquer la magie de quiconque s’en verrait affublé, car il avait appris que laisser une occasion à un mage de lancer un sort pouvait aussi signer son arrêt de mort. 
Il énuméra les objets trouvés, songeur.


Chapitre IV 317cfe10



— Un peigne, un anneau serti de diamants, un pourpoint de velours, une lettre destinée à une vieille tante et un bout de pain à moitié dévoré… Qui volerait des objets pareils dans une demeure chargée d’objets infiniment plus précieux ? Si tout ceci avait quoi que ce soit à voir avec la politique, pourquoi ne pas voler des documents confidentiels ?, réfuta-t-il, en proie au doute.
— Ou un sceau ?, lança un de ses équipiers, occupé à fouiller les alentours.
— Le noble patriarche Erevos dit n’avoir égaré aucun sceau…, répondit Menduil, de plus en plus sceptique.
— Ce serait inutile !, s’exclama l’Admanen en relevant la tête, subitement.
— …  Qu’est-ce que vous racontez ?, demanda Menduil, fronçant les sourcils.
— La lettre, par Auri-El ! Elle était cachetée et le sceau est resté intact. Le voleur ne savait même pas à qui elle était destinée. Ce qui signifie que ce qu’il recherchait, ce n’était pas la lettre… Mais le sceau ! Un bon faussaire pourrait le reproduire aisément…
— … Et ainsi donner l’accès à son porteur à quantité d’informations sans éveiller les soupçons, car nul n’aurait signalé la disparition du sceau, conclut Menduil, époustouflé.
— Voilà !
— Justiciar Menduil ! Venez voir ! On a une trace ici.


Menduil s’approcha de l’endroit que lui indiquait son équipier. À l’écart du lieu de rendez-vous, dans la terre sableuse, derrière un pilier, des traces de pas étaient encore visibles. La pluie de la veille les avait épargnées, protégées par une paroi rocheuse adjacente.


— Une grande pointure, commenta-t-il. Un homme ?
— Il y a fort à parier, confirma l’Admanen qui venait de les rejoindre. Il est probablement de haute stature également, vu comme il répartit le poids sur ses chaussures. Il devait attendre, caché derrière le pilier, pour observer son employé déposer le butin et le récupérer aussitôt qu’il serait parti.


Menduil tenta de remonter les traces, mais elles avaient été effacées par les intempéries. Peu lui importait. De nouvelles pistes s’étaient ajoutées à l’énigme.


— Bien. C’est faible comme indice, mais nous devrions pouvoir en tirer quelque chose. Cherchez si quelqu’un a fait usage de magie ici. Irelion, allez quérir le majordome du seigneur Erevos et demandez-lui si ses contacts ont reçu du courrier de sa part qu’il n’aurait pas écrit… sait-on jamais. Le mieux serait qu’il conseille à ses connaissances les plus importantes de ne pas donner de crédit aux lettres portant sa marque. Telacar, dressez la liste des lieux où nous pourrions trouver un faussaire. Nous allons découvrir ce que veut notre voleur de sceaux.


Le lendemain, le Justiciar Telacar revint auprès de Menduil avec le nom d’un prétendu faussaire qu'un de leurs détenus leur avait confié.


— Il a suffi de lui proposer un allègement de sa peine contre quelques noms et l'homme a aussitôt parlé. Ils nous a donné le nom de certains quartiers, mais selon lui, son contact sûr serait un certain “Poinçonneur”. Le type aurait un entrepôt sur les quais et il s'en servirait pour cacher son activité aux yeux de la loi.
— Malin…, commenta Menduil. Et où peut-on trouver ce “Poinçonneur”, au juste ? Il a un nom ?
— Il s'appellerait Eludril. C'est le propriétaire de l'entrepôt numéro huit, au bout de la plate-forme.


Chapitre IV 70e5e910


Ils décidèrent donc de s'y rendre sans plus attendre, sellant leurs chevaux pour gagner les quais, en contrebas de la capitale. Si Alinor était une ville prospère où – en apparence tout du moins – aucun mal ne sévissait, Menduil savait que certains quartiers étaient propices aux parasites. Celui-ci en faisait partie. Sur les quais régnait une certaine effervescence, les débardeurs s'activant dans une danse millimétrée pour décharger les navires de marchandises dûment inspectés par les autorités de contrôle. En passant la porte de l'entrepôt numéro huit, ils furent accueillis par un elfe aux cheveux filasses et à la peau terne, se tenant derrière un comptoir improvisé fait d'un empilement de caisses de bois. Il interrompit son écriture pour leur offrir un sourire qu'il devait certainement penser convaincant mais qui ressemblait plus à une grimace.


— Messieurs ! Soyez les bienvenus… Vous cherchez quelque chose ?
— Telacar, place-toi à l'entrée, Irelion, toi, tu fais un petit tour du bâtiment, tu nous préviens si tu remarques quoi que ce soit de suspect, ordonna Menduil en ignorant royalement la remarque de l'individu. Il observa les lieux, d'un rapide coup d'œil. 


Dans le vaste entrepôt, une quantité formidable de caisses s’entassaient, masquant la mer de l'autre côté, mais le courant d'air iodé qui traversait la pièce indiquait une ouverture. L'endroit mal éclairé laissait deviner tout un bric-à-brac de filets de pêche, de rames et de vieux meubles au vernis écaillé. Mais plus que tout, Menduil avait la désagréable sensation d'être observé.


Il s'approcha finalement du comptoir.


— C'est vous, Eludril ?
— Pour vous servir ! Oh, mais quelle armure scintillante !, lança-t-il, sa voix flûtée résonnant contre les murs. Je crois reconnaître l'emblème de la noble Poursuite Divine. Mes respects à sa Majesté !
— Nous sommes à la recherche d'un certain “Poinçonneur”. Vous ne sauriez pas où nous pouvons le trouver, par hasard ?
— Un poinçonneur ? Avez-vous essayé le quartier des ferronniers ? Ça ressemble plus à un endroit où vous trouverez ce genre de personne…
— Ne vous fichez pas de moi. Où est…


Il laissa sa phrase en suspens, remarquant une jeune femme au fond de l'entrepôt, le haut de sa tête dépassant furtivement de derrière une caisse, mais son regard fut capté par un mouvement de l'homme derrière son comptoir, tirant dans un geste vif un objet lisse et luisant de l'intérieur de son pourpoint miteux.


Il ne fallut pas plus d'une fraction de seconde à Menduil pour intercepter son mouvement, saisissant le bras d’un geste vif pour le plaquer contre le comptoir dans un craquement sonore provenant de l'épaule du malheureux qui, dans un cri de douleur, lâcha aussitôt l'objet dont il s'était saisi. L'Admanen Telacar abandonna son poste pour accourir et récupérer ce que Menduil avait pris pour une arme.


— Une pierre avec un sort de fumigation. Il voulait nous étourdir…


Menduil adressa un regard sombre à l'homme haletant, incapable de décoller son visage du comptoir tant la douleur l’accablait. Il se souvint alors de ce qui avait attiré son attention quelques secondes plus tôt. Tout ceci n'était qu'une diversion. Une silhouette se profila au fond de l'entrepôt.


— La femme, elle s'enfuit ! Irelion !
— Je m'en occupe !, lança son coéquipier qui s'élança entre les caisses.


La jeune femme, agile, semblait connaître chaque recoin et elle louvoya avec la rapidité d'une anguille, tant et si bien que lorsque le Justiciar atteint la sortie de l'entrepôt, tout ce qu'il vit, c'étaient trois chevaux partant au grand galop sur la route principale. Croisant Telacar venu à sa rencontre, ils revinrent auprès de Menduil, Irelion la mine basse.


— Elle a pris les chevaux !
— Le Poinçonneur était une femme…, marmonna Menduil.
— Qu'est-ce qu'on fait de lui ?, demanda Telacar.
— On l'emmène à la Poursuite Divine. Les geôles délient toujours les langues.  Fouillez l'entrepôt. Voyez si vous pouvez trouver quelque chose.


Il se retourna vers le dénommé Eludril dont toute couleur avait quitté son visage.


— J'espère que vous n'avez rien contre un peu de marche. Vous allez avoir le temps de réfléchir à ce que nous direz.


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Le retour fut long pour leur détenu à l'épaule démise qui geignit tout au long du trajet, et Menduil espérait bien user de sa douleur pour faciliter l'interrogatoire.


— Une dernière fois : où est partie le Poinçonneur ?
— Je vous le dis, je n'en sais rien ! Tout ce que je voulais, c'est l'aider à fuir !
— C'est votre femme, c'est cela ?
— Ma concubine. Nous ne sommes pas mariés.
— Astucieux pour cacher votre identité. Et avez-vous reçu des commandes pour reproduire des sceaux récemment ?
— Si nous en recevons ? Mais c'est l'essentiel de nos demandes ! Reproduire des sceaux, des signatures… Que croyez-vous que fasse un faussaire au juste ?
— Pourriez-vous nous dire qui étaient vos derniers clients ? Ou vos dernières commandes ?
— Vous pensez que je garde un registre, peut-être ? C'est Talara qui s'occupe de ça, je ne sais rien de plus.
— Vous avez bien dû voir à quoi ressemblaient les clients… Un homme, de grande taille, ça vous dit quelque chose ?
— Ça ne me dit rien. Et de toute façon, qu'est-ce que j'y gagne ? Vous me mettrez en prison quoi qu'il arrive et si je vous vends les clients de Talara, on s'en prendra à nous. Je sais comment ça fonctionne. Je ne vous dirai rien de plus.


Menduil passa de l’autre côté de la table pour attraper le détenu par le col d’une main, faisant pression sur son épaule de l’autre. Eludril émit plusieurs hoquets de douleur, les larmes aux yeux.


— Écoutez-moi bien. Si vous pensez que la justice du Couchant est clémente, vous vous fourrez le doigt dans l’œil. Si j’étais vous, je m’assurerais de coopérer le plus possible pour que vous et votre chère Talara puissiez espérer revoir la lumière du jour avant votre mort.
— On… On voit que vous êtes un privilégié, vous. La prison, ce… Ce n’est pas le pire.
— Nous verrons si vous tenez le même discours après quelques nuits dans un caveau humide avec l’épaule démise. Emmenez-le.
— Ne pensez-vous pas avoir été un peu dur ? Techniquement, cet homme n'est coupable que de complicité…, demanda l'un de ses coéquipiers, une fois l'homme hors de leur portée.
— Les criminels sont des criminels, Irelion. Dans ce domaine, il n'y a pas de demi-mesure possible, rétorqua-t-il avec aplomb en regagnant les bureaux des étages supérieurs.


Frustré de n'avoir pu tirer quoi que ce soit de leur unique piste, Menduil travailla bien après que les autres Justiciars furent rentrés chez eux, remplissant les formulaires et ratissant au peigne fin tous les indices qui auraient pu leur échapper. Ce fut un visage familier qui vint interrompre sa besogne acharnée.


— Tu as décidé de rester vivre ici en pension complète ?
— Ancarion !, le salua Menduil en relevant la tête. Le travail n'attend pas, tu sais. Et toi, qu'est-ce que tu fais encore là ?
— Je viens m'assurer que mon ami ne se tue pas à la tâche. Qu'est-ce que c'est que tout ça ?, demanda-t-il en désignant la montagne de parchemins étalés sur la table.
— Mon enquête. Le Capitaine m'a donné la direction d'une affaire de cambriolages. 


Ancarion émit un long sifflement impressionné.


— Eh bien ! On te prend au sérieux à ce que je vois. Je comprends mieux pourquoi tu es encore là. Mais tu ne vas pas être en retard pour la réception ?
— C'est ce soir ? Oh par Auri-El, quelle plaie… Avec tout le travail qui m'attend…
— Allons, ça ne peut pas te faire de mal et  il y aura certainement cette charmante demoiselle que tu avais déjà aperçue l'autre fois.
— Quelle demoiselle ?, se hasarda Menduil en baissant subitement le nez sur ses papiers.
— “Quelle demoiselle”... répéta son acolyte en levant les yeux. Celle qui t'a fait les yeux doux la dernière fois, enfin ! 
— Oui… Bon. Je te rejoins là-bas. Tu sais quoi porter ?
— J'attends cet événement depuis des mois, bien sûr que je sais quoi porter !


Se soustrayant difficilement à sa tâche, Menduil quitta finalement les bureaux de la Poursuite Divine pour aller se changer à la suite que l'ambassadeur, ancien ami de sa mère, lui avait gracieusement cédée, se réjouissant d'accueillir un membre de la famille de Cynriel dans ce qu'il qualifiait de son “humble demeure”. C'était ainsi que s'exprimaient les personnes particulièrement fortunées qui voulaient faire preuve de modestie au Couchant, mais le logis qu’occupait Menduil n'avait rien à envier à la plupart des plus riches maisons d'Alinor.


Ce soir là, se donnait un bal organisé par un consul très apprécié de la bonne société, ravi d'étaler le récit de ses voyages auprès de ses “amis”, pouvant prétendre à ce titre toute personne assez réputée ou assez fortunée pour participer à la fête. De par ses liens familiaux, Menduil ne faisait pas exception et il se pliait à la coutume de représenter sa famille lors de ces occasions, non sans une pointe d'orgueil. 
Il retrouva rapidement son ami qui l'attendait parmi les nombreux convives. Électron libre, Ancarion, de par son statut de simple bourgeois, présentait des difficultés à se faire accepter par la noblesse d'Alinor, mais, au fond, Menduil savait que la véritable raison était imputable à son manque de manières et à sa méconnaissance évidente de l'étiquette. Il n'évoluait pas avec la même aisance que ses pairs dans ce monde plus codifié encore que tous les autres et commettait de nombreuses bévues sans même s'en rendre compte. Aussi, Ancarion ne le quittait jamais d'une semelle, profitant du rayonnement de son assurance pour se rapprocher des invités et faire valoir sa position.
Il le salua chaleureusement. Trop, en de telles circonstances, songea Menduil. Mais il ne dérogea pas à la courtoisie de mise.


Chapitre IV 902a8c10


— Ancarion. Tu es très élégant.
— N'est-ce pas ? J'ai mis le prix fort pour cette tenue, j'espérais bien qu'on la remarquerait !
— Si j'étais toi, j'éviterais de dire cela. Parler d'or est rarement bienvenu dans le monde. As-tu déjà rencontré quelques personnes ? 
— Je ne les ai pas saluées, mais j'ai aperçu ta chère dame Faenyor.
— Pour la dernière fois, Ancarion, ce n'est pas ma dame. Et je la soupçonne plus de s'intéresser à moi pour la fortune de notre famille. Tout le monde sait que la sienne connaît des temps difficiles.
— Oh, allons Menduil, il ne faut pas voir le mal partout ! Et puis, quand bien même, on ne pourrait pas lui reprocher de vouloir le meilleur…, se justifia Ancarion, d’un ton soudain moins assuré.


Nombreuses étaient les personnes qui disaient de lui qu'il n'était qu'un parvenu, entretenant son amitié avec Menduil dans le seul but de mettre la main sur une riche héritière. Mais Menduil se fichait des commérages. Au bout du compte, Ancarion était un fidèle serviteur du Domaine. Et ces personnes là étaient les plus loyales à ses yeux. 
Ils s'avancèrent dans la salle, saluant au passage les personnes que Menduil reconnaissait, les présentant à son ami qui finit par l’abandonner pour discuter avec un ancien militaire, engagés dans une conversation autour d’anciens affrontements, Ancarion n’hésitant pas à mettre ses ancêtres en valeur. Il ne resta pas seul bien longtemps cependant, car la fameuse dame Faenyor vint le trouver, accompagnée d’une de ses amies.
Si dame Faenyor n’était qu’exubérance, portant une robe rouge aux entrelacs complexes, chargée de dentelles et de froufrous, ses cheveux relevés en un épais chignon dans lequel une grande quantité de perles avaient été glissées, attirant la lumière autant qu’un phare, la femme qui l’accompagnait brillait d’un charme plus discret. Chacun de ses mouvements délicats paraissait posé avec soin, tout comme chacun de ses pas dont on eut dit qu’il se fut posé sur un écrin de neige, tant ils n’émettaient le moindre son ni ne causaient la moindre brusquerie à sa démarche. L’organza de soie bleue flottait comme un voile éthéré autour d’elle et deux perles à ses oreilles suffisaient pour révéler sa nuque délicate et ses yeux verts. Tout du moins, c’eut été ce qu’aurait songé Menduil si son cœur avait été empli d’une quelconque poésie. Mais sans même que les mots montèrent à son esprit, cette vision suffit à lui faire perdre tous ses moyens pour la toute première fois, à tel point qu’il peina à entendre les paroles prononcées d’un ton avenant par dame Faenyor.


— Pardonnez-moi, dame Faenyor, qu’avez-vous dit ?


Elle s’esclaffa.


— Dieux, les hommes ont toujours la tête ailleurs ! Je vous prenais pourtant pour une personne bien ancrée. Vous aviez l’air si sérieux, Menduil, je me demande bien à quoi vous songiez ! Je vous présentais mon amie, dame Loralia de Gardeciel.
— Enchantée, Menduil, poursuivit Loralia dans un sourire, d’une voix si douce qu’il peina à l’entendre. Ne vous en faites pas, moi aussi, je suis si souvent absorbée par mes pensées que j’en oublie ce qui m’entoure.


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— Loralia est une artiste ! C’est pour cela que notre monde lui semble bien insignifiant.
— Oh, Faelynor, tout de même… Je n’irais pas jusqu’à dire cela, rougit Loralia, sa voix devenant plus ténue encore.


Menduil reprit finalement possession de ses moyens, ignorant la remarque de Faelynor qui semblait déstabiliser son amie.


— Gardeciel ? Vous n’êtes pas originaire du Couchant ?
— En effet. Mes parents sont nés ici, mais ils ont immigré en Auridia avant ma naissance. Ils ont estimé qu’il était temps pour moi de voir le monde.
— … Il aurait été dommage qu’ils privent le monde de cela, concéda Menduil en glissant un regard vers elle.


Elle le lui rendit, le déroutant par la profondeur qui rejaillissait derrière ses pupilles, un sourire charmé à ces propos, elle demeura néanmoins silencieuse. Faelynor se sentit obligée de combler ce vide.


— Et vous cher Menduil ? Comment se passe votre travail ? 
Sans lui laisser le temps de répondre, elle poursuivit, adressant une aparté à son amie.
— Un homme comme Menduil n’aurait guère besoin de travailler au vu de son patrimoine familial, mais il a choisi de se dévouer à un poste fort éprouvant au sein de la Poursuite Divine, annonça-t-elle avec fierté.
— Voilà qui est très courageux, approuva Loralia.
— Il n’est nul besoin de courage quand la cause est assez juste. 
— Et en quoi croyez-vous, Menduil ?
— Je suis bien d’accord avec vous, Menduil, s’exclama Faelynor en parlant un peu plus fort que Loralia. Je pense personnellement qu’il y a trop peu de personnes dévouées à des causes. 
— Oui, en parlant de cela, Fely, ma douce, j’ai aperçu ta chère grand-tante, il me semble qu’elle peinait à monter les marches, peut-être devrais-tu montrer ta dévotion et aller à son secours ?, suggéra Loralia d’un air affecté.
— Vraiment ? Oh… Oui, oui, bien sûr, j’y vais sans plus attendre.


Voyant dame Faelynor danser un instant sur ses pieds, hésitante, avant de s’élancer vers le hall dans de petits pas pressés, Loralia retourna finalement un petit regard espiègle vers Menduil.


— Pardonnez-moi… J’ai senti qu’elle vous incommodait. 
— Vous avez menti ?, s’ébahit Menduil.
— Rassurez-vous, je ne fais cela qu’en cas d’extrême nécessité. J’avais oublié me trouver en présence d’un Justiciar. Allez-vous m’arrêter ?
— Je suppose que s’il est un mensonge que je puis vous excuser, c’est bien celui-là, convint-il en lui rendant son sourire. Je ne peux imaginer qu’une personne telle que vous soit animée de quelque mauvaise intention.
— Et qu’est-ce qui vous fait dire cela ? Je pourrais être une effroyable criminelle…, fit-elle en effectuant quelques pas de côté, suivant le rythme de la musique provenant de la salle de bal en contrebas.
— Je fréquente des criminels chaque jour. Et vous n’en avez guère l’apanage.
— Alors de quoi ai-je l’air ?


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Il la dévisagea un long moment, dérouté. Il était tout à fait certain n’avoir jamais croisé son pareil.


— Douce, ma dame. 
— Comme la plus délicate des fleurs !, s’exclama une voix dans son dos. Notre monde voit parfois apparaître des merveilles aussi rares que somptueuses.

S’approchant de Loralia, l’homme aux longs cheveux d’un blond satiné et à la tunique raffinée s’inclina bien bas, tendant une main gantée dans laquelle elle déposa la sienne avant qu’il ne souffle délicatement sur la peau fine avec plus d’élégance qu’un prince. Loralia adressa un regard gêné et intrigué à Menduil qui semblait s’être déconfit sur place. 


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— Elimon, pour vous servir. Ma dame ?
— Loralia. Enchantée de vous rencontrer.
— Loralia. Votre charme est enchanteur, ce soir. Vous a-t-on déjà dit combien ces perles mettent en avant vos yeux verts ? Par les dieux ! Quelle apparition !


Loralia baissa les yeux, touchée. Menduil, lui, fulminait.


— Elimon. Puis-je savoir ce que tu fais là ?
— En voilà une manière d’accueillir son frère ! Cela fait des mois qu’il ne m’a point rendu visite et il me rabroue d’une manière si peu courtoise. Tu m’as manqué, petit frère, voilà tout ! Il a si mauvais caractère, par moments. Mon petit frère a toujours été d’un naturel jaloux, pourtant… il n’a rien à m’envier, je n’ai jamais compris, minauda Elimon d’une manière trop convaincante pour que quiconque d’extérieur puisse songer à du sarcasme.
— Vous semblez tous deux être dotés de qualités très différentes, pourtant, soutint Loralia.
— Une défenseuse de la paix ! C’est admirable !, s’enthousiasma Elimon. Oui, au fond, vous avez raison. Il est la personne sérieuse de la famille, responsable, droit… et je suis le plus amusant. Et aussi le plus séduisant, ajouta-t-il, faisant apparaître une rose de la même couleur que sa robe pour la lui tendre.


Lorsqu’elle la prit entre ses doigts, elle s’évapora en une nuée de minuscules papillons luminescents, sous son regard ébahi. 
Menduil profita de cet instant pour saisir vigoureusement son frère par le bras, la mâchoire tendue par l’irritation. Il murmura entre ses dents.


— À quoi tu joues, bon sang ?


Elimon sembla se réjouir de cette réaction.


— Tu sais bien que je ne mange pas de ce pain là… Ne peut-on plus s’amuser ?, chuchota-t-il, narquois, avant de reprendre à voix haute. Ne t’en fais pas petit frère, je voulais seulement être agréable à la charmante personne qui t’accompagne. Il est si rare qu’on te voie avec une femme. Et je voulais prendre des nouvelles.
— Il n’y a guère grand-chose à en dire.
— Oh allons, je suis sûr que cela intéresserait la belle dame Loralia d’en savoir plus sur ta noble activité de Justiciar, n’est-ce pas ?
— Bien sûr, cela semble tout à fait captivant. Je suppose que c’est loin d’être comme les romans le disent ?
— Oh Menduil ne lit pas ce genre littéraire, mais il paraît qu’il est envoyé sur des affaires tout à fait similaires aux enquêtes que l’on peut lire, pas vrai ?
— Je suppose. Je travaille sur une enquête de cambriolages en ce moment.
— Ce ne seraient tout de même pas ces cambriolages dont tout le monde parle ?, s’enthousiasma son frère avec trop d’entrain pour que ce fut naturel.
— Si, en effet.
— Et vous avez une piste ?
— Nous en avons plusieurs. Nous avons arrêté un voleur, mais ce n’est pas lui qui est à la tête de l’opération. Mais nous aurons tôt fait de mettre cette personne derrière les barreaux. Elle se croit certainement très maligne comme ils le sont tous, mais au bout du compte, c’est ce qui cause leur perte.
— Voyez-vous ça ! Tu parles comme un véritable enquêteur, mon frère ! Et alors, quel est le… mobile ? C’est bien cela le terme, non ?, demanda-t-il en prenant Loralia à l’appui.
— Oui, oui, il me semble !
— Je ne peux rien dire à ce sujet. Nous entrons dans les détails confidentiels de l’enquête.
— Confidentiel !, répéta Elimon. Par les dieux, on s’y croirait. Il est beau de voir à quoi tu consacres ton temps, mon frère. Je ne peux me vanter d’avoir une activité aussi trépidante…
— Que faites-vous dans la vie, Elimon ?, demanda poliment Loralia.
— J’étudie les arcanes de l’Illusion. Et je m’occupe de notre cher père. Il est courant que ce soit là la tâche du fils cadet, mais mon petit-frère voulait poursuivre son rêve, alors…
— C’est toujours beau de voir une famille qui se soutient ainsi, admit Loralia, en adressant un regard encourageant à Menduil qui aurait pu assassiner son frère du regard si ses yeux avaient été des lames.
— Vous aspirez à fonder une famille, dame Loralia ?, questionna Elimon, ignorant toutes les convenances.
— Certainement, oui. Il ne serait, je pense, de plus beau cadeau que d’avoir un enfant, si vous voulez mon avis. Leur curiosité est une fraîcheur qui m’a toujours apporté tellement de joie.
— Dans ce cas, je vous souhaite que votre rêve se réalise, chère dame…


Elimon releva subrepticement les yeux, avant de redresser le buste, prestement, adressant un regard à son frère.


— Je ne vais pas vous incommoder plus longtemps. Je dois aller saluer quelques amis. Dame Loralia… Menduil.


En passant à côté de son frère, Elimon se pencha légèrement à son oreille pour murmurer.


— Tu devrais l’épouser, mon frère. Lui faire de beaux enfants. C’est à peu près tout ce que tu pourras apporter à notre famille. Rassure-toi, je te la laisse. Mais seulement parce que… Tu me fais un peu de peine.
— Va en Oblivion, cracha-t-il entre ses dents alors que son frère quittait le balcon, de son air le plus triomphant.


Se contenant du mieux qu’il pouvait devant Loralia, il se sentit soudain submergé par la gêne de s’être ainsi laissé aller devant elle. Il baissa les yeux au sol, pantois.


— Je suis navré pour ce spectacle.
— Il ne le faut pas, fit-elle doucement en s’approchant de lui, rehaussant son visage en plaçant sa main aux doigts fins sous son menton. Il est peut-être plus exubérant. Mais tout artiste sait que la nuance apporte la finesse à une œuvre. 
— Que voulez-vous dire ?
— Que j’apprécie la vulnérabilité derrière votre armure… Elle apporte de l’éclat à votre personne.
— Vous aimez cela ?
— Cela vous étonne ?
— Je suis certain de n’avoir jamais croisé votre pareil, dame Loralia. Ce n’est pas à quoi mes pairs m’ont habitué.
— Vous plairait-il d’en discuter ? L’air est étouffant ici. Et les jardins sont magnifiques.


Menduil la toisa longuement. La douceur n’avait jamais vraiment fait partie de sa vie. Mais cette femme semblait apaiser chacun de ses tourments par sa simple présence. La réponse lui parut évidente.


— Avec plaisir.


Chapitre IV Fbf88f11

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