L'Ordre des Lys et du Serpent
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XXV - Sang de mon sang Empty XXV - Sang de mon sang

Ven 29 Sep - 15:28
Naturellement, Violette eut quantité de questions, dont certaines, pour la grande surprise du mage, demandaient une réflexion plus poussée qu’il ne l’avait imaginée. Répondre à “est-ce que Mélicendre et toi, vous êtes mes nouveaux Maman et Papa ?” se révéla pour Aesril plus vertigineux que jamais et il éluda la question en répondant qu’ils allaient prendre soin d’elle et s’assurer à ce qu’elle soit heureuse et bien éduquée, ce qui ne contenta l’enfant qu’à moitié, car elle reposa plusieurs fois la même interrogation avec autant de verve et d’enthousiasme que les huit premières fois. Aesril lui expliqua cependant volontiers où elle se trouvait et que retourner à Nimbe-Rivière était impossible et lorsque la petite-fille commença à l’interroger sur les divinatrices, il crut bon d’aller retrouver Aeva.
Violette l’avait suivi dans le sanctuaire, accrochée à son petit doigt et à son annulaire - sa main si haute qu’elle semblait inatteignable - trop apeurée par cet univers étranger pour s’éloigner du mage d’une semelle et lorsqu’elle avait retrouvé la mère de Mélicendre, le soulagement de revoir un visage familier la poussa à abandonner la présence rassurante de son géant pour se précipiter dans les bras d’Aeva, lui exprimant sa joie de la revoir.


Bien entendu, celle-ci ne tarda pas à questionner Aesril au sujet de sa fille et de son entrevue avec la mère des clans, le mage révélant, non sans dissimuler son aigreur, le nouvel ultimatum que l’on imposait à Mélicendre. L’impatience de Violette et ses incessantes questions pour comprendre ce qu’il se passait mirent les deux aînés d’accord : il était temps pour l’enfant qu’Aeva et Sera lui parlent des clans et de son nouveau foyer. C’est ainsi que Mélicendre retrouva sa mère et la doyenne au beau milieu d’une leçon de la plus haute importance, la petite fille assise en tailleur écoutant activement ce qu’on lui racontait, pendant qu’Aesril, les bras croisés dans le dos, suivait lui aussi avec grand intérêt cette petite leçon improvisée.


— … Est s’est pour cela, jeune fille, qu’il ne faut jamais interrompre la mère des clans, Saphia, la dame avec les cheveux blonds et les yeux marron, là-bas, expliqua Sera en désignant Saphia de la pointe du menton, tandis qu'elle s’était assise sur une petite bûche servant de banc. Ainsi, nous lui devons toutes et tout le respect qu’il convient à son statut de cheffe. Si tu as des questions, tu devras les poser à Aeva, qui est la cheffe de ton clan, à présent. C’est elle qui s’occupera de ton éducation sur notre peuple et la pratique de la magie et tu viendras ici quotidiennement pour participer à l’apprentissage commun avec les autres jeunes filles. Bien-sûr Aesril, vous y êtes le bienvenu, cela ne vous ferait pas de mal d’apprendre deux trois choses utiles, maintenant que vous vivez ici… termina la doyenne en lançant un regard de biais au mage. 


Aeva pinça les lèvres et détourna son regard en étouffant un rire moqueur, les bras croisés sur sa poitrine, debout aux côtés de Sera. La remarque ne décrocha cependant aucun sourire au mage qui se contenta de baisser les paupières avec flegme.


— Recevoir un enseignement magique ? Moi ? Avec les enfants ? Vous savez que je suis Sapiarque, non ?
— Est-ce que les Sapiarques possède nos usages concernant notre magie ? Ou ont-ils eu vent de nos coutumes, Hum ? Cela me semble peu probable… 
— Sera a raison Aesril, même si cela n’est pas une obligation, certains enseignements pourraient vous intéresser, renchérit Aeva dans un sourire amusé.  


Soucieux de lui signifier ce qu’il pensait de cette trahison, le mage adressa un regard courroucé à Aeva, avant de tourner la tête vers Sera. 


— Peut-être viendrai-je écouter un jour.
— Oh oui, Asril ! Tu viendras avec moi !, s’enthousiasma Violette.
— Tout ceci est ridicule… grinça-t-il entre ses dents, à voix basse, dissimulant sa curiosité sous une couche épaisse d’âpreté.


Mélicendre s'approcha du petit groupe l'esprit légèrement embrumé, elle inspira l'air par le nez et afficha un sourire satisfait en voyant Aesril et Violette suivre l'enseignement de Sera et Aeva.


— Vos nouveaux élèves sont-ils studieux ? Lâcha-t-elle en se joignant à eux. 
— Je dirais que seul le temps nous le dira. Répondit la doyenne avec une légère lassitude dans la voix.


Aeva lança un regard inquiet à Mélicendre et s'approcha d'elle d'un pas. 
— Tout va bien ? 
— Je peux vous parler à tous les deux ?, poursuivit Mélicendre vers Aeva et Aesril. 


Le mage hocha la tête en signe d’assentiment, se dirigeant vers Mélicendre avec appréhension.


— Poursuis ta leçon, Liliveyn tili (petit pinson), conseilla Aesril à la petite fille. Nous revenons dans un instant.


Il baissa la voix pour interroger la divinatrice.


— Alors… Comment cela s’est-il passé ?


Elle s’éloigna, suivie d’Aeva, et du mage et inspira en se tournant vers eux dans une moue crispée.
— Aesril t’a expliqué, Mère ? 
— … Oui, soupira Aeva avec lassitude. Je suis navrée que Saphia vous pousse à nouveau au pied du mur. 
— Visiblement Saphia n’est pas totalement en faute, les anciens ont… Apparemment des projets pour nous. Mais quoi qu’il en soit, j’ai pris ma décision, expliqua Mélicendre. 
— Anciens, dieux ou divinatrices, j’aimerais qu’on me laisse libre de décider de mon destin…, marmonna Aesril avec humeur. Et quelle décision as-tu prise ? Était-ce aussi terrible que prévu avec cette Gloria ?
— Gloria est… Toujours fidèle à elle-même oui. Mais nous avons trouvé un intérêt commun et une sorte d’accord…  


Mélicendre fronça les sourcils et pinça les lèvres quand une voix inaudible du mage et d’Aeva vint l’interrompre. 
— La vérité, c'est que Gloria nous est indispensable, qu’elle est incroyable et que j’aurais dû l’écouter bien plus tôt ! Vas-y ma belle, dit le leurs… 
— … Gloria !, grogna la divinatrice entre ses dents
— Si on ne peut même pas demander un minimum de reconnaissance ! Humpf, je m’en vais, le message est bien reçu, oui, tout à fait ! Je t’ai déjà dit qu’il avait du charme ton “Beau mage”, deux cents siècles de moins et crois-moi… Bon ça va… Je te sens bouillir d’ici, calme-toi ma chérie, je plaisante… 


Le visage de Mélicendre s’était transformé dans un mélange de colère pincé et d’une infliction légère, elle redressa la tête subitement. 
— Accord… Qu’elle s’efforce de suivre au mieux, je suppose…, soupira-t-elle d’un air las. 


Aesril dévisagea la divinatrice avec circonspection.


— Je devine qu’elle a la langue bien pendue… Et quel genre de projets les ancêtres ont-ils pour nous ?
— … Crois-moi s'il n'y avait que sa langue encore fonctionnelle, je m'en sortirais bien mieux… Elle leva les yeux au ciel en se frottant les tempes. Je vous en ferai part plus tard, pour le moment je dois t'expliquer le rituel… Nous n'avons que peu de temps avant que Saphia commence à réunir tout le monde. 
— Tu as raison Mélicendre… Je vais me charger de Violette, je pense qu'il serait plus sage qu'elle n'y assiste pas… pour son bien, elle est trop jeune et pas assez instruite à nos coutumes pour comprendre, intervint Aeva en hochant la tête. Je vous rejoindrai pour vous accompagner Aesril. 


Il hocha de nouveau la tête, serrant la mâchoire au souvenir du rituel auquel Mélicendre avait déjà dû se confronter, ainsi que celui durant lequel Aeva s’était vue ôter ses pouvoirs. Dans cet univers où les symboles représentaient une magie à part entière, ces femmes ne lui avaient pas donné l’impression de faire preuve de modération dans leurs coutumes. Il pressa une main douce contre les reins de Mélicendre dans un geste réconfortant.
— Entendu. Je pense que la petite a bien mérité un repas, elle aussi. Elle a la peau sur les os.


Aeva offrit un sourire au mage tout en appuyant ses propos d’un hochement de tête.
— Je suis bien d’accord, je suis certaine que notre ragoût de carottes sauvages et de lièvre lui fera le plus grand bien. 


La divinatrice s’approcha de la fillette se mettant à sa hauteur et affichant un large sourire. Elle offrit un signe de tête à Sera, lui signifiant qu’elle pouvait aller se préparer et qu’elle reprenait la relève. 
— Tu as faim Violette ? Je pense que tu as appris assez de choses pour aujourd’hui, ça fait beaucoup en une seule journée.  
— Oh oui, j’ai très très faim ! Et j’ai mal à ma tête… Asril et Méli…dre vont venir manger avec nous ?, demanda-t-elle en jetant un regard vers le couple en pleine discussion.


Elle lui prit la main pour l’entraîner avec elle dans leur petite tente de fortune.
— Non, Aesril et Mélicendre sont grands, tu sais, ils prendront leurs repas plus tard. En attendant nous allons nous occuper de ce petit ventre que j’entends crier famine de là et de ta tête, elle lui offrit un petit pot en terre cuite remplit d’eau et commença à faire réchauffer le ragoût. 


La petite fille observait les lieux avec intérêt et ne perdait pas une miette des mouvements d’Aeva, lançant parfois des petits coups d’œil inquiets vers le mage et la divinatrice.


— Alors c’est vraiment vrai ? Je reste avec vous pour toujours ?
— En effet, cela t’inquiète ? demanda Aeva avec bienveillance, tout en lui tendant le petit bol de ragoût fumant que Violette attrapa de ses deux mains, avec de grands yeux ronds.
— Vous êtes sûre que je peux rester ? Est-ce qu’il y a assez à manger pour moi ? Papa disait toujours qu’il allait m’abandonner si je mangeais trop… J’ai le droit de manger tout ça ?


Aeva pinça les lèvres, inspirant l’air bruyamment avant de s’asseoir à côté de Violette sur la paillasse. 


— Regarde autour de toi, mon enfant. Nous mangeons des choses simples, nous prenons garde à ce que cela ne soit jamais trop et surtout, nous mangeons ce que la nature nous offre. Aujourd’hui, nous avons du ragoût de carottes sauvages et du lièvre, c’est une chance et nous pouvons nous permettre de le partager entre nous toutes. Il arrivera que la nourriture manque, mais jamais au point de laisser l’une d’entre nous mourir de faim. Tu comprends ? Et si c'est le cas, nous trouverons un autre lieu comme celui-ci qui regorgera de gibier, de fruits et de tout autres choses délicieuses. Mais pour l’heure, profite de ce qu’il y a dans ton bol Violette, il est pour toi, ensuite, nous te trouverons une tunique pour la nuit et je te borderai, expliqua-t-elle avec tendresse. 


Les yeux de la petite, rivés éperdument sur Aeva, s’emplirent aussitôt de larmes et elle serra fort le bol entre ses mains, les lèvres agitées d’émotion.


— Personne a jamais été aussi gentil avec moi, Madame Aeva… Merci beaucoup !


La doyenne glissa une main dans ses cheveux et passa une phalange sous les yeux humides de la fillette avec douceur. En un sens, ses moments avec Violette la transporter au temps qui lui semblait si lointain et presque intouchable de la jeunesse de Mélicendre, ses petits chagrins, ses craintes et ses peines d’enfant sensible, le cœur pincé et ajouta avec sérieux. 


— Je suis contente de ta présence petite Violette. Maintenant mange, sinon ça va être froid. 


Elle ne se fit pas prier et se laissa tomber sur le sol pour se jeter sur son repas, comme si elle craignait qu’un de ses frères allait encore venir le lui voler. Ses pensées ne pouvaient s’empêcher de dériver vers Dany, son plus jeune frère. La pensée qu’elle ne le reverrait peut-être jamais lui serra les entrailles, alors elle se rassura en avalant une autre grande cuillerée de ragoût réconfortant et tourna son regard vers le couple au loin.


— Dis, Madame Aeva, est-ce qu’ils sont fâchés ?


Elle se tourna vers le couple qui avait une discussion animée au loin.
— Non… Ils ne le sont pas, ce sont des histoires de grandes personnes… répondit-elle en tentant de détourner son attention tandis-que, tout autour, les femmes commençaient à s'attrouper devant le grand feu. As-tu fini ton bol ? 
— Oui ! Mais je suis grande, tu sais, je comprends plein de choses ! Qu’est-ce qu’il se passe ?, insista-t-elle en se grandissant sur la pointe des pieds, tout en pointant du doigt le brasier central.
— Peut-être, mais plus-tard. Pour le moment, je veux que tu enfiles ceci et que tu te mettes au lit. Nous en reparlerons demain quand tu seras bien reposée et en forme pour les leçons. 


Elle posa ses mains délicatement sur les épaules de la jeune fille pour l’apaiser et reprendre le calme du coucher tout en lui tendant un linge brun formant pour Violette une sorte de chemise de nuit un peu trop grande pour elle. La petite abdiqua tout en continuant de jeter des regards intrigués vers les femmes qui se rassemblaient, excitée à l’idée que quelque chose se préparait et par toutes ces nouvelles choses qu’on lui montrait. Soudain, lui parlait-on de magie, de voir l’avenir, de faire partie d’un clan composé uniquement de femmes… À l’exception d’Aesril, bien sûr. Cela suscitait tans de questionnements dans son esprit déjà fertile et foisonnant. Cependant, trop impressionnée par tous ces changements, elle n’osa pas protester, bien que l’envie fut grande. La crainte de se voir punir ou qu’ils reviennent sur leur décision la taraudait trop pour le moment.


— D’accord, Madame, capitula-t-elle non sans cacher sa déception tout en enfilant sa tunique.
— Aeva… Ma chérie, juste Aeva. Ce genre de politesses sont superflues chez nous, il faut les garder pour Saphia. Tu peux l'appeler mère des clans et pour les doyennes comme moi, si tu veux être polie, tu peux dire cheffe de clan, expliqua-t-elle en l'aidant à se revêtir et entrer dans les couvertures. 
— Aeva !, répéta-t-elle, scrupuleusement tout en s’installant dans le lit, non sans tressauter d’excitation. Dis Aeva, pourquoi il y a que des filles, ici ?
— Ça, c'est une très bonne question Violette !, fit Aeva en remontant la couverture jusqu'à son menton. Aimerais-tu que je te raconte une légende ? Celle qui parle de cela justement ? Commença-t-elle en baissant la voix. 
— Oh oui ! Mais alors pourquoi il y a que des filles ? Est-ce que ça veut dire qu’Asril est pas vraiment un garçon ?


La divinatrice lui sourit avec tendresse.
— Aesril est particulier. Les clans l'acceptent parce qu'il nous a été d'une grande aide par le passé, même si c'est un homme, disons que c'est une exception. Il n'y a uniquement que des femmes ici grâce à notre ancêtre, une grande divinatrice, la toute première présente sur Nirn, elle s'appelait Iphara, expliqua Aeva d'une voix paisible. 
— Iphara…, répéta l’enfant avec fascination. Elle aimait pas les garçons ?
— Eh bien, figure-toi que si. Elle connut beaucoup d'hommes, car c'était une femme d'une grande beauté et dotée de talents magiques incroyable, le don de voir le passé, le présent et l’avenir. Elle connut sept hommes qui l'ont abandonné avec ses sept filles, mais son dernier mari, lui, prit peur de ses pouvoirs et décida de répandre une affreuse rumeur. Il cria à qui voulait bien l'entendre qu’Iphara était une affreuse personne, une femme terrible qui l'aurait ensorcelé. Trahie, Iphara et ses sept enfants ainsi qu'un nouveau furent chassées par les villageois. Elle pria les divins de toutes ses forces les implorant de lui venir en aide, car la pauvre femme venait de tout perdre, elle n'avait plus d'or, plus de mari, plus de toit sur la tête, mais il lui restait une chose : ses filles adorées.
— Ça fait beaucoup huit enfants ! À la maison, on était cinq et maman avait du mal à faire à manger pour nous tous. Comment elles ont fait pour manger ?
— Elle utilisa ses dons sur l’homme qui l’avait trahi pour lui voler son or. Elle fit construire une roulotte, acheta des vivres et deux poules pondeuses et s’enfuit avec ses enfants à la recherche d’un lieu incroyable où elle ne serait plus jamais chassée et où elle et ses filles pourraient vivre en paix. C’est à cause de cette trahison qu’Iphara, la toute première divinatrice, grande mère des clans, interdit à jamais la venue des hommes dans les clans, par peur et par amour pour ses filles. Car plus tard, elles aussi, développeraient des dons et elles aussi feraient peur aux hommes, Iphara ne voulait pas que le schéma de son histoire se répète et que ses filles souffrent. Elle lança un regard à Mélicendre au loin, le rituel n’allait plus tarder.  


La petite parut en proie à d’intense réflexions.


— Est-ce que ça veut dire que tous les hommes sont dangereux ? Moi non plus, je ne veux pas qu’ils me fassent du mal !
La divinatrice passa une main dans les cheveux de violette dans un léger sourire attendri.
— Non… Non Violette bien-sûr que non. Seulement certains ne peuvent pas comprendre ce que sont et représentent les divinatrices et quand on ne comprend pas quelque chose on essais de la changer ou de le contrôler. Les hommes ne sont pas tous mauvais, mais Iphara a tellement souffert de son passé et de ses trahisons qu’elle a transmises sa peur à ses enfants et ainsi de suite jusqu’à nous aujourd’hui. Il y a des hommes bon et mauvais, comme il y a des femmes qui sont bonnes et mauvaises. Nous devons nous préserver et nous protéger, mais vivre dans la peur, surtout quand cette peur n’est pas la nôtre, n’apporte rien. Aesril en est la preuve et bien d’autres hommes nous sont venus en aide récemment avec de bonnes intentions… Ce que tu dois retenir de cette histoire, c’est qu’une peur peut disparaître une fois comprise et qu'un homme n’en vaut pas cent à valeur égale. Maintenant, il faut dormir, jeune fille, conclut Aeva qui sentait bien que piquer la curiosité de la fillette n’était peut-être pas la meilleure solution avant de la mettre au lit.  
— … D’accord, bredouilla Violette qui s’efforçait de comprendre, mais dont le visage confus affichait clairement ses nombreux questionnements. 


Soudain, sa tête lui parut lourde de concepts et d’idées abstraites et nouvelles et la couverture lui parut d’autant plus confortable. Elle se sentait perdue dans ce monde dont elle ne connaissait rien et où chacun semblait doté de pouvoirs incroyables. Elle se lova un peu plus sous la couverture tout en bâillant.


— J’espère que moi aussi j’aurai des pouvoirs magiques, un jour. Pour être très très forte, comme tout le monde ici.
Elle lui offrit une caresse sur la joue avec douceur.
— Seul l’avenir nous le dira, douce Violette… Fais de beaux rêves.  
— Bonne nuit, Aeva. Vous serez là quand je me réveillerai, hein ?
— Bien-sûr, nous serons tous là… Endors-toi sans crainte. 


Ce disant, Aeva se redressa le plus lentement possible et étira un grand paravent fait de bois et de tissage pour clore la tente. Elle se dirigea vers Aesril que Mélicendre avait laissé en retrait derrière l'attroupement de femmes. Elle posa délicatement sa main sur son épaule pour s'annoncer.


— La petite a fini par fermer les yeux… Comment vous sentez-vous Aesril ?


Il retourna brièvement son regard vers elle avant de détourner les yeux, les traits tirés. Aeva et lui avaient passé suffisamment de temps ensemble dans un espace restreint pour lire les inquiétudes derrière les affirmations assurées. Il ne chercha pas à tromper son mal.


— Combien d’épreuve devra-t-elle subir avant qu’on la laisse en paix ? Ce rituel… 


Il s’interrompit en soupirant, réalisant qu’il ne s’était pas préoccupé d’Aeva le moins du monde depuis leur arrivée. Pourtant, elle aussi avait besoin de repos. Le rituel pour soigner Mélicendre n’était pas si lointain.
— Merci. Pour Violette. … Et vous ? Comment vous sentez-vous ?, demanda-t-il, autant pour éluder les propos rassurants qu’elle pourrait lui prodiguer que par réel souci.


Elle étira les lèvres d'un sourire ingénu et s'avança pour prendre le bras du mage et murmurer.
— Nous commençons à bien nous connaître, vous et moi, Aesril, aussi je vais être honnête. Je suis profondément inquiète pour elle, morte d'inquiétude et je suis épuisée, mais je suis là et je suis avec elle, alors que j'ai crû ne jamais la revoir et même si nos quelques échanges sont… particuliers. Je suis heureuse de l'avoir retrouvée et qu'elle soit saine et sauve. En ce qui concerne ce rituel et tout ce que Mélicendre a enduré et doit encore endurer, croyez-moi, je partage vos sentiments. 


Aesril se rappela son vieux principe qu’il avait adopté bien longtemps auparavant et qui lui avait sauvé la mise bien des fois : ne jamais révéler entièrement son jeu. Mais avec Aeva, il ne voulait pas cacher ce qu’il était et ce qu’il pensait. Il se pencha à son oreille pour répondre.


— Garçon ou fille, à mes yeux, cela ne change rien. Ce sera mon enfant, quoi qu’il arrive.


Elle tourna son visage de moitié, croisant son regard d'un air ferme et assuré. C'était la mère qui parlait, la lionne prête à protéger au péril de sa vie.
— … Je suis d'accord, répondit-elle avec sérieux. Quoiqu'il advienne je suis avec vous.


Il plongea à son tour son regard dans le sien, détaillant son expression. Encore une fois, la loyauté d’Aeva le déroutait. Il pressa doucement son bras, baissant les paupières avec reconnaissance.


— Vous ne cessez jamais de me surprendre, mon amie, souffla-t-il en rabattant son regard vers le centre du cercle, un léger sourire aux lèvres.
— Nous ne sommes pas amis, Aesril. Vous êtes mon fils à présent et ne rendez pas la situation embarrassante en me parlant d'âge, vous savez très bien ce que je veux dire. 


Elle bascula son regard sur le centre à son tour. Les brouhaha et les échos avaient fini par se taire laissant place au chuchotement et aux rumeurs. De là où ils se trouvaient, Aesril et Aeva pouvaient voir Mélicendre et Saphia dans la tente. La mère des clans dévêtissait minutieusement Mélicendre tout en discutant et passant une huile sur ses bras et ses jambes. Croisant les mains dans son dos, Aesril ne lâchait pas la scène du regard, tout en analysant le comportement des autres femmes autour d'eux.


— Tant que vous ne me demandez pas de vous appeler "Mère"…, souffla-t-il en pinçant les lèvres d'amusement. Mais je vois ce que vous voulez dire. Vous êtes ma famille. Ce que je voulais dire, moi, c'est que je vous ai choisie. Je ne place pas grand-monde dans ce cercle, je dois dire. J'en suis le premier surpris, mais je me suis attaché à vous, vieille carne.
— Entre carnes, on se comprend donc… Avançons. Ça va commencer, chuchota-t-elle. 


Aesril leva les yeux au ciel avant de suivre son conseil, lui tendant son bras pour se diriger ensemble vers le centre du sanctuaire.


— Savez-vous qui va mener la cérémonie ? Saphia ?, questionna-t-il en s’efforçant du mieux qu’il pouvait de ravaler son appréhension.


Instinctivement, il redoutait l’idée que Famia et sa rancœur tenace puisse approcher de Mélicendre en un tel instant.


— Cette cérémonie est particulière, là où pour d'autres, nous sommes plusieurs cheffes de clans à être invités, celle-ci concerne seulement Saphia, elle, va créer le lien entre nos deux ancêtres qui apparaîtront. C'est assez rare et toujours impressionnant. Rares sont celles qui décident de pointer le bout de leurs nez, expliqua-t-elle consciencieusement.


Le mage hocha lentement la tête, sans quitter Mélicendre des yeux. Il avait la ferme intention de ne rien perdre de la cérémonie. S’il avait tout à apprendre, le moindre détail comptait.


— Comment vous sentez-vous ? Enfin, pour nous divinatrices apprendre le sexe d'un enfants de cette façon… c'est courant, mais chez les Elfes et pour les hommes, il me semble que cela s'apparente plutôt à une… Bonne nouvelle ?, hasarda Aeva.


Il baissa un regard surpris vers Aeva, haussant les sourcils.


— Homme ou femme, ce genre d’annonce n’est jamais une bonne nouvelle, car dès lors que ce fait est posé, le destin d’un nouveau-né commence déjà à être forgé par ceux qui sont à même d’en décider à sa place, répondit Aesril, une pointe d’amertume étreignant sa gorge. J’ai longtemps souhaité appartenir à une autre famille. Quelque part, peu importe à quel point on s’évertue à créer son propre destin, les vœux de nos parents nous rattrapent toujours. Et je sais que d’une certaine manière, quoi que je fasse, je ne pourrai jamais empêcher cet enfant, quel que soit son sexe, d’avoir une existence hors du commun.


Il pinça les lèvres en expirant profondément.


— J’admets que dans les deux cas, je n’ai aucune idée de ce qu’il convient que je fasse. Je n’ai jamais imaginé que j’aurais des enfants un jour… 
— Peut-être devriez-vous essayer de vous réjouir ? Cela fonctionne pour la plupart des gens… du moins devrions-nous essayer.
— Qu’est-ce qui vous fait croire que je ne me réjouis pas ?, objecta-t-il en basculant le buste en arrière. Je transpire la joie et la bonne humeur, comme à mon habitude. Je me réjouis d’impatience à l’idée de savoir si je vais élever une petite divinatrice qui va sûrement traverser, elle aussi, quantité d’épreuves ou si je vais devoir à nouveau livrer bataille pour protéger mon fils…


Malgré tout, une brève lueur vive vint éclaircir les pupilles du mage qui observait sa compagne avec une tendresse qui démentait son cynisme abrupt et son mur de sarcasme. Aeva leva les yeux au ciel dans un léger sourire.


— Je vois cela… Il me semble même avoir entendu les oiseaux du soir s’être mis soudainement à chanter devant votre réjouissance… Bien, nous verrons tout d’ici. 


Aeva posa sa main sur l’épaule d’une jeune divinatrice qui se tourna vivement dans un long échange de regards muet, celle-ci leur céda sa place. Au premier rang, Aesril et Aeva étaient accompagnés des autres cheffes des clans, le grand brasier éclairait le sanctuaire d’une lueur vive et réchauffait l’atmosphère. Les bavardages se turent alors que Mélicendre sortit de la tente suivie de Saphia. La divinatrice ne portait que son jupon en guise de lingerie, les seins nus et le ventre à découvert, sous son nombril la mère des clans avait tracé un sigil au charbon dans la langue des ancêtres et le front de Mélicendre était marqué d’une trace noire horizontale. Elle s’avança vers la foule les pieds nus, cherchant Aesril du regard, les lèvres crispés, elle forma les mots “Je t’aime” avant de s’agenouiller dans un cercle tracé dans la terre meuble, le visage rivé sur le sol. Saphia remplit un bol d’eau qu’elle vient verser sur les épaules de la divinatrice puis le remplit à nouveau. Pour lui signifier son soutien, le mage redressa la tête, posant son index et son majeur contre ses lèvres, dirigeant discrètement son geste vers la divinatrice, détaillant la scène avec humilité et admiration. Chaque fois que Mélicendre revêtait son courage, il ne la trouvait que plus belle. “Calaveyn ne seyr”, “Que ton destin soit doux.”, adressa-t-il sa prière en pensée, conscient du pouvoir des incantations demandées avec le cœur. Le temps semblait s'être arrêté en même temps que les gestes de la mère des clans, chaque divinatrice avait les yeux rivés sur Saphia observant le moindre de ses mouvements religieusement. Le bol dans une main, le bras tendu, elle fixait l'eau en psalmodiant dans un murmure une incantation avant de se placer sur le flanc gauche de la divinatrice au sol, Mélicendre s'allongea lentement en se faisant basculer en arrière et la mère des clans déposa le bol en équilibre sur son nombril. À l'aide d'un bâton, elle traça gracieusement, l'air ferme et sérieux, un cercle autour de Mélicendre qu'elle scella en faisant claquer le bois sur le sol en revenant face à l'assemblée. Saphia leva les mains au niveau de ses hanches, paumes vers le haut. 


— Divinatrices de Tamriel ! Aujourd'hui, nous procédons au rituel de l'aube. Exceptionnellement, celui-ci se fera en langue commune pour notre invité. Elle leva le menton en direction du mage et des trilles de femmes brisèrent le silence avant de s’évanouir. Il y a de cela plusieurs siècles, nos ancêtres furent confrontés à un chaos qui les brisèrent en prenant leurs vies… Une malédiction, un mal cruel et destructeur. De cette malédiction naquit un fait simple, une divinatrice ne peut donner la vie à un mâle sous peine d'y perdre sa vie et celle de l'enfant. Iphara, notre grande et toute première divinatrice, mon ancêtre, créa alors ce rituel pour que plus jamais l'une des nôtres ne périsse en donnant la vie. 


Les trilles reprirent de plus belle, accompagnées de claquements de mains et de cris aigus. Devant la scène du rituel, assise sur le sol, les jeunes sorcières, divinatrices en devenir, observaient et écoutaient attentivement. 


— L’homme, ce “mal cruel et destructeur”... Très original, maugréa Aesril dans sa barbe.


Aeva lui donna un léger coup de coude suivi d'un regard désapprobateur, même si la situation ne lui était pas agréable, elle n'en restait pas moins fidèle aux traditions. Saphia poursuivit et attrapa une dague que Famia lui apporta puis s'agenouilla à côté de Mélicendre. La mère des clans ferma les yeux, la dague en suspens sur l'abdomen de la divinatrice qui avait la sensation de manquer d'air, elle les rouvrit sous leur forme livide et récita.


— Chères ancêtres, divinatrices de l'aube, entendez notre appel. Que votre prédiction se fasse, que l'avenir soit dicté et que les clans soient sereins, par le sang de Mélicendre, l'avenir de son enfant est entre vos mains. 


Sur ses mots, Saphia entailla le ventre de la divinatrice, coupant le sigil en deux, le sang s'écoula, maculant le jupon de Mélicendre qui lâcha un râle de douleur, mais s’efforça de ne pas bouger, serrant les poings et griffant la terre sous ses mains. La mère des clans sortit du cercle et s'écarta. Le temps en suspens, seuls les gémissements de Mélicendre brisaient le silence. Aeva serra le bras d'Aesril la mâchoire crispée. La gorge serrée, l’air grave, le mage ne quittait plus la scène du regard. Plus la moindre remarque cynique ne s’échappait de ses lèvres, tant lui-même était pris dans l’instant dont il percevait la magie palpable autour d’eux, flot grondant plus puissamment qu’un torrent se fracassant sur les pierres. Malgré son appréhension, cette énergie pure et ancienne et la tension cérémonieuse que portaient toutes ces personnes autour de lui le transportait. Prêt à agir, lui aussi guettait la réponse des ancêtres. 
Une inspiration résonna contre les parois rocheuses, soudain l'eau dans le bol se mit à frémir et le sang de Mélicendre s'éleva dans les airs, lentement les particules de magie s'en imprégnèrent se teintant d'écarlate et devenant presque palpable, tangible. La forme s'élevait au-dessus du corps de la divinatrice qui, transpercée par la magie, ancrait ses doigts profondément dans le sol, les genoux et les jambes crispés, étranglant sa douleur, la bloquant dans sa gorge. Les femmes levaient les yeux, rivés sur le phénomène et dans un souffle, le sang mêlé à la magie de Saphia et de Mélicendre se mit à prendre forme, deux femmes teintées de rouge, d'émeraude et de turquoise apparaissaient clairement. D'un geste de la main de l’une et de l’autre, leur apparence se transforma, leur donnant chair et corps. 


— Bienvenue, chères ancêtres, salua la mère des clans en s'inclinant et se mettant à genoux, suivi de toutes.


Aeva attira Aesril sur le sol pour le forcer à en faire de même, celui-ci obtempérant finalement, jetant des regards déconcertés à cette assemblée si pieuse, avant de rabattre son attention sur les apparitions au-dessus d’eux, la main droite crispée en voyant Mélicendre encore soumise aux douloureuses épreuves des clans, et la gauche taquinant la magie autour d’eux. 


— Elle a mal…, murmura-t-il à Aeva entre ses dents.
— Ce n'est pas agréable, commença-t-elle. Les ancêtres ont besoin d'un ancrage pour procéder, le corps de Mélicendre sert à cet effet, ainsi que la magie de Saphia qui doit la traverser pour qu'elles puissent y avoir accès et celle de Mélicendre. Le sang et sa magie vont leur permettre de connaître le sexe de l'enfant, expliqua Aeva sentant la tension d'Aesril, elle savait que le mage était sensible au fait. 
— J’ai des yeux pour voir, je comprends ce qu’il se passe, rétorqua-t-il sans aigreur, trop absorbé par ses pensées pour peser ses mots. Elle me disait que c’était sans danger. Elle est déjà épuisée, ce genre de rituel… de la magie du sang, si tôt… C’est une aberration, grinça-t-il. 
— Heureusement que la carne que je suis n'a pas besoin d'être ménagée, répondit-elle, une pointe de tension dans la voix, les yeux rivés sur sa fille.


Les deux femmes posèrent les pieds au sol à l'intérieur du cercle. Vera avait de longs cheveux raides, châtain foncé, une peau dorée illuminée par de grands yeux plissés couleur d’ambre, tandis que Willa possédait une magnifique crinière massive et ondulée dans des teintes de marron froid rehaussé par un regard d’un vert intense, toutes deux étaient vêtues d’une longue robe écrue pincée à la taille et ornée de dentelle. Certaines jeunes filles, au premier rang, lâchèrent des petits cris de peur sur le moment, mais très vite rassurées par Famia et Sera qui se mirent à genoux pour apaiser leurs craintes et une fois les deux ancêtres sur leur forme tangible, les fillettes se calmèrent et les détaillaient avec fascination. Loin d’être transporté d’émerveillement, le mage aussi fixait du regard les femmes, les enjoignant par la pensée de parler et de parler vite. Elles posèrent leurs mains au-dessus du ventre de Mélicendre qui commençait à s’apaiser, la magie semblait plus stable, les yeux des ancêtres devinrent livides, elles se prirent les mains et de l’autre plongèrent leurs doigts dans la balafre ensanglantée avant de déposer le sang de la divinatrice sur le bout de leur langue, il y eut un instant de silence, les ancêtres et les femmes dans la pièce semblaient avoir cessé tous mouvements, Saphia en oublia sa tenue et avait croisé les bras sur sa poitrine les lèvres pincés quand les deux ancêtres se lâchèrent les mains pour se tourner vers la foule, leurs yeux reprenant leur couleur originelle, d’ambre et de forêt. Aeva pressa la main du mage et se bascula vivement à son oreille pour murmurer.



— C’est maintenant…
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