L'Ordre des Lys et du Serpent
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Betsy
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Maître du Savoir
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12. Le choix du mage Empty 12. Le choix du mage

Lun 25 Avr - 12:21
12. Le choix du mage 516ecc10


Depuis qu’il était revenu de son entrevue avec Lyanawën, Aesril s’était torturé l’esprit pour trouver une solution, une parade à cette femme qui s’était jouée de lui avec tant de facilité. Il était rentré à sa demeure d’Étincelance - quand bien même il savait qu’il n’était pas prudent de s’y attarder - et avait d’abord tenté de mettre ses idées sur le papier, cherchant comment il pourrait, lui aussi, la prendre à son propre piège tout en apprenant davantage sur ses recherches sur la mémoire. Mais plus il persistait et plus ses idées lui semblaient hasardeuses et risquées, au-delà du fait, qu’elles étaient hautement immorales et à l’encontre de ses principes. Voler le travail de quelqu’un d’autre était une chose qu’il rechignait à faire.

Il appela alors Dorilwën pour qu’elle lui monte une carafe de vin dont il but plusieurs coupes, tournant en rond dans sa chambre, comme un fauve en cage, raturant et ajoutant de temps à autre, des notes sur le parchemin. Mais, peu à peu, une pensée qu’il refusait de voir s’imposait à son esprit. La seule raison pour laquelle il se tourmentait ainsi était Mélicendre. Sans son attachement pour elle, tout aurait été parfaitement simple. Il l’aurait livrée à Lyanawën et aurait tiré profit de ses pouvoirs. C’était le choix logique. Le choix qu’il aurait normalement dû faire sans hésiter. 



Au bout de plusieurs heures, au cœur de la nuit, la gorge serrée, reposant sa coupe sans ménagement sur le bureau de bois vernis, éclaboussant au passage quelques parchemins, il commença alors à écrire une lettre à l’attention de la divinatrice. Et comme la précédente, cet exercice lui demanda plusieurs essais. Après avoir usé quelques parchemins dans des formulations infructueuses, il se souvint alors de la chevalière qu’il portait à son index. Pas de mots, juste de la magie. Beaucoup plus simple, en soi. Il concentra son énergie sur l’objet et, l’approchant de ses lèvres, murmura simplement : “Mélicendre”.


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Mélicendre longeait les murs discrètement, vêtue d’une longue cape noire, se soustrayant à la lueur des lampadaires et de la lune. Son cœur tambourinait dans sa cage thoracique avec une telle force, que lorsqu’elle essayait de maîtriser sa respiration, pour entendre les conversations, elle l’entendait battre dans ses oreilles. Elle s’apprêtait à poursuivre sa traque, quant elle l’entendit. Elle se bascula brusquement en arrière, s'adossant au mur de pierre d’une demeure, en saisissant le pendentif dans ses mains en reprenant son souffle sous le la pression que cette mission lui avait causé. “Au beau milieu de la nuit… Vraiment”, songea-t-elle perplexe. Elle exécuta un geste des deux mains, ouvrant un portail apparaissant dans la chambre d’Aesril dans une légère brume teintée de vert,  sur son lit, dans une position tendancieuse.


  • Tu m'appelles au beau milieu de la nuit, je t'ai manqué ? 



Elle avait prononcé ses mots d’une voix caressante et sensuelle avant de l’observer et d'analyser la pièce. Avait-il bu ? Seul ? Elle basculait son regard de droite à gauche et voyant le désordre et les parchemins, elle comprit immédiatement que quelque chose n’allait pas et se redressa, à genou sur le lit, avant de le questionner avec inquiétude. 


  • Aesril ? Pourquoi m'as-tu demandée à une heure si tardive ? 



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Il se trouvait debout, courbé sur son bureau, les mains se tenant à celui-ci dans une posture crispée, tournant le dos à Mélicendre.


  • Tu es venue… commença-t-il d’une voix enrouée.



Sans se défaire de l’appui que lui procurait le bureau, il se retourna alors de moitié pour l’observer. Les traits de l’elfe étaient tirés, sa mine était manifestement maussade, ses cheveux s’échappaient de sa coiffure habituellement soignée. Il reprit avec une diction confuse.


  • Je… Je n’avais pas fait attention à l’heure qu’il était. Tu dormais peut-être… À moins que tu ne fusses avec un client, conclut-il avec un cynisme qui lui arracha un rictus amer.



Elle le dévisageait dans une totale confusion, lui qui était toujours si soigné, avec un contrôle de soi irréprochable. Elle se fit glisser doucement hors des draps, pour s’approcher lentement de lui, en posant une main délicate sur son épaule, sondant son regard.


  • Tu sais bien que je ne peux plus travailler. À vrai dire je… peinais à trouver le sommeil. Mentit-elle avant de reprendre. Dis-moi ? Je vois bien que ça ne va pas. Que se passe-t-il ? Tu… tu m’inquiètes. 



Il semblait soudain bouleversé à ce contact, n’osant regarder Mélicendre, les yeux rivés sur un point invisible. Toujours sans bouger, il demanda avec méfiance :


  • Pourquoi ne parvenais-tu pas à dormir ?
  • Ne détourne pas le sujet, s’il te plait. Tu m’as fait venir, et vu ton état, je doute que ce soit pour mon agréable compagnie ou pour faire la conversation… Reprit-elle avec un sérieux inhabituel. 



Il adressa un regard sombre et cerné à la divinatrice avant de renvoyer à nouveau ses yeux là où il les avait déposés plus tôt.


  • Qu’est-ce qui t’a poussée à venir au beau milieu de la nuit ? Le souci de ma personne ? Et que veux-tu dire par “mon état” ? Je me porte à merveille, railla-t-il.
  • Bien-sûr que je me soucie de toi ! As-tu vu dans quel état tu es ? Lâcha-t-elle avec douceur en passant sa main dans ses cheveux. Pourquoi m'as-tu fait venir ? S'il te plaît, vais-je encore devoir me mettre nue dans ton bain pour que l’on discute ?



Ce nouveau geste de tendresse acheva de lui faire perdre ses moyens. Il se sentit idiot et cruel d’avoir ainsi cherché à la tester. Elle était là. N’était-ce pas une preuve suffisante de sa loyauté ? Pouvait-il prétendre avoir déjà vu quiconque le dispenser d’autant d’égards hormis sa propre mère  ?


  • Ce… ce ne serait pas pour me déplaire. Mais nous pouvons parler ici.

 
Il risqua enfin un véritable regard dans les yeux de Mélicendre. Il ne parvenait plus à dissimuler sa mélancolie, désormais. Il se massa le front avant de s’asseoir pesamment sur le fauteuil à côté de lui.


  • Pardonne-moi. Je… La journée a été laborieuse.
  • C’est évident. Raconte-moi ?



Elle voyait son regard, sentait son humeur et l’angoisse commençait à l'envahir lentement, elle tentait de se maîtriser, mais son comportement la bouleversait totalement : elle ne l’avait jamais vu ainsi, c’était lui, le pilier de leur duo, il avait gagné cette place dans sa vie, après tout ce qu’il s’était passé, il l’avait redressée quand elle aurait pu flancher, il l’avait relogée, il lui avait apporté de la tendresse et du respect… Et quand il s’assit face à elle… Elle se sentait subitement mise à nu, mais ne laissa rien paraître.
Il serra la mâchoire. Depuis qu’il avait tenté d’écrire cette lettre, il ne savait toujours pas comment expliquer la situation à Mélicendre. Comment lui dire que, cette fois-ci, c’était lui qui s’était montré imprudent ? Lui qui n’avait pas su voir le danger ? Cette réalisation lui donnait la nausée. Le fait d’avoir été dupé lui était insupportable.


  • J’ai… J’ai fait une erreur, Joli Serpent.



Elle plissa les yeux, l’interrogeant du regard avant de reprendre toujours d’une voix douce.


  • Que veux-tu dire ? 



Il repensa aux paroles cruelles sortant du joli visage de Lyanawën. Il repensa à son marché. Il repensa aux pensées qui lui avaient traversé l’esprit. Aux questionnements que cela avait soulevés en lui. Il ne voyait pas comment lui dire. Les pensées se bousculaient dans sa tête, il ne parvenait pas à choisir une formulation convenable, alors les mots sortirent tels qu’ils s’imposaient à lui.


  • Elle… Elle sait pour tes pouvoirs. Elle veut que je te livre à elle… Pour ses recherches.



Elle se figea un instant en plissant les yeux de peur d'avoir mal compris en croisant ses bras. 


  • Pardon ? Qui ça elle ? Enfin, Aesril de quoi me parles-tu ? Si c'est une blague, tu en as fait des bien meilleures.
  • Cette cinglée… Lyanawën.



Il plongea son visage dans ses mains.


  • Elle fait des expériences sur les divinatrices et la mémoire et elle voulait que je vienne la voir. Je croyais… qu’elle souhaitait juste que je la finance. Mais elle m’a fait suivre. Elle sait pour toi. Elle m’a attiré dans un piège pour me faire promettre de lui donner… ta pierre. Ta magie. Ton sang…



Son visage se transforma en une expression entre l’incompréhension et le doute et quand elle comprit enfin, la frayeur se lisait dans ses yeux, “Ma magie, ma pierre, mon sang… pour des recherches” songea-t-elle avec horreur. Il ne lui en fallait pas plus pour faire le rapprochement avec une conversation qu’elle avait déjà entendue il y a des années auparavant, quand elle avait 17 ans : à l’époque déjà elle se souvenait de la situation et l’inquiétude des mères de clans a ce sujet. Elle fit le rapprochement entre ce qu’elle avait entendu ces dernières années, les clans qui disparaissaient. Elle repassa les mots d’Aesril dans son esprit et resta dans ses pensées un instant avant de redresser son regard vers lui, s’adressant à lui avec appréhension. 


  • Est-ce… Est-ce que tu savais… tu… connaissais la nature de ses recherches ? 



Il releva les yeux vers elle. En un sens, il avait le sentiment de l’avoir trahie de ne lui avoir jamais parlé de Lyanawën lors de leur première rencontre. “Non, je ne lui dois rien” se dit-il pour se rassurer. Mais une part de lui ne parvenait pas à se convaincre.


  • … Oui, lâcha-t-il finalement dans un souffle. Je ne pensais tout simplement pas qu’elle pouvait représenter un réel danger… Je l’ai sous-estimée.



Elle se décomposa sous la simplicité avec laquelle il avait prononcé ses mots, ouvrant grand ses yeux, légèrement sous le choc, les plissant ensuite, le regard se remplissant peu à peu d’amertume, elle sentait sa poitrine se comprimer, son souffle s’accélérant sous la pression.


  • Qu’as-tu fait ? Aesril… Tu… Tu es allé voir cette femme, en sachant qu’elle avait tué et fait des expériences sur les femmes de mon clan ? Tu... Tu comptais… Financer ses recherches ?... En connaissance de cause ! Elle sait pour moi ? Tu veux dire que… Attends… Tu comptes me livrer ?



Elle tremblait, le dévisageant du regard, ses pupilles vacillant de gauche à droite. Elle était réellement sous le choc et plus elle prononçait les faits, plus la nausée comprimait sa gorge, elle avait envie de vomir, elle réalisait qu’il comptait réellement prendre part à ce massacre et commençait à douter de ses intentions envers elle. 
Le regard que lui lança Mélicendre le glaça. Il avait déjà confronté quantité de personnes l’ayant dévisagé de toutes sortes de manières. Mais il sentit qu’il l’avait particulièrement heurtée. Et cela le terrifia. Il ne voulait pas voir ce regard. Il souhaitait lui dire qu’elle avait tort, qu’elle se trompait… Mais la vérité était là.
Alors, dans un élan d’angoisse, il attrapa les mains de Mélicendre dans les siennes et y posa son front. Quelque chose à laquelle se raccrocher. Pourvu qu’il n’ait pas à affronter ce regard.


  • Je… Je ne pensais pas te livrer. J’ai immédiatement refusé lorsqu’elle me l’a demandé. Qu’est-ce que tu t’imagines ?! Mais… Quel autre choix avais-je que de chercher à en savoir plus ? Je… J’avais besoin de ces recherches, Mélicendre…
  • Je… Je ne sais pas, Aesril. Pourquoi ne pas me l’avoir dit !? Nous aurions pu… et tu… Pourquoi ? Tu as besoin de ses recherches ? Tu... cautionnes… ce… massacre ? 



Elle avait perdu toute assurance, ses pensées s’entrechoquaient douloureusement, elle ne voulait pas comprendre ce qu’il se passait, non, elle ne le pouvait tout simplement pas.
Il plaquait la tête un peu plus contre ses mains, faisant de son mieux pour se contrôler, mais la tête lui tournait tandis qu’il entendait l’indignation dans la voix de la divinatrice.


  • Je… Non ! Je voulais te protéger de tout ceci, je ne voulais pas t’alarmer. Je croyais que je pouvais m’en occuper seul. Et… ma mère. Pour la première fois, j’entrevois la possibilité de la sauver, je…



Sa voix mourut dans sa gorge. Il réalisa que lui-même avait déjà tué quantité de personnes pour ses propres recherches. Quelle différence entre lui et Lyanawën, hormis le fait qu’il ne s’en était pas directement pris aux pairs de Mélicendre ? Il ne parvint pas à se trouver d’excuses.


  • Nous… aurions pu gérer ça ensemble ! Nous aurions pu en parler ! Ensemble… Tu… En quoi mes dons te seraient utiles ?! Qu’est-ce que tu y gagnes ? Que je ne puis t’apporter de moi-mê...me. 



Elle se mura dans le silence un instant, tandis que son regard s’emplissait d’émotion quand elle réalisa soudainement et lâcha d’une voix étranglée en contenant les larmes qui épousaient lentement le bord de ses yeux.


  • Tu… tu n’as pas… Confiance en moi ? Après… Tout ce qu’on a… fait... Vécu ?
  • Je t’ai précisément fait venir ici pour ça, pour que l’on étudie ce problème ensemble ! Je… Je l’ai étudié sous tous les angles et je… ça me fait mal de l’admettre, mais je suis dépassé, voilà, lâcha-t-il de dépit en desserrant son emprise sur les mains de Mélicendre. Et… Je ne pensais pas qu’elle se servirait de toi. Je ne sais pas à quoi je m’attendais, mais ça valait le coup de savoir. Et si je n’avais rien fait, elle t’aurait traquée, quoi qu’il arrive. Je… Bon sang, mais que dois-je te dire pour te faire comprendre que je ne veux pas que tu meures entre les mains de cette maniaque, Mélicendre ?!



Il avait relevé son visage en arrière d’un mouvement brusque, l’implorant cette fois-ci du regard. Elle l’avait écouté, attentivement, mais la seule chose qu’elle avait retenue, c’était qu’il n’avait pas répondu à sa question. cette fois, elle avait besoin de l’entendre, elle prit son menton entre son pouce et son index délicatement en plongeant son regard dans le sien, le regardant intensément.


  • As-tu confiance en moi, Aesril ? Demanda-t-elle la voix engourdie. 



Il la dévisagea avec gravité, s’interrogeant véritablement. Lui confierait-il sa vie ? Il s’était déjà imaginé se trouver dans un état critique, où sa vie dépendrait d’elle. Il en était venu à la conclusion qu’il n’avait pas d’autre choix que de lui faire confiance. Qu’il ne pouvait uniquement s’appuyer sur lui-même, sans quoi, il mourrait. Mais s’était-il déjà abandonné à elle ? Il lui avait laissé voir ses souvenirs et sa vulnérabilité. Il se sentit soudain apaisé d’avoir enfin une certitude sous les yeux.


  • Oui. Je te fais confiance Mélicendre. 



Elle ferma les yeux de soulagement, elle avait l’impression que son cœur aller exploser, il ne lui avait jamais dit, elle savait qu’il était sincère, cependant, il était allé voir cette femme, de son plein gré, en sachant ce qu’elle faisait. Elle réalisa soudainement la gravité de la situation, pour elle, pour lui. 


  • Pourquoi penses-tu que ses recherches peuvent aider ta mère ? Tu…  as… peur ? De ce qu’elle est capable de faire ?
  • Lyanawën ? Mélicendre… J’ai vu son regard. Elle m’a manipulé. Elle est prête à tout. Je serais idiot de ne pas m’en inquiéter, cette femme est dangereuse et intelligente, de surcroît. Et… oui, ma mère, elle… Elle est malade. Depuis des années. Je ne parviens pas à trouver de remède, je… Je ne comprends pas Mélicendre.



Elle pinça ses lèvres, elle aurait voulu se laisser emporter par la colère, mais le voir ainsi, avouant ses torts, son impuissance, la désarçonnait totalement.


  • Tu aurais dû m’en parler Aesril. Pour ta mère… J’aurais pu t’aider…
  • Te parler de ma mère ? Je n’ai jamais songé à le faire, car je n’imaginais pas que cela serait d’un quelconque intérêt pour toi… Et quand aurais-je pu le faire ?
  • Oui, de ta mère… Je ne sais pas, peut-être au moment où je t’ai parlé de la mienne ? Tu penses que ta vie n’a pas d’intérêt pour moi ? Vraiment ? Crois-tu que… que je serais là si ce n’étais pas le cas… Bon, et pour Lyanawën… Explique-moi, que s'est-il passé, que fait-elle ? Je suppose que si elle veut, ma pierre, ma magie et… mon sang, c'est qu’elle a réussi à comprendre comment les utiliser… Dans quel but ?  
  • Elle veut se servir de tes pouvoirs pour un projet, un objet qui permettrait de rendre la mémoire. Et ses recherches semblent déjà bien avancées…
  • Elle a trouvé comment faire… En décimant les miens… Pourquoi ne pas avoir trouvé une divinatrice qui pouvait le faire plutôt qu’organiser des massacres pour des expériences ?... Pour… Pour le contrôle ? La richesse ? Le pouvoir ? Je… Je t’en veux Aesril ! Terriblement… Et cela malgré moi ! 



Elle s’était éloignée de lui, se dirigeant vers la fenêtre en regardant la mer, le regard vide, en serrant les grands rideaux dans sa main, se rappelant les derniers événements qui s'étaient produits dans cette pièce. Il la regarda, désemparé, mais il ne pouvait s’empêcher de la comprendre. Alors, il demeura assis sur le fauteuil, les bras posés sur ses cuisses, les épaules voûtées, acceptant sa rancœur.


  • Je comprends, Mélicendre. Et tu as raison. Je ne peux pas me vanter d’être plus vertueux qu’elle. Elle a sans doute supposé qu’il valait mieux avoir la primeur de ce pouvoir… Elle dit vouloir aider les autres et servir le plus grand bien. Mais je sais pour m’être raconté les mêmes histoires qu’il s’agit de mensonges. Elle aspire certainement à plus de pouvoir… par le savoir.
  • Je suis consciente de ce que tu as fait, j’ai aussi vu ton regard pour Ewen… Enfin peu importe ce qui l’anime… Que t’a-t-elle dit sur nous ? Que sait-elle ?  Tu sais que si tu lui donnes ce qu’elle souhaite… Elle voudra plus ? Tu en es conscient ? Pourquoi ne pas simplement ne rien lui donner, l’ignorer… Je me défendrais… Je...



Mélicendre avait parlé en accélérant le débit de ses mots, déposant une main sur son coude, en réfléchissant, cette femme était dangereuse, elle en savait beaucoup, elle devait agir. 


  • Si je ne joue pas à son jeu, elle… te tuera elle-même. Elle… Elle m’a suivi assez longtemps pour savoir que nous nous sommes vus très souvent. Que je suis conscient de tes pouvoirs… Et je ne veux pas que tu l’affrontes. Non, il doit y avoir un autre moyen… Mais je ne sais pas lequel.



Il se releva subitement, se resservant une autre coupe de vin en soupirant.


  • C’est un fichu cauchemar…
  • Si la seule chose qu’elle détient, c'est cela, alors qu’elle me coure après… Je ne vais pas me laisser faire, je ne la laisserai pas faire ! Je ne suis pas une tueuse, je ne suis pas offensive, mais si elle veut ma vie… J’espère qu’elle est résistante, car je ne me laisserai pas avoir si facilement. Il faut détruire ses recherches, la mettre hors d’état de nuire… Reprit-elle en se tournant vers lui, une lueur noire dans le regard. 



Aesril surprit son regard avec étonnement. Jamais il ne l'avait vue aussi farouche. Maussade,  il reprit une gorgée de vin, observant la baie plongée dans l'obscurité par la fenêtre.


  • On ne pourra pas se débarrasser d'elle si facilement, Mélicendre. Si c'était le cas, je m'en serais déjà occupé. Tu n'imagines pas la quantité de fois où j'ai voulu l'étrangler… Mais elle est bien entourée et si elle venait à disparaître, elle, ou ses recherches, les soupçons ne seraient pas longs à se diriger vers moi. Son majordome a bien vu à quel point elle m'excédait… Et pour ce qui est de ses recherches…



Il s'interrompit, ne sachant pas s'il était véritablement prudent de formuler sa pensée à la divinatrice. Que penserait-elle s'il lui disait qu'il aurait préféré étudier les recherches de Lyanawën ?


  • Et… les saboter ? Ou pourquoi pas… la livrer ! À la Poursuite Divine ! Ainsi elle perdra tout, ses recherches, sa notoriété.



Elle s'était avancée vers lui vivement, en voyant sa posture et comme il se tenait, elle comprenait que réellement, cette femme l'avait bouleversé. Elle réfléchissait à toute allure, retournant la situation dans tous les sens, les paupières dansantes sous la pression. Il se tourna subitement vers elle. Frayer avec les autorités le mettait mal à l'aise, même s'il possédait une place de choix et une renommée notoire auprès des officiers. Une part de lui continuait à craindre d'être démasqué et mis aux arrêts.


  • La livrer à la Poursuite Divine ? Mais quelles preuves avons-nous ? Et puis, pour cela, il faudrait déjà que je récupère la gemme chargée de ma magie que je lui ai confiée. Si elle sent que le vent tourne, qui sait ce qu'elle en fera...



Il se souvint alors de la magie qu'il avait perçu lorsqu'elle avait exécuté le sort d'oubli et réalisa. Il s'agissait d'une magie familière au goût âpre, rugueux, à l'enchevêtrement inextricable. Des sorts qu'il avait lui-même pratiqués. Et Lyanawën lui parvint soudain comme d'autant plus sournoise et dangereuse qu'il ne l'avait supposé. Bien sûr, si elle s'intéressait à la mémoire, elle avait dû s'intéresser à l'âme. Et pourquoi ne se serait-elle pas penchée sur la nécromancie pour ce faire ?


Une autre gorgée de vin pour chasser le trouble : voilà la seule chose qu'il parvint à faire.
Mélicendre s'était rapprochée de lui en l’écoutant, croisant ses bras sur sa poitrine, toujours dans ses pensées, elle ne pouvait s’empêcher de se demander jusqu’où il était prêt à aller. elle devait poser la question, mais la réponse la terrorisait. 


  • Quelle autre solution avons-nous ? Tu… tu lui as livré ta magie sur un plateau… Tu l’as aidée, payée, par curiosité !? Pour… la recherche… C’est cela qui compte après tout. Dis-moi ? Jusqu'où était tu prêt à aller pour découvrir ses travaux ? Lâcha-t-elle avec amertume avant de se taire soudainement en réalisant. Tu ne m'as pas fait venir pour que l’on trouve comment nous débarrasser d’elle ?! Pas vrai ? Je suis là pour que je te donne ce qu’elle veut ? Ainsi tu auras la paix et des réponses sur ses avancées… 



Les mots étaient sortis de sa bouche comme des lames qui lui auraient transpercé le cœur, elle n’avait plus de maîtrise sur ce qu’elle ressentait et tout se bousculait dans sa tête. La peur, la rage, la colère, la haine se mélangeaient avec les sentiments qu’elle avait pour lui, sans comprendre. Elle avait décroisé ses bras, se dressant tremblante devant lui, en serrant les poings, les larmes glissaient sur son visage, elle attendait sa réponse en pinçant ses lèvres, le scrutant, observant ses expressions, ses traits, elle ne voulait pas savoir, mais elle devait l’entendre. Il rabattit un regard d'une tristesse profondément lasse vers Mélicendre, ses yeux d'ordinaire si vifs se perdant dans ceux de la femme, impuissant devant son chagrin. Il dit avec une lenteur morose :


  • J'ai fait ce que je croyais être le plus prudent. Je t'ai fait venir parce que je suis perdu. Parce que je veux sauver ma mère, mais pas au prix de ta vie. Parce que je ne sais plus ce qu'il convient de faire tant tu as bousculé le ciel sur la terre et la terre sur le ciel… Mais dis-moi, Mélicendre… toi, me fais-tu confiance ? Ou est-ce que toi aussi, tu me prends pour un monstre ? Peut-être est-ce ce que je suis après tout… Crois-tu vraiment que… que je pourrais te voir ainsi massacrée ? Comme on envoie une bête à l'abattoir ?
  • Je… Je te faisais confiance, avant de me rendre compte que tu avais vraiment considéré la question… Tu… Tu te l’es posé avoue !? Tu as mis ma vie sur la balance, je suis curieuse de savoir ! Ce qu’elle coûte à tes yeux, quelle valeur j’ai dans ton cœur, Aesril ! Je… je t’ai donné, j’ai tout perdu… Et toi… Tu m’as trahie….  



Il contempla la seule personne à qui il avait accordé sa confiance, à qui il s'était véritablement abandonné, lui renvoyer ces mots qui sonnaient à ses oreilles comme un rejet profond, la chose qu'il avait tant redoutée. De crainte de vivre une pareille douleur à nouveau, il lui avait toujours été si simple de ne pas s'attacher ou de se séparer de ceux qui comptaient pour lui avant que ceux-ci ne décident d'eux-mêmes de le mettre de côté. Et aujourd'hui cette douleur venait le heurter de plein fouet. "Peut-être n'est-ce que justice" songea-t-il, cynique. Il prit une autre gorgée de vin, la tête lui tournant toujours un peu plus, incapable de réfléchir correctement.


  • D'accord… capitula-t-il finalement. Je… Oui, Mélicendre, je me suis demandé si j'étais prêt à mettre ta vie en jeu. J'ai passé tellement de temps seul, je… Je ne savais plus. Et… je n'ai pas pu supporter cette pensée. Celle de te savoir morte. Celle de te voir utilisée, souffrante, je…



Il s'approcha d'elle d'un pas vacillant, tenant à grand-peine sur ses jambes avant de s'arrêter à quelques centimètres d'elle, posant ses deux mains sur ses épaules, tourmenté par les visions qui s'imposaient à son esprit, la nausée s'emparant de lui.


  • Je ne veux pas te voir mourir. Je…



Incapable de poursuivre, il posa son front contre le sien, luttant contre ses émotions qui n'aspiraient qu'à l'emporter. Une part de lui espérait qu'elle continue de s'énerver après lui. Pour pouvoir continuer de s'oublier dans la colère de la divinatrice.


Elle était partagée entre cette colère et l’amertume, mais ses mains, son regard et ses mots l’apaisaient, elle aurait voulu le gifler, lui lancer la gemme autour de son cou au visage, s’arracher un soupçon de magie de son être et laisser couler le sang de sa paume dans une fiole pour lui donner, se retourner et partir. Mais elle n’en fit rien, quelque chose la retenait, ici. Son cœur se comprimait dans sa poitrine, elle peinait à respirer convenablement. Elle prit les mains d’Aesril dans les siennes, avant de relever son regard vers lui.


  • Nous… sommes coincés alors. Soit nous décidons de la piéger, soit je te donne ce qu’elle souhaite… 



Il se sentit faiblir un peu plus qu'elle décide de s'attendrir envers lui. Il ne pouvait que comprendre sa colère. Mais qu'elle vienne à son secours…


  • Non, tu as raison, si nous lui donnons ce qu'elle demande, elle en voudra plus… Nous… nous devons la prendre à son propre piège et récupérer ses recherches, mais… je ne sais pas comment m'y prendre. Je… excuse-moi, s'il te plaît…



Elle détacha une main des siennes, pour la poser sur sa joue, les lèvres pincées, au fond, elle pouvait comprendre. Toute sa vie, elle avait tout fait pour atteindre son but, son chemin n’avait pas était des plus rose et jamais, elle n’avait eut à prendre de telles décisions, ou même à tuer pour y arriver, elle avait été épargnée, pourtant elle songea à la question, “Aurais-je été capable de tuer, trahir, manipuler pour servir mes intérêts ?” la réponse était “Oui”, elle avait été très loin pour y arriver, emprisonnant ses sentiments dans un petit écrin, à l’abri de tout, loin d’elle. En somme ce qu’Aesril, avait fait de façon différente. Elle ravala sa rage, étouffant sa colère et déposa un baiser sur ses lèvres avant de relever ses yeux vers lui. 


  •  Aesril… Je… Je ne peux pas t’en vouloir. Je… Enfin, je veille sur toi… Ne l’oublie... pas. Répondit-elle, en passant son pouce sur sa joue, le regardant intensément avec tendresse. 



Sous l'effet de son baiser, de ses paroles, de ses gestes, il la dévisagea, abasourdi. Il avait vu la colère profonde qui habitait les yeux de la divinatrice et il s'était préparé à ce qu'elle le rejette de la même manière que son père avait pu le faire lorsqu'il avait découvert quel genre d'individu il était. À ce moment, tout son corps parlait pour ses émotions. Courbé, acceptant la force des événements, impuissant. Pour avoir déjà vécu cette situation, il savait que cette posture était la seule acceptable. Lorsque l'autre avait décidé de vous repousser, il n'y avait rien à faire. Aussi, la chaleur des lèvres de Mélicendre le troubla profondément. Plus encore que si elle lui avait renvoyé son dégoût en plein cœur. Il aurait été incapable de dire si l'alcool l'avait à ce point étourdi, mais il se sentait cette fois-ci dépassé par toutes les émotions qu'il avait contenues si longtemps. Les avait-il gardées pour lui depuis des mois, des années ? À quand remontait la dernière fois qu'il s'était senti si vulnérable et laissé aller véritablement ? Était-ce à la mort de Père ? Ou peut-être même avant… Ces dernières années, il avait eu le sentiment d'être à tel point anesthésié de toute sensation que le bouleversement provoqué par Mélicendre l'avait plongé dans la plus grande incompréhension. 


Plus rien n'était à sa place. Le sens si ordonné qu'il avait donné à chaque chose avait explosé en éclats. Alors pourquoi, dans cet incroyable capharnaüm dont il ne saisissait rien, dont il ne contrôlait rien, parvenait-il à voir de la beauté, là où cela le plongeait dans un même temps dans une détresse si profonde ? 


Mu par cette impulsion déchirante, il prit le corps de Mélicendre entre ses bras, l'étreignant avec tant de force, à lui faire perdre haleine, et bientôt, il ne parvenait plus à respirer, haletant dans un râle sourd, réalisant soudain que c'était l'angoisse qui lui comprimait les poumons et non le puissant contact. Comme ce fut le cas des années auparavant lorsque la peur s'emparait de lui pour ne plus le quitter, comme une créature insaisissable. Toutes les émotions se mélangeaient en lui et il était tout simplement dépassé. Il se raccrochait à Mélicendre, seule preuve tangible qu'il était accepté et… Une pensée lui traversa à nouveau l'esprit et les mots lui brûlèrent les lèvres et lui compressèrent la gorge sans qu'il ne parvienne à les exprimer. Il ne put dire que son nom, d'une voix à peine audible, étranglée.


  • Mélicendre…



Elle sentait l’étreinte d’Aesril presser son corps et plaça ses mains dans son dos plaquant son visage contre lui. Elle réalisa à quel point la situation le perturbait, déstabilisait, son estomac se comprimait et la peur s’emparait d’elle, la peur de ses mots, la peur de le perdre, la peur de réaliser réellement l’importance de la place qu’il avait pris dans sa vie et à quel point, elle qui avait toujours été indépendante, avait besoin de lui, à quel point sa présence lui faisait du bien, elle questionna simplement dans un soupir comprimé par l’étreinte.


  • Oui ? Aesril…
  • Je… Je…



Il se fustigea de ne pas parvenir à aligner si peu de mots là où d'ordinaire, il discourait avec une éloquence formidable et où les paroles se plaçaient avec justesse. Et d'un autre côté, il se demandait s'il avait véritablement le droit de dire de telles choses à cette femme dont il avait déjà perturbé tant de parts de son existence. Était-il seulement capable de prononcer ces mots si rares ? Cela n'allait-il pas tout changer ? La peur le glaça un peu plus et il la serra plus fort encore, dans l'espoir de faire cesser les tremblements, dans l'espoir de retrouver de l'air. Comment faisait-il autrefois, déjà ? "Respire" se souvint-il soudain. Inspiration. Expiration.


  • Je t'aime, Mélicendre.



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Elle se figea, instantanément, les battements de son cœur avait ralenti sous le poids de ses mots, sa peau s’habilla de frissons, elle ferma les yeux un instant, tant cela avait été douloureux à entendre, refermant ses doigts sur le tissu de sa chemise. Elle était désarçonnée et se sentait à nouveau comme un petit animal apeuré. Mais cette douleur ne ressemblait en rien à ce qu’elle avait pu ressentir auparavant, c’était une douleur agréable, une de ces douleurs vives, qui vous transperce d’un profond soulagement. Elle se replongea dans un souvenir, la dernière fois qu’elle avait entendu et prononcé ces mots, c'était à cet homme qui ne l’avait finalement pas choisie, qui  l’avait abandonnée, lui qui avait été la fin de ses sentiments. Elle appuya son front plus profondément dans sa nuque ; se remémorer ce souvenir lui était atroce et lui arracha des larmes. Prise entre la douleur et la douceur que provoquait en elle ses mots, elle répondit d’une voix étouffée par les pleurs. 


  • Ne... ne me fais plus jamais ça Aesril ! Ne… ne m’abandonne pas. Je... t’en supplie.




Elle recula son visage pour l'observer, pour voir cette peur commune, en basculant ses pupilles de gauche à droite, de ses yeux et d’une impulsion insupportable elle lâcha d’une voix étranglée. 


  • Je… j’ai besoin… de toi… Je... t’aime.



Le cœur d'Aesril se compressa à tel point dans sa poitrine qu'il lui semblait qu'il allait s'arrêter. Entendre ces mots était aussi violent et merveilleux que de les prononcer. Il avait tant redouté de subir son rejet qu'il ne s'était pas préparé à la réciprocité. Il voyait la détresse dans les yeux  de la divinatrice et il ne pouvait que la partager. Il pinça les lèvres dans une vaine tentative de se maîtriser, mais son esprit parvint seulement à interpréter cela comme une approbation aux intenses sentiments qu’il vivait et il ne fut plus capable de réprimer les émotions qui fondirent hors de lui. Ce regard que lui offrait Mélicendre avait terminé d’achever ses dernières protections. Étaient-elles encore vraiment nécessaires, à présent qu’il était allé si loin ? La crainte qu’elle avait de se voir abandonnée, il avait le sentiment de la ressentir avec la même puissance, la même intensité. Il laissa les larmes embrumer ses yeux et, dépassé de sentir ainsi cette chaleur glisser si librement sur ses joues, il fondit vers les lèvres de Mélicendre pour la couvrir de baisers et mieux oublier sa profonde vulnérabilité.


  • Je… ne t’abandonne pas. Je reste avec toi jusqu’au bout.



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Elle lui rendit ses baisers avec passion, mais le problème n’était pas réglé, même si son cœur se sentait plus léger, son âme elle, brûlait de hargne, elle aurait aimée voir le corps de Lyanawën s’éteindre sous sa magie, mais elle savait qu’Aesril avait raison, il n’était plus question d’agir sans réfléchir, surtout si cela le mettait en danger. Elle se soustrait délicatement à son étreinte, elle devait régler ce problème en priorité.  


  • Aesril… Nous devons nous charger d’elle...



Se voir ainsi séparé de son maintien le déstabilisa et il sentit soudain les effets du vin sur son organisme, la tête vrillant dangereusement. Essuyant la moiteur sur son visage, il partit s’asseoir sur le rebord du lit, tant sa confusion était grande. Elle avait raison, mais il ne savait pas davantage ce qu’il convenait de faire. Et son cerveau lui donnait la sensation d’être en miettes. Passant ses deux mains dans ses cheveux pour les ramener en arrière, il soupira profondément.


  • Je sais… Mais je n’ai aucune idée de comment m’y prendre… De comment nous y prendre.



Elle l’observa un instant songeuse, puis se dirigea vers le point d’eau pour humidifier un linge et revenir vers lui en s’installant à ses côtés sur le rebord du lit. Elle plia en trois le tissu avant de lui déposer dans la nuque, pour que la fraîcheur de l’eau apaise ses maux. 


  • Cela devrait te faire du bien… Plus je réfléchis et plus je me dis que nous n’avons que deux solutions… La première, profiter de votre prochain entretien pour la piéger. Et retirer ses souvenirs de nous. La deuxième… Lui proposer un nouveau marché… en attendant de trouver mieux. 



Il ferma les yeux sous la fraîcheur de la serviette de lin posée contre sa nuque. Il avait le sentiment de reprendre un peu de contenance.


  • Elle n’acceptera pas de nouveau marché, elle ne reverra pas ses attentes à la baisse. Ce qu’elle veut, c’est toi. Et elle me semble bien trop déterminée pour changer d’avis si facilement. Quant à la deuxième option… Ce n’est pas une si mauvaise idée, d’autant que je dois la revoir lors d’une réception qui aura lieu sous peu. Mais ce serait t’emmener dans la gueule du loup. Ça me semble hautement risqué, imagine que tu te fasses attraper. Je n’ose imaginer ce qu’il se passerait…



À tâtons, il prit la main de la divinatrice dans la sienne pour la presser avec tendresse et appréhension.


  • Ou alors… Nous pourrions révéler ses recherches et comment elle y est parvenue au grand jour. Mais cela nécessiterait d’enquêter et d’être particulièrement discrets. Et moi qui disais toujours que jamais je ne ferais le travail de la Poursuite Divine… On dirait bien que la force des choses m’y ramène…
  • Ce ne serait pas de revoir ses attentes à la baisse… Ce serait de la résilience Aesril. Lui proposer de faire équipe, je lui offre ma magie, mon sang et les pierres de jade ne sont pas difficiles à trouver. À sa guise et en échange, elle cesse d'expérimenter sur d’autres divinatrices et te permet d’avoir accès à ses recherches. Même si cette idée me donne envie de vomir, c’est la solution… La moins risquée, et nous permettrait de gagner du temps, en attendant de trouver mieux. Cependant, Ta proposition se tient, mais sera infiniment plus longue si elle est intelligente… et qu’elle et sa famille sont puissantes et reconnues au Couchant, je suppose qu’elle met un point d’honneur à protéger et dissimuler ses recherches. Je pourrais utiliser mes dons pour voir ce qu’elle fait, mais sans preuves… Et comment expliquer cela à la poursuite Divine ? Hum…



Elle serrait sa main dans la sienne et de son autre main caressait sa peau du bout des ongles en réfléchissant profondément dans une expression très sérieuse. 
Il eut un rire cynique.


  • De la résilience ? De la résignation, tout au plus. Je n’ai pas confiance en cette femme Mélicendre et si jamais nous acceptons de coopérer avec elle, qui nous dit qu’elle ne va pas resserrer l’étau et nous plonger dans un piège plus vicieux encore ? Qui nous dit qu’elle ne me fera pas chanter ? Mes propres recherches pourraient lui être d’une aide précieuse. Elle sait désormais qu’elle a plusieurs moyens de pression sur moi. Toi et ma magie. Toutefois, lui faire croire que je travaille avec elle pourrait nous faire gagner du temps si nous décidons d’utiliser la voix de la justice. Pourquoi ne pas lui donner seulement une partie du paiement en gage de bonne foi ? Pendant ce temps, je fais marcher mes relations, je vais rendre visite aux officiers encore fidèles à mon père et je recueille des preuves pour l’inculper. Et toi, tu restes bien à l’abri dans un lieu protégé et tu feras ce que tu as toujours fait : tu seras mes yeux, là où je ne vois pas.



Elle sourit en entendant son rire, en le voyant ainsi reprendre de l’assurance et de la contenance.


  • Tu as raison, c’est une bonne idée. As-tu déjà des informations sur elle ? Sur sa famille ? J'imagine qu’elle doit tout savoir de moi. Alors, suis-je vraiment en sécurité à l’auberge ? Mais en même temps, si je change de lieu de vie… et qu’elle nous fait suivre… Elle trouvera cela louche. Alors, tu as raison, je vais rester là-bas… Et être tes yeux.



Elle s’approcha délicatement en serrant sa main, glissant son visage dans sa nuque pour murmurer avec un sourire tendancieux.


  • J’aime terriblement te voir reprendre les choses en mains…   



La fatigue l’étourdissait puissamment, mais le souffle de Mélicendre dans son cou et ses paroles caressantes maintinrent ses sens alertes. Il porta la main à la peau délicate jusqu’à ses lèvres et l’embrassa avec dévouement avant de répondre :


  • Je suis déjà bien assez enivré par le vin, Joli Serpent, si tu en rajoutes, c’en est fini de moi. Quant à Lyanawën… Je connais assez bien sa famille, ses parents venaient souvent aux réceptions que donnaient Père et Mère. Mais je pense les écarter pour commencer. Quoi qu’elle fasse dans son atelier, cela m’étonnerait que ses expériences “sur le vivant” se situent dans le domaine familial. En revanche, j’y ai aperçu un coffre bien gardé, dissimulé. Il s’y trouve possiblement des choses et je ne l’ai pas vue ou sentie désamorcer de piège magique. Je peux également interroger ses connaissances et relations. Quoi qu’elle fasse, elle n’a pas pu s’y prendre seule, surtout pour faire venir à elle d’éventuelles autres femmes douées de voyance. Quelque chose me dit qu’elle manie la nécromancie et la magie des âmes aussi… Un point de méfiance, mais cela pourrait tourner en notre faveur. On n'apprend pas ce genre de savoir n’importe où. 
  • Tu as raison, il faut chercher de ce côté-là et pour ma part je vais me renseigner auprès de ma mère et des clans… Les disparitions d’autres divinatrices ne peuvent pas être passées inaperçues et… Tu sais que mon envie de provoquer ta fin est grande… Répondit-elle en terminant sa phrase appuyant ses mots d’une voix suave.  



Il releva vers elle des yeux perplexes.


  • J’ignorais que tu avais encore un contact avec ta mère. Et… “provoquer ma fin” ? De quoi parles-tu ? demanda-t-il en surprenant l’éclat dans le regard de la divinatrice.



Il était trop étourdi pour saisir le moindre sous-entendu et ses paupières commençaient à papillonner, luttant pour préserver les apparences. Elle pinça ses lèvres, de toute évidence, il n’était pas en état de voir ses allusions perverses, elle sourit en basculant son visage de droite à gauche avant de reprendre son sérieux. 


  • Je n’en ai plus. À vrais dire c’est ce que j’étais en train de faire quand tu m’a demandé, je… m’ennuyais, seule dans cette chambre et mes sentiments, ce qu’il c’est passé j’avais besoin de trouver des réponses alors j’ai retrouvé ma mère dans une vision, elle est à Daguefilante, elle aussi. Heureux hasard ou non, je la suis depuis que je sais, attendant le bon moment, où simplement de trouver le courage de l’affronter, de lui poser mes questions, cela fait temps d’années que je ne l’ai pas vue… Mais avec ce qu’il se passe, elle aura forcément des informations qui nous seront utiles. 



Elle sourit à nouveau en déposant un délicat baiser sur sa joue. Le taquinant ouvertement sur son état, dans un rire subtil.


  • Par provoquer ta fin, je sous-entendais, que tu provoques en moi une flamme ardente quand tu parles ainsi, quand dans ton regard je vois cette envie de nous sortir de cette impasse, mais je ressens aussi la fatigue et… le vin qui fait effet sur toi. 



Il plissa les yeux, visiblement sonné. Il ne comprenait pas très bien cette histoire de filature. Il la dévisagea en sentant ses lèvres contre sa peau, entendant son rire. Il était si obsédé par l’idée de trouver une solution concernant Lyanawën que les espiègleries de Mélicendre le dépassaient complètement. Dans son esprit, seuls résonnaient quelques bribes de mots : “mère”, “seule”, “affronter”, “flamme ardente”... Il reprit avec lenteur, tentant de décrypter l’information.


  • Hmm… Je crois que je n’ai pas tout suivi concernant ta mère, ça a l’air dangereux… Attends… Est-ce que tu es en train de me taquiner ?
  • Non, mère n’est pas dangereuse, rassure-toi, de plus les informations qu’elle peut avoir pourraient nous être très utiles…. Et oui… en effet je te taquinais. Haha



Il parut se perdre un court instant dans une réflexion avant d’esquisser un sourire approximatif.


  • C’est étonnant, tu ne m’as jamais parlé de ta mère, toi non plus… Peut-être parce que tu te dis qu’elle pourrait me plaire ? Après tout, nous ne sommes certainement pas loin d’avoir le même âge…



Elle releva un sourcil circonspect, visiblement il n’était pas assez fatigué pour lui éviter une blague douteuse et lui offrit une tape sur le bras.


  • C’est faux. Je t’en ai déjà parlé, quand je te racontais l’histoire de mon clan, je ne suis pas allée dans les détails voilà tout. Reste loin d’elle, vicieux mage dépravé… Si tu ne veux pas me mettre en colère. Répliqua-t-elle avec espièglerie. 
  • “Vicieux” ? “Dépravé” ? Qu’y puis-je si toutes les créatures vivantes semblent attirées par mon corps tels des papillons de nuit par la lumière ? Tu ne veux pas partager tes trouvailles ?
  • Loin de moi l’idée de priver toutes ces ravissantes créatures de ton corps, mon chéri, mais… Je ne suis pas sûre d’être assez ouverte pour partager ma chère mère…



Il pouffa de rire et se laissa tomber en arrière sur le lit. Le monde vacilla dangereusement tandis que l’enivrement lui montait toujours plus à la tête. Il fit la moue avant de répondre :


  • Je te trouve bien égoïste. Cela dit, ça vaut sûrement mieux ainsi, je suis certainement trop vigoureux pour son âge… et puis si elle est du même acabit que toi, je serais condamné… 



Fixant les moulures du plafond, il entortilla distraitement un doigt dans une mèche de la chevelure laissée libre de la divinatrice et reprit plus sérieusement :


  • … Et, à vrai dire, tu es la seule qui suscite en moi de telles passions.

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12. Le choix du mage Empty Re: 12. Le choix du mage

Lun 25 Avr - 12:25
Elle se retourna vers lui, le regardant en feignant l’indignation en s’allongeant à ses côtés sur le ventre, le visage posé sur ses mains, relevant un sourcil.


  • Hum… Il n’y a pas de doute. Tu sais que tu es déjà condamné simplement en ma compagnie, regarde dans quel état je te mets… 



Il fronça les sourcils sans comprendre.


  • Comment ça, qu’est-ce qu’il a mon état ?



Elle éclata d’un fou rire franc, laissant tomber son visage sur les draps pour l’étouffé, sans répondre, vraiment la situation l’amusait, son rire était spontané et sincère, le voir dans cet état d’ébriété, alors qu’elle ne l'avait jamais vue perdre le contrôle la faisait jubiler. Elle hésitait, tiraillée entre la profonde envie de continuer de se jouer de lui, où reprendre son sérieux, mais pour le moment elle n’arrivait simplement plus à maîtriser son euphorie. Il tenta de se redresser de moitié pour l'observer, dubitatif, mais la tête lui tourna un peu plus et il estima qu'il était plus prudent de se rallonger pour le moment.


  • Voilà que tu es encore partie dans un de ces rires frénétiques, mais qu'est-ce qui te prend ?
  • C’est toi qui me fait rire ! Je me moque ouvertement de toi… Réellement la situation de mon point de vue est très drôle… Lâcha-t-elle la voix étouffée par son rire et son visage dans les linges.
  • Shhh, enfin, tu vas réveiller toute la demeure ! Fit-il, en laissant tomber sa tête dans sa direction. C’est incroyable tout ce temps que tu passes à te moquer de moi, je ne me trouvais pourtant pas si hilarant… Si tu continues de rire si fort, Dorilwën va encore penser…



Il s’interrompit subitement, affichant la même expression qui se dessinait habituellement sur son visage lorsqu’une idée brillante lui traversait l’esprit, les lèvres à demi-ouvertes.


  • Dorilwën…



Elle redressa la tête en entendant ses mots dans une expression perplexe, avant de réaliser.


  • Attend quoi ?! Qu’est-ce que cette bonne femme mal entretenue, vient faire là ?
  • Alors… C’est vrai que ce n’est pas la personne la plus voluptueuse que je connaisse, ni la plus agréable, on ne va pas se mentir, mais cette femme est incroyable, tous les jours elle supporte le moindre de mes caprices, la moindre de mes excentricités. Tiens, tout à l’heure, je lui ai demandé une grande carafe de vin, deux fois - je crois qu’elle dormait, d’ailleurs - tu crois qu’elle a dit quelque chose ? Non. Bon… Elle m’a ouvertement jugé, mais elle est toujours là, fidèle au poste. Même si je dois avouer que j’ai l’impression qu’elle me reluque étrangement depuis la fois où elle m’a vu nu…



Cette fois-ci, il parvint à se relever de moitié sans ciller.


  •  Il faut que je lui dise. Il faut que je la remercie de travailler si dur. Ça doit faire quoi… huit ans qu’elle est employée chez moi ? Je crois que je ne lui ai jamais dit. Allons-y !



Elle lui sourit avec tendresse cette fois, cette part de folie et de gentillesse lui plaisait et puis après tout, il avait raison. Melicendre ne l'appréciait guère dû au regard qu'elle avait porté sur elle et son jugement, mais après tout, elle avait réagi comme chaque personne la rencontrant, d'ailleurs Aesril lui-même l'avait ouvertement jugée au départ. 


  • Tu as raison ! Je te suis et je … m'excuserai aussi pour l'avoir incommodée la dernière fois. Et puis, ça devrait bien se passer, je suis plus vêtue cette fois-ci ?  Non ? 



Elle pouffa d'un rire léger en terminant sa phrase, un sourire vicieux en coin. "Cela risque d'être follement intéressant" pensait-elle en attrapant Aesril par le bras pour l'aider à progresser dans sa demeure.


  • Tu es une bonne âme… 



En se levant du lit, Aesril dut s’accorder un moment sans bouger pour simplement laisser la terre se replacer sous ses pieds et faire cesser le tournoiement effréné du monde autour de lui ainsi que les chandelles qui dansaient sous ses paupières. 


  • C’est bien la première fois qu’on me dit une chose pareille… Du moins, par quelqu’un qui me connaisse vraiment… Tu ne dois vraiment pas être dans ton état normal.



S’appuyant de temps à autre sur le bras de Mélicendre, il se dirigea d’un pas chancelant, mais résolu vers l’extérieur de la chambre, déterminé à retrouver sa domestique.


12. Le choix du mage 23046110


  • Dorilwën ! appela-t-il d’une voix forte, dans les escaliers plongés dans la pénombre de la nuit.



Mélicendre pinça ses lèvres de retenue en répondant sournoisement, d’une voix taquine.


  • Tu as raison, je dois être souffrante… J'ai peut-être abusé du vin ? Il faut faire attention, cela peut vite monter à la tête.
  • Je te l’ai toujours dit, il faut de la modération pour ce genre de choses. Il ne faut pas en abuser quand on ne tient pas l’alcool. Moi, tout va bien, ma condition d’Altmer fait que j’en ai une bonne résistance… Mais où est-elle encore passée ? questionna-t-il avec une pointe d’agacement, descendant les marches avec un peu trop d’assurance.
  • Oui… Bien-sûr, vous les Altmer et vos conditions privilégiée… Répondit-elle en pouffant. Elle doit dormir… sûrement 
  • Dormir ? Mais c’est une si belle soirée, c’est ridicule… Quelle rabat-joie. Allons voir… Dorilwën ? appela-t-il tandis qu’il descendait dans le grand hall.





12. Le choix du mage F8c3bf10


Une porte dérobée dans les boiseries d’un mur s’ouvrit à la volée, laissant apparaître une chandelle illuminant une Altmer à l’air revêche en tenue de nuit.


  • Monsieur, mais que se passe-t-il ? Y a-t-il un probl…



Elle interrompit subitement sa phrase en apercevant Mélicendre.


  • Ah… Je ne savais pas que votre invitée était de retour… lâcha-t-elle avec âpreté, sans dissimuler son dédain.
  • Bien le bonsoir Dorilwën. Je suis heureuse de vous revoir également… Monsieur à une soudaine envie de vous parler, semblerait-il. Reprit-elle sournoisement avec un sourire vicieux au coin des lèvres.
  • Ah oui ? s’étonna la domestique en se tournant vers son employeur.
  • Ah oui ? renchérit le principal intéressé.
  • Oui. Si non pourquoi réveiller la pauvre Dorilwën a cette heure tardive… ? Répliqua-t-elle en feignant l’étonnement. 



Aesril papillonna des paupières, se rappelant visiblement ce qu’il faisait là. Il redressa le buste, s’efforçant de reprendre tant bien que mal son habituelle posture digne et déclama avec le plus grand sérieux :


  • En effet… Dorilwën, je tenais à vous remercier pour votre travail des plus admirables. Vous m’avez été fidèle durant toutes ces années, acceptant toutes mes demandes, prenant soin de ma mère, quand bien même elle persiste à croire que vous vous appelez Elinara… Vous me servez du thé et du vin à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, je me souviens même d’une fois où vous m’avez aidé à regagner mon lit… De toutes les fois où je vous ai invectivée pour être entrée dans mon laboratoire ou pour avoir déplacé mes affaires, de vos repas - bien que vous ne soyez pas une cuisinière incroyable, il faut le dire - et aussi pour vous être efforcée de prendre soin de la demeure de ma famille et l’avoir en partie remise en ordre, là où cet endroit était d’une tristesse sans pareil… Et même des fois où, par je ne sais quel miracle, vous m’avez aidé à trouver de la force et de la motivation. Merci Dorilwën. Vous êtes une femme acariâtre, imbuvable, aigrie, aux idées étriquées, facilement impressionnable… Mais je vous aime bien.



Face à cette déclaration, Dorilwën demeura sans voix, son visage oscillant entre l’exaspération contenue et la perplexité la plus complexe, réprimant parfois une exclamation pour éviter de prononcer une parole malheureuse. Elle parut enfin réaliser le comportement improbable de son employeur et l’interrogea, outrée :


  • Monsieur… Avez-vous bu ?


12. Le choix du mage C6bcba11


Il répondit sans se départir de sa solennité :


  • Enfin, Dorilwën, c’est vous-même qui m’avez servi, vous devriez le savoir, non ? Et je vous ferai savoir que je tiens parfaitement la boisson. Vous vous permettez de plus en plus de libertés, je trouve.



À ces mots, elle demeura un moment interdite et, devant son expression pantoise, Aesril, réprimant à grand-peine un rire, s’avança vers sa domestique pour la prendre dans ses bras, dans une chaleureuse embrassade.


  • Allons, venez-là, vous le méritez bien, chère Dorilwën ! Ce ne doit pas être tous les jours que cela vous arrive.



Mélicendre pouffait de rire avec retenue en plaçant sa main devant sa bouche observant les expressions de la domestique et s’en délectant ouvertement lui adressant de grands sourires satisfaits en plissant ses yeux avec espièglerie. Elle était presque attendrie par le comportement d’Aesril mais l’heure tournait, elle eut un élan de pitié pour la pauvre femme et tenta de la libérer en plaçant une main douce dans le dos d’Aesril, sans pour autant la ménager.


  • Mon chéri… Nous devrions laisser Dorilwën se reposer et puis tu as d’autres affaires qui t’attendent à l’étage… Lâcha-t-elle d’une voix douce et suave, en fixant toujours Dorilwën.



Celle-ci ne savait si elle devait se montrer scandalisée ou reconnaissante envers l’étrangère qui tentait de l’extraire de cette situation embarrassante, car elle sentait bien que l'intrigante dissimulait dans sa phrase un sous-entendu lubrique qu’elle trouvait extrêmement indécent. Aesril, quant à lui, parut soudain sortir d’une transe et relâcha distraitement sa domestique pour se retourner vers Mélicendre sans trop comprendre, fronçant les sourcils en redressant le menton. Malgré tout, il n’avait pas l’air beaucoup plus alerte. 


  • Vraiment ? J’avais complètement oublié, ma vie est tellement chargée, je me demande parfois comment j’arrive à me souvenir de tout… De quoi parles-tu déjà, Joli Serpent ?



La gouvernante haussa un sourcil à cette formulation incongrue et, durant une fraction de seconde, Aesril parut lui-même réaliser qu’il venait d’appeler Mélicendre par un nom affectueux devant son personnel. Elle ne pouvait décemment pas s'arrêter en si bonne voie, alors dans un mouvement léger et élégant, elle se pencha à l’oreille d’Aesril pour lui murmurer d’une voix sensuelle : 


  • Tu dois t'occuper de mon corps qui ne cesse de réclamer ton ardeur… et peut-être ainsi pourrais-je trouver le sommeil dans tes bras. 



La réaction du mage ne se fit pas attendre, mais pour une fois, point de réplique subtile ou de jeu d'esprit. Point de regard faussement désapprobateur non plus. Le sang lui monta à la pointe des oreilles, empourprant légèrement au passage ses joues et ses lèvres. Mais cette fois, il n'en ressentit aucune gêne. Il dévisagea Mélicendre quelques secondes, perplexe, plissant les yeux et, sous le regard décontenancé de Dorilwën qui ne reconnaissait plus son employeur si mesuré et froid, il posa ses mains au bas des reins de la divinatrice et darda sur elle le baiser le plus langoureux et passionné que la domestique eût jamais vu. C'en était trop pour elle. Elle en oublia elle-même son savoir-vivre et les convenances.


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  • Monsieur, c'est tout à fait irrévérencieux ! protesta-t-elle, révoltée.



Mélicendre darda un regard rempli de vices à Dorilwën, ses mains déposées dans la nuque d’Aesril, suspendue à son cou.


  • Voyons Dorilwën, vous êtes adulte… Je ne vais pas vous apprendre les plaisirs de la chair, tout de même ? 



Elle recentra ensuite son attention sur Aesril en plaçant une main impudique en bas de ses reins, déposant un baiser sur ses lèvres. La domestique, scandalisée, ne parvint pas à protester. Elle savait que s’insurger contre cette femme qu’elle considérait de petite vertu n’aurait d’autre effet que de mettre sa position en péril. Elle en vint même à se demander si elle n’avait pas usé de quelque charme pour étourdir l’esprit de son employeur. À la réflexion, c’était la seule explication logique. Elle ne l’en exécrait que d'avantage. Alors elle se contenta de lui lancer un regard assassin et choisit une réponse plus mesurée, prononcée avec une froideur tranchante.


  • Inutile Madame, je me vante toutefois d’avoir un minimum de savoir-vivre.



Aesril quant à lui, dépourvu de toute pudeur, entièrement désinhibé, ne parvenait plus à réfréner ses ardeurs, fondant sur la nuque de la divinatrice pour l’embrasser, pressant son poids contre elle pour la repousser contre le mur. Mélicendre était en train de se faire prendre à son propre jeu, emportée dans le torrent de l’excitation d’Aesril, elle se laissait faire, haletante sous ses baisers, avant de stopper sa fougue.


  • Nous devrions… Peut-être… réellement nous éclipser… Si tu ne veux pas provoquer une crise à Dorilwën… Lâcha-t-elle en portant un regard sournois à la domestique.



Il était affairé à faire tomber de son épaule la bretelle de la robe de Mélicendre quand ses paroles firent écho quelque part dans sa conscience et il se rappela la présence de Dorilwën. Il calma peu à peu l’afflux de ses baisers et, réalisant qu’il avait plaqué son corps contre celui de la divinatrice, la contraignant à s’aplatir au mur adjacent, il la libéra quelque peu de son emprise pour lui laisser davantage de liberté de mouvement avant d’adresser un sourire en coin de satisfaction à sa gouvernante. Mélicendre fit un pas de côté avant de reprendre en s'adressant à Dorilwën. 


  • Ce fut un plaisir, à bientôt Dorilwën.
  • Bonne nuit, Dorilwën, renchérit Aesril avec sérieux.



Dorilwën maugréa quelque chose à propos des “Nebarras” et referma la porte derrière elle, pressée de se soustraire à cette scène dépourvue de la moindre décence. Aesril suivit Mélicendre d’un pas hésitant vers les escaliers, mais la vision de cette femme voluptueuse lui faisait tourner la tête. Elle se retourna pour vérifier qu’il la suivait sans difficultés, mais visiblement il peinait à gravir les marches. Elle sourit intensément et descendit quelques marches avant d’attraper son bras pour lui servir d’appui, tentant de lui faire franchir les escaliers pour le conduire jusqu'à sa chambre. Il interpréta ce geste comme une nouvelle invitation à leurs jeux charnels et se saisit lui-même du bras de Mélicendre pour la rapprocher de lui, ses mains cherchant avec convoitise à se glisser sous ses vêtements, perdant son visage avidement dans sa chevelure, usant de son poids pour la pousser à s’asseoir sur les marches du palier intermédiaire. Mélicendre se laissait faire évitant ainsi une chute pour l’un comme l’autre, en restant le plus calme possible, elle essaya de le raisonner.


12. Le choix du mage Aa481010


  • Aesril… Doucement. Je ne suis pas fragile, mais tu vas réussir à me casser quelque chose, si tu continues ainsi…  



Il réalisa un instant où il se trouvait et ce qu’il était en train de faire et quelque part, dans le lointain de son esprit, un écho de culpabilité se mêlait à son excitation et lui faisait comprendre que ce qu’il était en train de faire n’était ni tout à fait correct, ni tout à fait raisonnable. Il s’arrêta subitement, les deux mains se tenant aux marches, se soutenant à la rambarde pour se redresser, passant une main dans le dos de Mélicendre pour tenter de la soutenir. La manœuvre était loin d’être évidente tandis que le monde vacillait. Il se racla la gorge


  • Hum… Je ne sais pas ce qu’il m’a pris… Je… Allons à l’étage, s’il te plaît, supplia-t-il en un souffle, dans sa nuque.



Mélicendre lui sourit tendrement avant de se redresser à son tour. Elle prit sa main dans la sienne, avant de répondre d’une voix rassurante.


  • Tout va bien… Enfin, mes fesses ne sont probablement pas de cet avis mais, tu as raison, ta chambre sera plus appropriée et… plus confortable.



Poursuivant sa marche laborieuse dans les escaliers, il partit dans un éclat de rire hébété, avant de lâcher avec un regard entendu :


  • Ne t’en fais pas pour tes fesses… Je vais bien m’en occuper, je leur ferai oublier la douleur…



Mélicendre pouffa de rire en levant les yeux aux ciels, “Par mes ancêtres, faites qu’ils se souviennent de ses mots demain” Songea-t-elle en pinçant ses lèvres, le tenant fermement par le bras.


  • De toute évidence. Alors ne perdons pas de temps… 



Il parvint finalement à regagner sa chambre, titubant jusqu’à la porte, entrouverte, se dirigeant vers le lit avec empressement quand il l’aperçut, pour finalement s’y laisser tomber lourdement sur le dos. La voix pâteuse, il appela, tendant la main en direction de la divinatrice :


  • Mélicendre…
  • Oui ? Aesril... Répondit-elle en s’approchant de la literie pour s’installer à ses côtés.
  • J’ai… besoin de toi, parce que…



Sa main lourde cherchait la texture soyeuse de la robe de Mélicendre tandis qu’il luttait pour garder les yeux ouverts. Elle prit sa main dans la sienne en se retournant vers lui sa paume en appuie sur le matelas, suspendue à ses lèvres. Il eut un petit rire embrumé avant de reprendre, un sourire aux lèvres.


  • Je crois que… en fait… je déteste cette fichue solitude… cette maison vide, cette vie vide de sens… tout ça pour… quoi ? Hahaha, regarde comme je suis intelligent !



Il posa son autre main libre, la paume à plat sur son visage avant de poursuivre son rire, soufflant du nez, les épaules secouées par des spasmes, émettant de temps à autres des petits raclements de gorges spontanés.


  • Et maintenant, tout le monde veut me tuer, hahaha !



Elle éclata d’un rire franc, il n’avait pas tort, tout le monde souhaitait sa mort ou la sienne, tout ça pourquoi ? Le pouvoir ? La recherche ? Le besoin de créer quelque chose qui restera même après la fin de sa vie ? Elle n’avait pas de réponse, ce qu’elle savait cependant, c'était ce pourquoi elle-même se retrouvait dans cette situation… Pour lui. Au début, c'était pour l’or, Valriel, grâce au pacte, lui avait offert de quoi prendre du bon temps, de quoi vivre un moment sans utiliser ses dons, son corps et la sortir de la monotonie de sa vie, où chaque jour se suivait et se ressemblait, Les clients trop curieux, ambitieux, envieux, désireux de vivre une autre vie et de savoir comment y parvenir, ceux qui payaient pour des élixirs plus étranges les uns que les autres et enfin ceux qui payaient pour son corps et ses talents. Voilà ce à quoi elle s'était soustrait en le suivant et puis aujourd’hui… Où en était-elle ? Elle avait tout perdu pour finalement retrouver ses sentiments et en éprouver de nouveaux, commettre l’irréparable avec la vie d’Ewen, laisser Aleck en cage pendant qu’elle règle ses problèmes… Elle se sentait égoïste, mais en même temps, elle ne s'était jamais senti aussi vivante, aussi utile, aussi désirée, aimée qu’avec lui… Elle balaya ses pensées qui parcouraient sa tête à toute allure en plongeant son regard dans celui d’Aesril.


  • … Je ne suis pas d’accord. Tu n’es pas seul, plus maintenant Aesril. Peu importe les raisons tant qu’elles te conviennent, ne doute pas de ce dont tu es capable, car oui, tu es incroyablement intelligent… Tu es formidable et ceux qui ne le voient pas sont des imbéciles…. Ils veulent nous tuer… Ils devraient être heureux qu’on leur ait donné une bonne raison de vivre !



Plissant les yeux, il releva la tête de moitié en fronçant les sourcils, dubitatif.


  • … Qu’est-ce qui te prends ? Je ne t’ai jamais vue t’énerver… Tu m’inquiètes parfois. Regarde, moi, je suis parfaitement détendu. Tu devrais essayer de rire de temps en temps, ça te ferait du bien, pouffa-t-il, reposant la tête sur le matelas en songeant à une phrase similaire que Mélicendre avait déjà prononcée pour lui.  



Elle plissa les yeux en haussant un sourcil dubitatif, esquissant une légère moue. “Il a osé…” Songea-t-elle. Elle se fit elle-même la réflexion, elle ne s’était pas laissée envahir par l’énervement depuis… à vrais dire, elle était incapable de s’en souvenir. Mesquine, elle passa sa jambe par-dessus le corps du mage, passant son visage dans sa nuque vicieusement en posant une main dans son cou. 


  • Tu… Tu n’aimerais pas me voir en colère… Je ne suis pas un animal docile Aesril. Lâcha-t-elle d’un air sérieux, riant intérieurement.      



Elle sourit intensément en déposant un baiser dans sa nuque avant de lancer un léger sort de sommeil pour calmer les ardeurs d’Aesril, lui permettre de dormir et pour qu’elle puisse reprendre sa traque, cependant la fatigue, le stress qu’elle avait emmagasiné ses derniers jours produisirent l’effet inverse, à la place d’endormir Aesril, c’est elle qui se plongea dans le sommeil laissant tomber lourdement son corps sur le sien. Il sentit une vague d’excitation le parcourir subitement tandis que le sommeil le gagnait et le contraignait à fermer les yeux, il parvint malgré tout à lâcher dans un murmure à peine audible :


  • Hmm… Oh oui Mélicendre, énerve-toi contre moi… Tu es féroce… J’aime quand tu te plaques contre moi… ainsi…



Les émotions et le vin finirent par avoir raison de lui et il sombra dans un profond sommeil, convaincu qu’il était engagé dans un échange torride avec la divinatrice.




***


Le soleil n’avait pas encore éclairé la pièce quand elle ouvrit les yeux. Son visage proche de celui d’Aesril qui dormait profondément, sa main posée sur le torse de celui-ci, elle réalisa ce qui s’était produit la veille et se maudit intérieurement. Elle s’extirpa délicatement des draps de satin pour se diriger vers le bureau en bois sombre, elle ouvrit le premier tiroir pour sortir un parchemin, tremper la plume dans l’encrier et écrire quelques mots sur le papier avant de signer de son nom. Elle rinça la pointe de la plume avant de remettre celle-ci à sa place, sortit une pierre de Jade de sa cape, la déposa sur le papier puis s’avança vers Aesril pour déposer un baiser sur ses lèvres et s’évanouir discrètement dans un portail aux reflets verdoyants.   


“Aesril, 

Bien que cette soirée fut pleine d’imprévus délicieusement intéressants, j’ai dû partir.

Tu as raison, Lyanawën est un problème que nous devons résoudre le plus vite possible.
Nous allons suivre ton plan, je t’ai laissé une de mes pierres… Je vais quant à moi retrouver ma mère pour tenter d’en apprendre plus sur les évènements et les agissements de Lyanawën. 


Quant à toi, eh bien tu vas devoir être le merveilleux esprit que tu es déjà, ne te laisse pas piéger de nouveau, je sais que tu es sensible aux jolies femmes… mais tout de même… 
Commence ton enquête avec la Poursuite Divine, selon ton plan. 


Et je pense qu’il serait judicieux que tu t’excuses auprès de Dorilwën… 


Nous nous retrouverons très vite, 


Je t’aime, Mélicendre.”
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