L'Ordre des Lys et du Serpent
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Général Patafouin
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Chapitre 5 : Confiance Empty Chapitre 5 : Confiance

Lun 24 Juil - 16:31
La nuit avait été atrocement longue pour la jeune femme. Elia avait tourné et retourné dans son esprit les événements de sa soirée de la veille, terrorisée à l’idée de ce que ses pouvoirs qu’elle ne maîtrisait pas auraient pu causer à son père si ses émotions s’étaient emparées d’elle avec plus de force encore. Elle réalisa que, depuis qu’elle avait retiré le talisman que lui avait confié sa mère, libérant ainsi sa magie, rien de bon ne s’était véritablement produit et les forces tapies en elles semblaient aussi incontrôlables qu’imprévisibles. Elle en vint même à se demander si sa mère n’avait pas eu raison de canaliser ses pouvoirs durant toutes ces années. Et si cela avait été une protection salutaire pour son entourage et pour elle-même ? Peut-être représentait-elle un danger ? 


Soulevant les duveteuses couvertures tout en se hissant hors de son lit, elle jeta un coup d’œil au pendentif posé sur sa coiffeuse, petit médaillon doré gravé de minuscules symboles runiques dont elle ne connaissait pas le sens. Elle n’y avait pas touché depuis le jour où elle l’avait retiré en compagnie d’Edric. Il lui semblait qu’il se dégageait de l’objet une aura néfaste qui l’en avait tenue à distance depuis les récents événements. Malgré tout, un bref instant, elle approcha sa main de celui-ci, se demandant s’il ne serait pas plus sage de le remettre autour de son cou et de reprendre sa vie là où elle l’avait laissée, sans causer plus de danger à son entourage. Qui plus est, le regard que leur domestique lui avait jeté la hantait toujours, ses pouvoirs lui apparaissant soudain comme quelque chose de dangereux et de repoussant, à ce souvenir. 


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Mais alors, elle croisa son regard dans le miroir, ce feu qui l’animait depuis qu’elle avait eu cette révélation, et elle se souvint de ce qu’elle était avant que tout ceci ne commence : personne. Une autre petite bourgeoise qui se prêtait au jeu que la bonne société réservait aux femmes. Elle ne pouvait plus faire marche arrière, à présent, elle ne pouvait pas ignorer ce qu’elle était vraiment. Et surtout, elle ne voulait plus de cette vie où elle se sentait commune, ordinaire, ne voulait plus de ce destin qui ressemblait à mille autres pareils. “Je veux être quelqu’un d’exceptionnel.” Se dit-elle en fixant son reflet dans le miroir. “Je veux que l’on se souvienne de moi, partout où j’irai. Pas comme une bonne mère ou comme une bonne épouse, ni simplement parce que je suis jolie. Mais comme une personne forte. Comme quelqu’un d’important. Parce que je l’aurais mérité. Je veux mener ma vie comme je l’entends. J’apprendrai à maîtriser mes pouvoirs et je m’en servirai pour me forger un destin qui m’appartienne.


À ces pensées, alors qu’elle avait toujours la main tendue au-dessus du pendentif, elle replia son bras contre son corps aussi vivement que si elle avait manqué d’effleurer une flamme ardente et redressa le buste. Elle était la fille d’une sorcière. Pourtant, tout le monde respectait et admirait Yvara et nul n’avait jamais trouvé quoi que ce soit à redire à ce qu’elle était. Il allait cependant sans dire que sa mère avait parfaitement bien dissimulé sa condition jusqu’à lors : hormis les ouvrages concernant la magie qu’elle possédait, rien n’indiquait ouvertement sa pratique des arcanes. En y réfléchissant, Elia battit des paupières. Sa mère… Elle avait sûrement des réponses à lui offrir. Elle consignait certainement ses pensées dans un journal ou possédait sûrement quelque écrit qui expliquât sa situation. Ses derniers mots revinrent sonner à l’esprit de la jeune femme dans un écho presque révélateur ; sa mère et sa grand-mère avant elle étaient des sorcières. Elia ne pouvait être la première à se retrouver démunie face à ses pouvoirs. Ces derniers jours, son père avait fait du tri dans les affaires de sa mère. Peut-être aurait-il trouvé quelque chose d’intéressant à ce sujet ? Il fallait qu’elle l’interroge à ce propos et sans tarder. 


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Résolue à faire amende honorable, elle avait décidé de revenir sur ses propos de la veille pour rassurer son père. Elle-même avait conscience que s’engager dans les armées du Roi n’avait rien de raisonnable, surtout à son jeune âge et avec son manque cruel d’expérience en matière de combat, même si cette idée la grisait intérieurement. Elle se prépara, passa une jolie robe et descendit rejoindre son père dans la salle à manger où était servi le petit-déjeuner. 


Geor Bellamont se trouvait déjà attablé et profitait d’une tasse de thé pendant que Gervaise apportait sur la table bien garnie un bol de bouillie d’avoine au miel et des quartiers de pomme. La domestique, jeta un coup d’œil furtif et sombre à Elia avant de rabattre le regard sur son plateau, de déposer le tout et de repartir en direction de la cuisine sans dire un mot.


— Bonjour… Gervaise, salua Elia en lui adressant un regard insistant, outrée du comportement de leur employée de maison qui ne prit même pas la peine de lui répondre. Et bonjour, Père. Tu as bien dormi ?
— Bonjour ma chérie. Oui, oui… “Bien” est un bien grand mot, mais au moins ai-je trouvé le sommeil. Et toi ?
— Dans le même esprit. Dis, Gervaise s’est réveillée du mauvais pied ou quoi ? Qu’est-ce que c’est que ces manières ?
— Oui, elle est étrange depuis ce matin, mais ne lui en tiens pas rigueur, peut-être a-t-elle mal dormi, elle aussi. 
— Les dieux me gardent qu’une mauvaise nuit ne me donne l’air si avachi !, fit elle en se servant une épaisse tranche de pain frais.
— Ne sois donc pas si mauvaise Elia, tu sais comme elle travaille dur. Nous serions bien démunis sans elle, le bon personnel de maison ne se trouve pas à chaque coin de rue.
— Elle a le mérite de faire du bon porridge, au moins. Mais assez parlé d’elle. Père… Je voulais encore te présenter mes excuses pour hier, j’ai fait une terrible erreur.
— Je te l’ai déjà dit Elia, c’est inutile de t’excuser, j’aurais dû être plus à l’écoute et tout ceci n’était qu’un accident…
— Non, je le sais bien, seulement… J’ai eu tort de te dire que je m’engagerais dans l’armée. C’était une bêtise, bien entendu… J’ai cependant eu peur de… De ne pas être écoutée. Que tu choisisses de me cantonner à mon rôle habituel et que tu me demandes de reprendre ma vie telle qu’elle a toujours été. J’ai bêtement songé que prendre le chemin opposé serait la solution, mais il en existe sûrement d’autres. Ce que je veux, c'est apprendre la magie. Savoir que faire de mes pouvoirs… Et être autre chose qu’une simple… Femme ? Je sais que je peux faire plus que tout ça. Je me sens stupide quand je dois seulement porter une robe et battre des cils tout en me montrant spirituelle, mais pas trop, je…
— Elia, Elia… J’ai entendu. Et je comprends. Tu as grandi si vite et je crois… Que mes nombreuses absences loin de la maison ont fait que je n’ai pas vu tout de suite à quel point tu avais changé.
— Et, c’est… Mal que j’aie changé ?
— Non, non… absolument pas, répondit-il avec chaleur, plissant ses yeux noisette et les petites pattes d’oie qui les soulignaient. Mais j’ai bien réfléchi cette nuit et je réalise que je ne peux plus faire comme si j’ignorais cela. Je pense que si tu veux en apprendre plus sur la magie, il est de mon devoir en tant que père de t’aider à aller dans ce sens et à mieux connaître tes pouvoirs.


Elia le dévisagea, estomaquée.


— … Vraiment ? Tu es sérieux ?
— Bien sûr. Et c’est pourquoi, j’ai pris la décision de faire venir un précepteur à la maison, il t’enseignera la magie et t’apprendra tout ce que tu voudras savoir.


La jeune femme en abandonna sa tartine sur son assiette et se releva vivement de sa chaise, se précipitant au cou de son père.


— Oh père ! C’est merveilleux ! Merci, merci mille fois !


Rempli de chaleur de voir sa fille finalement si heureuse après si longtemps, il posa ses mains contre son dos en la berçant doucement, profitant de leur étreinte. Elle avait été si distante ces dernières semaines qu’il avait craint de ne jamais retrouver leur lien qui lui était si cher. Il lui semblait que tout le chaos causé par le départ d’Yvara pouvait enfin commencer à s’apaiser.


— Oh, bien sûr, il faudra sûrement annuler un de tes autres cours pour que tu puisses véritablement t’y consacrer.
— Abandonnons la danse, s’il te plaît… Ou la broderie. Tous ces petits points me rendent folle, quémanda Elia, en enfouissant son large sourire ravi derrière ses bras.
— Comme il te plaira, ma princesse, conclut son père tandis qu’elle se détachait lentement de lui pour reprendre place à table d’un pas guilleret, prenant une gorgée de thé pour calmer son excitation.
— Si tu savais comme tu me fais plaisir. Je craignais que tu ne t’y opposes complètement…
— Tant que tu ne pars pas guerroyer par monts et par vaux, ça me convient. Tout ce que je veux, c’est être sûr que tu es en sécurité, ma chérie. Je souffrirais tant s’il t’arrivait quelque chose…
— Oh, par ailleurs, Père, enchaîna Elia, sans prêter attention aux propos soucieux de Geor. Je songeais à Mère ce matin et je me disais qu’elle avait peut-être gardé des livres ou tenu un journal, quelque chose qui pourrait m’aider à comprendre pourquoi elle m’a remis ce pendentif. Il y a ces symboles très étranges et, ce fermoir soudé… On jurerait qu’on pourrait l’ouvrir ! Vu que tu as fait du rangement récemment, je me demandais si tu avais vu quelque chose de ce genre ?


Son père lui jeta un regard intrigué avant de plonger le nez dans sa tasse de thé.


— Un journal ? Des livres ? Hum… Non, je ne crois pas avoir vu quoi que ce soit qui y ressemble.
— Tu es sûr ? Je jurerais que Mère avait des livres sur la magie pourtant. Elle disait toujours qu’elle ne voulait pas que j’y touche parce qu’elle avait peur que je les abime.
— Comment le saurais-je ? Je n’y connais rien à ces choses-là, tu sais.
— Père, tu es négociant en vin, pas paysan, tu sais à quoi ressemble un livre de magie, même si tu ne la pratiques pas. Tu sais, ce genre de vieux grimoire avec des symboles bizarres et des recettes de cuisine douteuses. Tu es sûr que tu n’as rien trouvé ?, insista Elia en plissant les yeux, déconcertée.


Geor tourna son regard de biais, le déposant sur la petite commode à sa droite, avant de relever les yeux vers sa fille, hésitant, entrouvrant les lèvres.


— Tu sais quoi ? Oui… Oui, ça m’évoque quelque chose, finalement. J’ai mis plusieurs livres anciens dans des caisses l’autre jour, je me disais qu’on pouvait en tirer un bon prix…
— Tu veux vendre les livres de Maman ? Mais tu es fou ? Ils doivent avoir une valeur inestimable !
— Ne t’en fais pas, je les ai mis au grenier pour le moment, je te les descendrai, si tu veux.
— Surtout, ne vends rien, d’accord ? Je te l’interdis.
— Jeune fille, n’est-ce pas censé être moi qui devrais dire ce genre de choses ?
— Pas lorsque tu évoques la possibilité de commettre de telles folies.


Elle s’essuya la commissure des lèvres du bout de sa serviette qu’elle reposa vivement sur la table avant de se relever de sa chaise, prestement, ajustant les plis de sa robe.


— J’irai jeter un coup d’œil à ce qui se trouve au grenier. Peut-être que d’autres choses importantes t’ont échappé.
— Non, je préférerais que tu ne t’y rendes pas pour le moment… C’est… C’est un bazar monstre et j’ai encore du rangement à faire.
— Je te promets de tout remettre à sa place dès que j’aurai terminé.
— J’ai fait tomber une boîte d’épingles l’autre jour, tu pourrais te blesser… 
— Père, enfin, ce ne sont pas quelques bouts de métal qui vont causer ma perte…
— Elia, s’il te plaît. J’ai dit non. Certaines affaires de ta mère qui s’y trouvent me concernent aussi et j’ai besoin que tu respectes notre intimité en tant que couple. Par respect pour ta mère, je te demande d’attendre que j’aie terminé de faire du tri.


La jeune femme se figea, interloquée.


— … Qu’est-ce que tu ne me dis pas, Père ?
— Rien que tu n’aies besoin de savoir, Elia. Et je suis convaincu que ton précepteur saura t’apporter toutes les réponses que tu cherches. J’ai fait un effort dans ton sens. Crois-tu que tu puisses en faire un dans le mien ?


Elle se mordit les lèvres, hésitante. Elle brûlait d’envie d’aller voir par elle-même, sentait que son père lui cachait quelque chose et cela l’agaçait au plus haut point. L’irritation montant en elle, elle sentit des picotements dans les extrémités de ses doigts, aussi agita-t-elle discrètement la main pour tenter d’apaiser cette sensation, la dissimulant entre les plis de sa robe. Elle inspira profondément. La peur de voir ses pouvoirs rejaillir sans qu’elle puisse les contrôler et de voir son père blessé à nouveau la terrorisait. D’un autre côté, elle ne voulait pas lui manquer de respect à lui et à son deuil dont ils n’avaient que trop peu parlé. Elle comprenait qu’il chérisse le souvenir de sa femme perdue si subitement. Seulement, le départ de sa mère avait soulevé tant de questions que son propre deuil lui semblait impossible à surmonter tant qu’elle n’aurait pas compris ce qu’il en retournait vraiment. Au fond d’elle, elle bouillonnait toujours de colère pour sa mère, sans même qu’elle fut véritablement capable de poser des mots sur ses émotions. Seule persistait l’intense et 
fiévreuse sensation qui affluait le long de ses membres avec toujours plus de vitesse et semblait prendre sa source le long de sa colonne vertébrale. Elle frémit, battant des paupières, avant de redresser fièrement le menton.


— Bien sûr, Père. J’attendrai que tu aies terminé dans ce cas. Mais j’espère rencontrer ce précepteur demain, je n’ai que trop attendu !


Quelques jours plus tard, un vieil homme poussiéreux se présenta à la demeure des Bellamont et Geor l’introduisit auprès d’Elia comme son nouveau précepteur de magie. Avec sa longue barbe grise qui lui descendait bien en dessous de la poitrine, sa robe de bure aux manches amples et quelque peu miteuse, aux couleurs violines passées ainsi que son crâne dégarni où de longs cheveux si fins qu’ils étaient translucides couraient au bas de son dos voûté, la jeune femme n’avait aucun mal à croire que cet homme était un érudit. C’était ainsi qu’elle se figurait les personnes de sa profession, mais, intérieurement, une part d’elle craignait que l’apprentissage de la magie ne lui impose de devoir terminer ses jours avec une allure si pitoyable. Elle l’accueillit toutefois avec toutes les politesses et la bienséance d’usage et employa la meilleure volonté à suivre ses enseignements. Après tout, l’homme justifiait de son expérience par de nombreuses années au services de plusieurs guildes de mages notables, dont la guilde des “Alchimistes et herboristes passionnés”, la guilde des “Conservateurs d’ouvrages arcaniques anciens” ainsi que celle des “Amateurs des symboles runiques rares”.


Chapitre 5 : Confiance 80402210

Il était arrivé par calèche et accompagné d’un jeune assistant dégingandé qui croulait littéralement sous les caisses de livres anciens que lui avait commandé d’apporter le vieux maître. Elia brûlait d’impatience de découvrir ce que ce professeur avisé allait lui enseigner et fut bien vite surprise quand celui-ci déposa sous ses yeux le bien pesant ouvrage de “Histoire de la Magie racontée par les Maîtres”, un livre relatant – comme son titre l’indiquait si bien – des grandes découvertes magiques, énonçant de façon très minutieuse les dates et les noms importants, chaque “Maître de magie” ayant prêté leur plume en profitant pour noircir les pages d’éloges à leur propre égard. Il lui en fit d’interminables lectures, de sa voix lente au rythme hésitant, ses yeux fatigués butant sur chaque mot dont les lettres finement calligraphiées avaient à peine la hauteur d’un quart de phalange. Et à chaque session terminée, il l’interrogeait sur les passages parcourus lors de la session précédente. 



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Au début, Elia songea qu’il ne s’agissait là que d’une introduction à l’enseignement qu’allait lui fournir le vieil homme, mais les semaines passaient et elle se rendait compte qu’ils n’avaient toujours pas décollé le nez de leur vieux livre, et chaque fois qu’Elia demandait à en parcourir un autre, il rétorquait qu’elle n’était pas prête. Pire encore, elle se rendit compte qu’elle oubliait au fur et à mesure les passages du livre qu’elle apprenait par cœur et qu’elle mélangeait sans vergogne les noms et les dates, tant celles-ci s’entremêlaient dans sa mémoire, lui donnant la sensation d’être plus incapable que jamais. Néanmoins, le précepteur la reprenait à chaque fois patiemment et la sommait de faire preuve de plus de rigueur dans son apprentissage avant de lui demander d’autres éprouvantes et longues récitations. Sa frustration s’accentuait lorsqu’elle voyait qu’elle ne parvenait pas davantage à avoir une quelconque maîtrise sur ses pouvoirs et plus le temps passait, plus cela devenait une source de préoccupation pour elle et elle ne comptait plus les petits accidents qui se multipliaient : les poignées de portes brûlées, les bibelots soufflés et projetés au sol, la verrerie qui se brisait subitement, l’eau et les boissons qui se mettaient à bouillir soudainement dans leurs contenants… Tout cela inquiétait Elia qui voyait ces épisodes devenir de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses.


Alors, un jour, elle vint quérir son professeur de magie à la fin d’un cours, tandis qu’il était affairé à remettre en ordre ses affaires et à nettoyer sa plume.


— Professeur… Je suis navrée d’insister, mais j’ai besoin de savoir. Voilà des semaines que nous étudions l’Histoire de la Magie. Pensez-vous que nous pourrons bientôt passer à la pratique ?


Celui-ci esquissa un sourire entendu avant de répondre.


— Voyons, vous êtes encore jeune, il y a encore quantité d’ouvrages que vous devriez parcourir avant de songer à vous servir de vos pouvoirs. Vous devez comprendre la magie avant de vous en servir.
— Vraiment ? Vous êtes sûr qu’il n’y a rien de plus… Je ne sais pas… Intuitif ? J’ai la sensation que mon rapport à mes pouvoirs est plus de cet ordre.
— L’intuition est une chose qu’utilisent les bonnes femmes, les guérisseurs de campagne et autres chamans pour mieux justifier leur manque de savoir, mais c’est là une chose hautement hasardeuse que de manier les arcanes sans les comprendre.
— C’est surtout hautement moins ennuyeux…, marmonna Elia dans sa barbe.
— Excusez-moi, jeune fille, je n’ai pas bien entendu, demanda le vieil homme en battant des paupières, sans saisir.
— Appelez-moi Dame Bellamont, merci, rectifia Elia, navrée par la condescendance de son aïeul. Je pensais à voix haute. 


Elle soupira profondément en se massant les tempes. Elle avait l’impression de parler à un mur.


— Bien… Je ne peux peut-être pas pratiquer selon vous. Mais dans ce cas, j’ai besoin de renseignements. 


Elle tira d’une des poches cachées dans les plis de sa robe le petit pendentif doré orné de runes qu’elle laissait habituellement sur sa table de chevet et le présenta au vieil érudit.


— Savez-vous de quoi il s’agit ? Auriez-vous déjà vu un tel objet quelque part ?


L’homme allait tendre la main pour prendre le pendentif dans sa paume quand il se ravisa subitement, comme s’il avait craint, lui aussi, de se brûler.


— Est-il enchanté ?
— C’est vous l’expert, c’est à vous de me le dire…
— Les runes laissent à penser qu’il s’agit d’un objet enchanté… Et je dois dire qu’il s’en dégage une… très forte et très intense aura de magie… Une magie qui ne m’est pas familière. Puis-je ?, proposa-t-il en approchant la main dans laquelle il déposa un mouchoir pour mieux le prendre avec précaution.
— Bien sûr, fit Elia en le lui confiant, intriguée.


Le précepteur l’approcha de son visage avec circonspection, analysant les glyphes qui se trouvaient gravés sur le métal, son visage se fermant soudain. Il lui rendit vivement l’objet.


— C’est une magie impie, primaire. J’ignore ce que veulent dire ces glyphes, mais je sais que ceux qui les utilisent vénèrent des forces de la nature qui nous dépassent.
— Et ça… C’est un problème ?
— Ce sont des sorciers. 
— Et les sorciers ne sont pas assez bien pour la magie que vous pratiquez, c’est cela ?
— Non, non, euh… Ils ne pratiquent pas la magie de la même manière, on ne peut pas vraiment le dire, oui, ce n’est pas tout à fait académique… 
— D’accord, d’accord, poursuivit Elia qui perdait patience. Et… Vous pouvez me dire quelque chose à ce sujet ? Qui sont ces gens exactement ? Quelle genre de magie pratiquent-ils ?
— Eh bien… Il n’y a pas beaucoup d’écrits à leur sujet, voyez-vous, ils préfèrent garder leurs coutumes secrètes ou les transmettre à l’oral, mais… de ce que je sais, ils sont répandus un peu partout de Haute-Roche à la Crevasse. Certains traités relatent de pratiques barbares et de sacrifices d’animaux, parfois même, des sacrifices humains. Ils chercheraient à communier avec la nature. On parle aussi de groupes composés exclusivement de femmes qui se feraient appeler les Wyresses…
— Les Wyresses… Ce nom me m’évoque vaguement quelque chose. Que font-elles exactement ?
— Je suppose qu’elles vénèrent la nature, d’aucuns disent qu’elles nouent des pactes avec les esprits des forêts et… euh… Enfin certains racontars ne sont pas bons à dispenser à une jeune femme de bonne famille, Mademoiselle.
— Allons, je suis sûre que mes oreilles chastes peuvent l’entendre.
— Monsieur votre père ne serait sûrement pas de cet avis, jeune fille.


Elia observa le pendentif entre ses mains un moment, avant de le remettre dans sa poche et de redresser le visage vers son précepteur dans un large sourire faussement aimable. Elle hocha lentement la tête.


— Quand pensez-vous que nous pourrons passer à la pratique ?
— L’apprentissage des arcanes nécessite un enseignement théorique appuyé, je dirais que d'ici à cinq ou six ans, vous devriez être prête…




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Lorsqu’elle revint dans la salle à manger, en début de soirée, son père l’y attendait pour souper et il l’accueillit chaleureusement.


— Alors, ma chérie, comment s’est passé ton cours avec ton maître de magie ? Tu as appris des choses intéressantes ?
— Je l’ai renvoyé, annonça-t-elle en déposant gracieusement sa serviette sur ses genoux. Il ne faisait pas l’affaire.
Son père manqua de s’étrangler.
— Tu as fait quoi ?!
— Cela faisait une éternité qu’il me faisait résumer des passages de son vieux livre poussiéreux et je n’ai pas appris à lancer un seul sort ! J’ai plus appris seule qu’avec lui. Je pense que je peux trouver mieux.
— Elia… Sais-tu seulement comme il a été compliqué pour moi de te trouver ce précepteur ? Ces personnes sont toutes si affairées et pratiquent des tarifs bien élevés…
— Nous en trouverons un autre. Mais je veux choisir le prochain. 
— Les dieux nous gardent… soupira son père. Je crois que je t’ai bien trop gâtée…
— Les dieux n’y peuvent plus rien, je suis ta seule fille et ta seule source de préoccupation jusqu’à la fin de tes jours. Et c’est une chance, tu peux ainsi pourvoir à chacune de mes exigences.
— Ton impertinence te perdra, ma fille… Tu as bien de la chance que je sois si gentil avec toi, poursuivit son père dans un regard désapprobateur. Que vas-tu faire en attendant qu’on ait trouvé un remplaçant ?


Elia lui jeta un regard en biais avant de croquer dans une carotte, songeuse.


— Je songeais à monter Vespertine. Cela fait longtemps qu’elle n’a pas fait de véritable sortie et moi non plus. Cela nous fera du bien.
— De l’équitation ? Vraiment ?
— Mieux vaut cela que de rester enfermée, ne croyez-vous pas ?
— Oui, oui, assurément. Et pour le professeur ?
— J’en profiterai pour aller en ville et tenter de me trouver quelqu’un qui me convienne.
— Je vois que tu as encore tout décidé sans me consulter…
— Ne te vexe donc pas, Père, ta fille sait ce qu’elle veut, je deviens seulement plus indépendante, tu devrais t’en réjouir.
— Lorsque tu auras toi-même des enfants, tu comprendras que les voir grandir n’est pas toujours rassurant… rétorqua son père avec humeur.


Lorsque le dîner fut terminé, Elia salua son père et le raccompagna jusqu’à sa chambre avant de s’arrêter devant la porte de la sienne. Elle l’ouvrit et la referma de façon sonore, se figeant en écoutant les sons autour d’elle. La demeure était plongée dans un silence que seuls venaient déranger quelques craquements familiers. Elia expira profondément, se mit sur la pointe des pieds, comptant sur ses quelques cours de danse et gagna l’étage supérieur à petits pas furtifs, évitant les lattes du plancher dont elle connaissait les grincements par cœur, se félicitant pour son adresse. Grisée, elle avait le sentiment d’accomplir une mission dangereuse.


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Elle grimpa jusqu’au grenier, mais eut la mésaventure de trouver la trappe qui en permettait l’accès, verrouillée à l’aide d’un cadenas.



— Par les dieux, il se moque de moi… pesta Elia dans un murmure.


Tout cela lui paraissait d’autant plus suspect et était loin de la décourager. Elle fit passer le cadenas entre ses mains. Elle n’avait bien entendu aucune idée d’où son père pouvait garder la clef. Elle soupira nerveusement en essayant d’imaginer comment elle pouvait s’introduire discrètement dans le grenier. Bien sûr, elle pouvait attendre le lendemain et tenter de trouver la clef pour la subtiliser, mais elle craignait que si son père se doutait qu’elle cherchait les affaires de sa mère, il ne l’empêche définitivement d’y accéder, surtout vu le mal qu’il se donnait pour l’en garder. Il se trouvait aussi une petite lucarne, mais la perspective d’escalader la façade lui serra le ventre. Elle doutait sincèrement d’y parvenir sans se briser le cou. Alors, elle fixa le petit cadenas, se mordant les lèvres d’angoisse.


— Allez Elia… Tu peux y arriver… Tu as de la magie en toi.


Elle ferma les yeux et repensa à toutes les fois où la magie s’était manifestée en elle. Irrémédiablement, cela la mena à la frustration qu’elle avait pu ressentir ces derniers jours, la colère aussi. La colère contre les mensonges de sa mère, contre l’injustice de sa mort, contre les cachotteries de son père, contre le dégoût évident de Gervaise et contre ce précepteur et son livre maudit. Elle sentit à nouveau cette brûlante sensation lui emplir les entrailles et son corps tout entier s’agiter de violents picotements. Ses émotions qu’elle avait réprimées jusqu’à lors, elle se concentra pour les vivre pleinement et les laisser s’exprimer en elle. Bien vite, elle se trouva décontenancée de voir combien elle les avait réprimées tout ce temps, sans même s’en rendre compte en les découvrant rugir en elle. Une fraction de seconde, elle se surprit à percevoir quelque chose qu’elle n’avait jamais remarqué auparavant, comme si elle pouvait entendre et sentir les particules autour d’elle, celle du feu qui brûlait aussi en elle et elle se concentra sur cela jusqu’à remarquer que le cadenas dans ses mains commençait à s’échauffer, lui brûlant les doigts. Elle se mordit les lèvres en le lâchant pour réprimer une exclamation de douleur.


— Ah ! Saleté de… Bon… D’accord. Mieux vaut ne pas le tenir…


Elle se contenta alors de garder ses mains au-dessus de l’objet qui se mit à rougeoyer et à se tordre légèrement, aussi Elia s’aida-t-elle d’une pince à chignon pour en écarter l’anse du mécanisme, se brûlant les doigts à plusieurs reprise.


— J’y suis presque… Presque… Ça y est !


Ne pouvant la retenir, la serrure retomba lourdement au sol dans un bruit sourd, figeant la jeune femme au sommet de l’échelle qui se crispa sur la rambarde en attendant de savoir si le sort avait décidé de la punir. Dans un réflexe, elle mit ses mains en prière devant son visage, levant les yeux au ciel en implorant tous ses dieux.


— Pitié… Faites qu’il ne se réveille pas…
 
Un craquement soudain lui raidit dit subitement les épaules, mais elle ne perçut par la suite aucun autre son qui indiquait que quiconque montait jusqu’à elle. Elle compta les secondes en pensée et quand elle eut estimé qu’elle avait assez attendu, elle ouvrit la trappe et pénétra dans le grenier.


En déposant sa lampe sur le sol, elle s’assit en soupirant profondément. Malgré tout, elle ne pouvait s’empêcher de se dire que toutes ces cachotteries n’avaient rien de normal. Elle avait toujours eu une pleine confiance en ses parents. Et voilà que sa mère lui révélait qu’elle lui avait menti toute sa vie, que son père l’empêchait d’accéder au grenier sans aucune raison apparente et qu’elle se trouvait obligée d’agir comme une voleuse dans sa propre maison ? Cela défiait tout ce en quoi elle croyait et il lui était clair qu’elle confronterait son père dès lors qu’elle aurait trouvé ce qu’il mettait tant d’efforts à lui dissimuler.


Sentant toujours ses mains agitées de la forte énergie magique qui circulait en elle, elle s’efforça de se tempérer du mieux qu’elle pouvait et de replacer ses émotions tout au fond d’elle-même pour mieux retrouver son sang-froid habituel. La magie se dissipant quelque peu, elle retrouva complètement les sensations de sa peau meurtrie et la marque du métal contre sa paume délicate lui indiquait qu’elle avait une bien sérieuse brûlure. Elle inspira l’air entre ses dents dans un sifflement de douleur.


— Les mages et les sorciers ne sont-ils pas censés être protégés contre leurs propres sorts ? C’est complètement stupide… Dieux, ça fait un mal de chien ! … Bon, concentre-toi Elia. Tu es venue pour les documents. Alors… Où sont ces caisses d’affaires ?


De sa main valide, elle récupéra la lanterne et progressa dans la pièce, prenant garde à ne pas se heurter la tête contre les poutres de la mansarde. Elle n’avait rien d’un détective, mais en inspectant, les lieux, elle ne fut pas longue à savoir où commencer ses recherches. Parmi tous un bric à brac prenant la poussière, une large malle semblait avoir été tirée récemment, et placée sous un tapis roulé qui couvrait de toute évidence le sol peu de temps auparavant, au vu de l’épaisse couche de poussière qui traçait un rectangle parfait au sol, se révélant sans mal aux lueurs dansantes de la flamme s’agitant dans la lampe.


— Pourvu que Père ne cache pas des cadavres, il ne serait pas long à finir dans les geôles…, s’amusa-t-elle en accrochant la lanterne à un crochet planté dans la poutre, soulevant l’épais tapis pour soulager la malle et en ouvrir le couvercle.


Chapitre 5 : Confiance 3735a4c5553582a888c1276f415b7247


À l’intérieur, elle trouva les foulards et pièces d’étoffe préférées de sa mère et elle ne put s’empêcher de sourire en les voyant, lui remémorant les souvenirs de jours et d’occasions où elle l’avait vue les porter. Elle plongea son nez dans l’un d’eux et l’odeur douce et familière qu’elle y trouva fit remonter des émotions si douloureuses qu’elle reposa immédiatement la précieuse étoffe pour reprendre aussitôt ses recherches, sentant les larmes obscurcir soudain sa vue. Elle ravala sa peine et se rassura en se disant qu’elle approchait du but : sous les foulards et rubans, elle trouva d’épais ouvrages enveloppés dans plusieurs couches de papier de soie et traitant de quantités de sujets concernant la magie, sous bien des formes. Elle trouva aussi un carnet écrit de la main de sa mère où elle avait noté toute sorte de sortilèges et d’incantations, principalement des rites de protection contre la maladie, la faim, le mauvais œil.


— De telles choses ont-elles jamais fonctionné ? Je pensais que c’étaient là des croyances populaires… Mère y croyait, visiblement.


Elle y trouva aussi annotées des recettes de potions, décoctions et tisanes qu’Elia se souvenait parfaitement avoir ingérées, parfois non sans une grimace, lorsqu’elle présentait de signes de fatigues ou qu’elle attrapait de vilains rhumes durant l’hiver, lorsqu’elle jouait un peu trop longtemps dans la neige. D’aussi loin qu’elle se souvenait, elle se remémorait d’avoir toujours eu une plutôt bonne capacité de rémission face aux maladies, qu’elle n’avait presque jamais vu de guérisseur jusqu’à lors et que, contrairement à certains de ses amis et connaissances, n’avait jamais subit de saignées. Sa mère l’avait-elle prémunie de cela tout ce temps, sans qu’elle s’en fut rendue compte ? Elle réalisa que cela lui avait toujours paru normal, mais il était évident que sa mère avait de grandes connaissances à ce sujet et les nombreux livres et traités d’herboristerie qu’elle possédait confirmaient ses soupçons. Elle aurait voulu tout emporter avec elle dans sa chambre pour passer des heures à parcourir les vieux livres de sa mère, mais elle se dit qu’elle aurait tout le loisir de les étudier lorsqu’elle en aurait parlé à son père. 
Cela la ramena à une pensée qui souligna l’évidence : tout ceci ne pouvait être la seule chose que Geor ne voulait pas qu’elle voie. Ça n’avait pas de sens. Quel mal pouvaient lui faire tous ces livres de magie et ces vieilles recettes ? Surtout alors qu’il avait clairement été dans son sens en engageant ce précepteur, bien que celui-ci se fut révélé à peu près aussi utile qu’une fourchette à soupe.


Elle s’enfonça un peu plus dans l’immense malle qui semblait à ses yeux comme un fabuleux trésor de pirates et, en soulevant d’autres épais ouvrages, elle fit tomber un petit carnet à la couverture de cuir abimée par le temps et les nombreux frottements. Plus intriguant encore, sur le carnet, une petite étiquette soigneusement calligraphiée mentionnait le nom “Elia”. Elle se rua dessus nerveusement et l’ouvrit cérémonieusement. Émue, elle trouva à l’intérieur une petite pochette de papier dans laquelle sa mère avait glissé une mèche de ses premiers cheveux. Sur l’enveloppe était annotée sa date de naissance ainsi que les mots : “Elia, ma bénédiction, mon seul enfant.”. Elle caressa tendrement du bout du doigt les délicates inscriptions lui rappelant combien elle était aimée et désirée, une sensation chaleureuse lui emplissant doucement le cœur et elle tourna les pages pour parcourir le carnet où sa mère relatait sa joie de l’avoir. Mais plus elle lisait et plus Elia comprenait : la raison pour laquelle elle n’avait ni frère ni sœur était que sa mère n’avait jamais pu mener ses précédentes grossesses à leur terme, la naissance de sa fille saine et en bonne santé lui ayant alors apparu comme une bénédiction des dieux. Néanmoins, son discours semblait se ternir à mesure qu’elle lisait ses mots et une phrase l’interloqua. 


— “C’est pourquoi je ne comprendrai jamais quel tour les dieux m’ont joué en dotant mon unique enfant d’un destin si instable. Je crains de ne jamais pouvoir être la mère que j’aurais aimé être avec elle. Lui cacher la vérité m’est insupportable, mais je connais ma fille et je sais qu’elle n’apportera aucun crédit à ce que je lui dirais. J’aimerais moi-même tellement que nous nous soyons trompées, mais les os n’ont jamais menti. Je n’oublierai jamais ce jour maudit où le cerf a poussé son brame pour la dernière fois, le huitième mois de ma grossesse… ”. Qu’est-ce que c’est que ces histoires… murmura Elia qui n’y comprenait plus rien. 


Sans savoir précisément pourquoi, à la lecture de ces mots, elle fut parcourue d’un frisson et laissa échapper un petit feuillet qui tomba d’entre les pages du journal. Prenant le parchemin délicat entre ses mains, elle le déplia, pour parcourir rapidement l’écriture qui lui était inconnue. La calligraphie était fine et petit et à la faible lueur de la lanterne, la déchiffrer s’avéra laborieux.


— “Ma Sœur, Je sais à quel point tout ceci est délicat, mais tu dois t’assurer que tout ceci reste dans le Cercle. Tu sais que je n’approuve pas ton choix de vie maritale, cependant, je ne peux aller contre ta décision et je conçois que la pression de tes parents et ton désir de t’impliquer dans la vie mondaine t’y obligent. Cependant, il est important que ta famille en sache le moins possible. Tu sais qu’il s’agit là de la volonté de Jephre.” Qu’est-ce que… On dirait des fanatiques… “Tant que ta fille porte son pendentif, rien ne pourrait… ”


Elle était si investie dans sa lecture qu’elle ne perçut que bien tard les pas sur les marches qui menaient au grenier et une lumière vacillante vint confirmer ses inquiétudes, son cœur se mettant à battre vivement contre sa poitrine. Sans lâcher la missive des mains, elle se remit sur ses jambes, sur le qui-vive, prête à affronter la tempête. Sans surprise, le visage de son père apparu sur le seuil.


— Elia, mais… Par les dieux, comment…


Il tira une petite chaînette maintenue autour de son cou au bout de laquelle pendait une petite clef en étain, éberlué.


— Qu’as-tu fait du cadenas ?, bredouilla-t-il, estomaqué.
— Je l’ai fait fondre, répondit-elle aussitôt, froidement, sur la défensive en se souvenant du mal que s’était donné son père pour l’empêcher de venir ici.
— Tu l’as… Elia je croyais t’avoir demandé de ne pas venir ici.
— Et pourquoi au juste ? Pour me cacher des choses qui me concernent directement ? Pour m’empêcher de découvrir que Maman avait de terribles et inavouables secrets ? Quand allais-tu te décider à me parler de tout cela ? Jamais ?
— Elia… Qu’est-ce que tu sais, au juste ?
— Depuis tout ce temps, tu me faisais croire que tu ne savais rien ! Pourquoi ?!
— Pour te protéger ! Elia, quand tu étais malade, cette femme, elle… Elle est venue te voir, elle voulait t’emporter avec elle…


Les doigts se crispant sur le parchemin, Elia s’humecta les lèvres, méfiante.


— Une femme ? Quelle femme ?
— Je te jure que je n’en sais rien, je ne sais pas qui elle est. Elia… Pourquoi ne me rendrais-tu pas ce parchemin ? Nous ne sommes pas obligés de prêter attention à ces choses-là…
— Non !, s’exclama-t-elle en serrant la lettre contre elle. Non, j’en ai assez que l’on me traite comme une enfant ! J’ai le droit de savoir ! Qu’est-ce que toi et Mère m’avez caché tout ce temps ? Tu étais au courant des raisons pour lesquelles elle m’avait confié ce pendentif ?
— Elle disait que c’était pour ton bien, Elia, je te jure que je ne savais rien de tout ça, avant…
Les larmes aux yeux, elle secoua la tête dans de petits gestes secs.


— Comment pourrais-je te croire, à présent ? Alors que tu as eu tout le loisir de découvrir la vérité et que tu tiens tant à me la cacher ?
— Elia, je te promets que tout ce que je fais, je le fais pour toi…


Plus furieuse encore face à ces piètres excuses, elle allait répliquer quand ils furent interrompus par des cris effarés, quelques étages plus bas.


— Au feu ! Au feu ! Le plancher est en train de brûler !


Geor et Elia se figèrent aussitôt, se dévisageant, les yeux grands ouverts.


— Le cadenas… lâcha Elia dans un souffle.


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