L'Ordre des Lys et du Serpent
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Général Patafouin
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Chapitre III Empty Chapitre III

Sam 24 Fév - 16:47
Chapitre III 3b3a9f10

— Citoyens et citoyennes ! Peuple du grand royaume Altmeri ! Nous vivons des temps troubles. Notre civilisation est menacée ! De toutes parts, les nebarras pullulent à l'extérieur de nos terres. Des humains ! Des Vilen Taen. Ils volent notre magie ! Nos savoirs ! Salissent notre sang ! Trop effrayés par ce que nous représentons, ils coupent les oreilles de nos enfants ! Les mutilent pour les priver de pouvoir ! Crachent sur notre culture ! Quand viendra le temps où nous les aurons suffisamment laissés prospérer, croire qu'ils ont un quelconque pouvoir, au point qu'ils viendront voler les terres de nos ancêtres ? S'approprier nos foyers, détruire nos forêts ? Répandre leurs paroles impies et inviter le mal et les Daedras chez nous ? Car ne vous y trompez pas, la seule magie qu'ils sont capables de maîtriser leur vient des créatures les plus odieuses, allant même jusqu'à pactiser avec Molag Bal en personne ! Ils vont jusqu'à influencer les esprits de nos plus fidèles concitoyens, les poussant à se détourner de la Praxis ! Ne leur laissons pas l'opportunité de prospérer plus longtemps et rejoignez les troupes de la Poursuite Divine !



Sur l'esplanade faisant face au palais de Justice, la foule applaudit. Le soleil de midi faisait luire d'un blanc éclatant les dalles de marbre, tranchant le bleu du ciel et l’armure de la Justiciar perchée au sommet l'estrade. Jeunes et anciennes générations, tous semblaient approuver ce discours plein de passion et de patriotisme. 


— Bravo, beau discours !, s’époumona un jeune elfe d'une vingtaine d'années aux côtés de Menduil. Il me tarde de passer les concours.
— Pareillement, j'attends ce moment depuis toujours. Mais te connaissant, ta place là-bas semble toute tracée.
— Mes parents se sont toujours battus pour défendre notre domaine de ces chiens de Nebarras et de tous les déviants. C'est un peu notre devoir familial de protéger nos terres.
— Nul doute que tu couvriras ta famille d'honneurs. Je compte bien faire prospérer notre nom dans ce domaine, moi aussi.
— Cynriel n'est-elle pas investie dans la politique, par ailleurs ?


Menduil tiqua légèrement à l'oubli du titre devant le nom de sa mère. Ancarion avait toujours eu cette manière bourrue de s'exprimer et s'il avait fini par admettre qu'il préférait sa franchise crue aux délicates paroles emplies de bons sentiments et d'hypocrisie de certains, il n'en restait pas moins dérouté par le peu d'élégance de son langage.


— En effet, mais Mère est affiliée à des missions tout à fait confidentielles. J'ignore quel usage sa Majesté fait de ses talents de diplomate et de stratège. Je sais seulement qu'elle en revient éreintée chaque fois.
— On a de la chance d'avoir des personnes si investies dans la protection de notre beau royaume. Les dieux savent quelles déviances pollueraient nos terres sans cela. Je veux laisser un beau monde à ma descendance et pas la lie que l'on peut voir dans ces royaumes humains. Sans parler du reste…
— Tu comptes avoir des enfants ?, questionna Menduil.
— Oh, pas de suite, mais peut-être plus tard, oui. Un poste à la Poursuite, ça aide aussi pour s'attribuer les faveurs de ces dames.


Bien qu'il n'avait rien d'un roturier, Ancarion n'était pas de ces nobles familles du Couchant, même s'il se plaisait à rappeler combien il descendait d'une ancienne lignée de serviteurs du royaume. Il devait surtout la fortune de sa famille aux incroyables talents d'armateur de son père ainsi qu'à une pension de vétéran d'une de ses grand-mères encore vivante. Engendrer une descendance revêtait, de ce fait, une moins haute priorité qu’auprès des membres de l'aristocratie.


— Et toi ? Quelqu'un en vue ?
— Pas pour le moment, je le déplore. Je ne semble pas trouver grâce aux yeux des dames de mon rang. Il est remonté à mes oreilles qu'elles me trouvent trop distant. Qui plus est, je suis le second fils, un parti moins intéressant pour quiconque chercherait à créer une alliance prospère.
— Si j'étais toi, je ne m'en ferais pas trop. Je te le dis, peu importe le rang, elles adorent les uniformes.


Menduil esquissa un sourire approbateur en guise de réponse. Le soutien d’Ancarion lui était agréable. Il voyait en lui un homme fiable et droit, un fier défenseur de leur patrimoine et il admirait cette dévotion pure. Cela faisait un an qu’ils s’étaient rencontrés à présent et il se réjouissait d’avoir pu profiter des festivités d’inscription de la Poursuite Divine pour avoir l’occasion de voyager jusqu’à Alinor et de le retrouver. Il n’était que trop heureux d’avoir un camarade avec lequel se soutenir lorsqu’ils entreraient au centre de formation des Justiciars. 


Ils s’esquivèrent finalement de la foule pour mener leurs pas jusqu’aux agents chargés du recensement des futurs élèves. Les résultats de Menduil avaient été très bons, tant par ses performances physiques qu’intellectuelles. Il espérait être placé dans une bonne division. 

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— Nom de l’aspirant ?, demanda le Justiciar lorsque fut venu son tour.
— Menduil d'Étincelance, fils d’Hilnore.
— C’est un honneur de recevoir un nom tel que le vôtre, Cerum. Posez votre main sur ce parchemin, s’il vous plaît. 
Il s’exécuta, laissant une empreinte luminescente sur le feuillet enchanté. Le Justiciar le plaça de côté, sur une pile déjà bien haute.
— Votre division d’étude vous sera communiquée sous peu en fonction de vos aptitudes. Merci pour votre dévouement à notre cause.


Il s’inclina dans un mouvement sec du buste, avant de retourner à l’écart de la file. Bien sûr, il n’avait aucune assurance d’être retenu. Nombreux étaient ceux qui voulaient faire partie de ces rangs prestigieux et il était le premier de sa famille à vouloir intégrer la Poursuite Divine. Il n’avait pas l’appui de ses ancêtres pour faciliter son intronisation. 
Il finit par retrouver Ancarion parmi la foule de jeunes gens venus s'inscrire, louvoyant vers lui en quelques grandes enjambées.


— D'ici quelques mois, nous serons ici, à nous entraîner pour servir notre royaume… C'est grisant !, s’enthousiasma Menduil.
— Attendre jusque-là sera long. Mais toi et moi, nous nous serrons les coudes une fois à l’académie. 
— Si seulement j’avais eu un frère tel que toi… Je n’aurais point tant de détestation à retrouver mon foyer.
— Si tu veux qu’on donne une bonne leçon à ton frère, tu sais qu’il te suffit que d’un mot de ta part… Ça pourrait lui apprendre.
— Ce ne serait pas pour me déplaire, crois-moi. Mais non. Je compte bien m’en charger personnellement et lui montrer qu’on peut encore faire les choses avec honneur. Un jour, il fera une erreur. Et ce jour-là, je serai là pour lui rappeler qu’il a eu tort de me provoquer aussi longtemps.


Ancarion pesta.


— Si ça tenait qu’à moi, nobles comme roturiers, tous seraient traités de la même manière. Certains aristocrates oublient où est leur place et se croient protégés par leur famille.
— Puissent les dieux t’entendre, Ancarion.
— D’ailleurs, que fait-il, en ce moment ?
— Oh, quand il n'est pas à l'académie, il traîne avec ses amis stupides qui envahissent le petit salon de notre demeure pendant des heures. Heureusement, ma mère ne concède pas à tous ses caprices excentriques. Lorsqu'elle est là, il a le mérite de se tenir à peu près à carreau. Malheureusement, elle sera encore en mission sur le terrain à mon retour.
— Dans ce cas, je te souhaite bien du courage. À la prochaine, l'ami. Essaie de ne pas le défenestrer d'ici là, lança Ancarion en lui adressant une légère bourrade à l'épaule.
— J'y veillerai !, répondit Menduil en étouffant un rire. Et toi, sois en forme pour l'entraînement qui nous attend.
— Compte sur moi !


Repartant chacun de leur côté, Menduil regagna les abords de la ville pour retrouver son cheval scellé à l'écurie. Une longue route l'attendait, mais il espérait bien être de retour le plus promptement possible. 


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Lorsqu’il revit les contours de la ville se dessiner à l'horizon, trois jours plus tard, le soleil de fin d'après-midi commençait à étirer les ombres autour de lui, dans la douce chaleur de l'été. Il quitta sa monture non sans soulagement et, une fois menée à l'écurie, poussa sans plus attendre la porte de leur demeure, passant par l'arrière-cour. Repousser l'instant n'y changerait rien, il était bien forcé de cohabiter avec Elimon. Cependant, au lieu de trouver la maison agitée des invités de son père et ceux de son frère, celle-ci était inhabituellement calme, le petit salon aux rideaux tirés, plongé dans une lumière tamisée. Lorsqu’il gagna le hall d'entrée, les domestiques qui y circulaient le saluèrent, la mine basse. Quelque chose vint s'alarmer en Menduil. 


Il gagna les étages supérieurs, à la recherche d'un membre de sa famille et, cette fois-ci, peu lui importait qu'il se fut agi d'Elimon, pourvu qu'il apprenne sans détour ce qu'il se tramait. Et comme si les dieux répondaient à son appel, ce fut justement lui qu'il croisa dans les couloirs, refermant derrière lui la porte menant à la chambre de son père. Sur son visage, point de regard narquois cette fois-ci, ni de sourire suffisant. Elimon affichait un air grave que Menduil ne lui avait encore jamais connu. Il lui avait toujours semblé que rien n'atteignait son frère.

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— Père a demandé à te voir… Une chance que tu ne te fasses pas attendre. C'eût été franchement déplacé.


Il le dévisagea un peu plus en détail. Les yeux rouges, la mâchoire crispée, les épaules voûtées… Qu’est-ce qui pouvait bien mettre Elimon dans un tel état ? Avait-il fini par dépasser les bornes ? Il allait partir quand Menduil l’interpella, interrompant sa progression.


— Elimon… Que s’est-il passé ?


Son frère demeura un moment au milieu du couloir, lui tournant le dos, redressant la tête à demi, avant de répondre, d’une voix étranglée :


— … Que veux-tu qu’il se soit passé, Menduil ? Notre mère… Elle… nous a quittés.
— … Quoi ? Mais… Comment ?, bredouilla Menduil, sentant le sang quitter ses extrémités.


Elimon se retourna finalement complètement pour couvrir la distance qui les séparait de trois grands pas.


— Comment crois-tu qu’elle soit morte ? Tuée lors d’une mission, bien sûr. Ça devait arriver avec toutes ces bêtises politiques qu’il se passe en ce moment.
— … Mère… Croit… Croyait en ce qu’elle faisait. Ce n’étaient pas des bêtises. Elle accomplissait son devoir…
— Rien ne vaut jamais plus pour toi que ton sacro-saint devoir, Menduil ? Mère n’est plus là et toi, c’est tout ce que tu vois. Je…


Elimon fit un mouvement pour repartir, mais il s’abstint, son visage s’empourprant de colère.


— Que les autres nous servent ce genre de boniments, mais toi… Pour l’amour des dieux, c’est notre mère, Menduil ! Nous ne la reverrons plus jamais ! Nous ne pourrons plus jamais lui dire au revoir ! Et tu viens me parler de devoir ? Tu crois que c’est bien ce qu’il s’est produit ?
— Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit, Elimon…
— Tu sais quoi ? Laisse tomber. J’ai besoin de me recueillir auprès de personnes avec de véritables émotions, pas avec quelqu’un qui a le cerveau rempli d’idéaux à la con, tel que toi.


Menduil toujours sous le choc des mots prononcés avec tant de hargne, Elimon en profita pour se ruer vers les escaliers, les dévalant aussi vite que possible avant de claquer la porte principale, laissant son frère seul dans le vaste couloir vide où seul résonnait le cliquetis discret d’une pendule. Fébrilement, il se retourna pour frapper à la porte de la chambre attenante. Au bout de quelques secondes, la voix de son père résonna de l’autre côté, l’invitant à entrer.


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Il le trouva seul, assis devant la coiffeuse de sa femme, sa redingote dénouée, ses longs cheveux encadrant son visage dans un enchevêtrement chaotique, comme s’il y avait entortillés ses doigts encore et encore pour chercher à s’y agripper. Lorsque Menduil s’annonça, il étouffa un sanglot.


— Elle était… Si belle. Si intelligente… Si jeune. Jamais elle n’aurait dû…


Le cœur fendu à cette vision dramatique de son propre père au bord du gouffre, Menduil fit quelques pas vers lui, pour finalement poser une main sur son épaule. Il avait l’impression que son monde était sur le point de s’écrouler.

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— Père… Je suis désolé. Elle méritait de vivre encore longtemps.
— Bien sûr, oui… Bien sûr. Oh… Comme les dieux peuvent être cruels…
— Savez-vous… savez-vous comment c'est arrivé ?, parvint à articuler Menduil, d'une voix grinçante.
— Elle… Assassinée… Tuée. Ils parlent d'un complot. Mais ils refusent de m'en dire plus. Ils… Ils m'ont dit qu'ils allaient rapatrier son corps…


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Comme si prononcer ces mots lui avait demandé un effort trop titanesque, Hilnore plongea son visage contre le torse de son fils, trempant sa chemise de ses larmes qui dévalaient sans discontinuer, le visage cramoisi de ses nerfs à vif. Pris de court, Menduil posa ses mains sur son dos, désemparé. La nouvelle était si brutale que cela ne lui semblait pas réel.


— Je sais que ce n'est peut-être pas convenable de parler de mes sentiments quand on a mon statut… mais je l'aimais… Je l'aimais tellement, tellement… Je ne sais pas comment je… Comment je vais faire pour vivre sans elle.
— Un complot…, parvint seulement à répéter Menduil, abasourdi.
— Ta mère avait tant d'espoir… Elle croyait à la paix. Mais ces… ces… ces Nebarras ! C'est leur faute ! Ils lui auront sûrement planté une dague dans le dos à la première occasion ! À moins qu'ils n'aient usé de poison, comme les lâches qu’ils sont ! Oh ma pauvre Cynriel… Ma douce Cynriel… je donnerais tout pour pouvoir la revoir une dernière fois…
— Il faut vous reposer, Père, lâcha finalement Menduil en prenant dans ses mains celles de son père, crispées autour de lui, comme à un radeau. 


Hilnore se contenta de se laisser faire, se faisant mener jusqu’à son lit par son fils qui rabattit les draps sur lui. Il lui semblait que son père ne cesserait jamais de pleurer.


— Comment vais-je faire… pour dormir à nouveau dans ce lit sans elle…


Menduil détailla son père avec accablement. Rares étaient les Altmers de leur condition qui vivaient un mariage d'amour. Plus rares encore étaient ceux qui abandonnaient les convenances pour partager la même couche. Il se dit que, d'une certaine manière, cette nouvelle eut été moins douloureuse pour lui s'il ne l'avait point tant aimé. Il retint ses propres larmes un peu plus longtemps, serrant la main de son père, mais incapable de trouver les mots.


— Vous… vous verrez, Père. Cela finira par s'arranger.


Menduil n'en savait rien, mais il avait espoir que ses propos se vérifieraient avec le temps. 
Mais avec le temps, Hilnore coula. Lui qui était d'un naturel si sociable cessa de sortir de chez lui. Les rideaux de sa chambre tirés, il n'en sortait que pour errer de temps à autre dans la salle de réception, mais il prenait ses repas seul. Lorsque rarement, il concédait à manger avec ses fils, il était d'une humeur absolument massacrante, au point que les deux frères se mirent à redouter ces instants. Les invitations à assister à des bals, des dîners et des vernissages s’entassaient sur le guéridon du hall d'entrée, sans réponse. Hilnore ne parvenait même plus à retourner à l'académie pour y délivrer ses conférences. Il revint à Elimon et Menduil de diriger la maison, ceux-ci se rendant rapidement compte qu'un domaine représentait une charge bien supérieure à ce qu'ils avaient supposé. 


Dissimulant son chagrin tant bien que mal, Elimon profitait copieusement de l'état de leur père pour faire venir ceux qu'il appelait ses “amis” dans leur demeure, envahissant le petit salon de l'après-midi jusqu'au point du jour, parlant des dieux seuls savaient quoi et s’avachissant sur les divans précieux sans ménagement. Même Menduil voyait bien que ces personnes n'avaient rien à voir avec les fréquentations habituelles de son frère. Carilian s'était bien présenté au manoir pour leur présenter ses condoléances, mais, fait étrange, il n'avait pas tenu à s'attarder plus que nécessaire. Menduil avait profité de le raccompagner à la porte pour le questionner.


— Carilian… Que s’est-il passé avec mon frère ?


Il le dévisagea un long moment, la mine froissée. S'attarder ici paraissait l'incommoder.  


— Que veux-tu dire ?
— Tu sais très bien ce que je veux dire. Vous étiez inséparables. Je croyais même que vous vous aimiez…
— Je le croyais aussi, lâcha Carilian, baissant les yeux avec amertume. Il semblerait que la seule personne que soit capable d'aimer Elimon, c'est lui-même… Un conseil, Menduil : Veille bien sur ton frère, d'accord ?


Carilian s'en était alors allé sans rien ajouter de plus, laissant Menduil dans la plus grande perplexité. Jamais il ne se serait imaginé qu'il se détournerait de lui. Quoi qu'il se fut produit, ce devait avoir été grave. D'un autre côté, il ne put s’empêcher d'éprouver une forme de soulagement pour Carilian : en dépit du vilain tour qu'il lui avait joué, une part de lui n'avait jamais cessé de penser qu'il méritait mieux que son frère.

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À mesure que le temps passait, les invités d'Elimon se faisaient de plus en plus nombreux et de plus en plus variés… une variété que Menduil voyait d'un mauvais œil. Même les domestiques semblaient plus nerveux. Un jour qu'il passait devant le petit salon dont les rideaux les plus épais étaient perpétuellement tirés, plongeant la pièce dans la pénombre, Menduil s’insurgea de voir le peu de cas que faisait Elimon du respect de leur demeure. Il considéra s'être tu trop longtemps et entra dans la pièce. Sur les divans, des elfes murmuraient en s'échangeant des parchemins, tandis que deux autres se partageaient une pipe où brûlait un mélange à l'odeur acide, et, dans un coin reculé, Menduil pouvait apercevoir deux silhouettes enchevêtrées… Mais aucune de ces personnes n'était son frère. Menduil serra les dents.


— Est-ce que quelqu'un peut me dire où est mon frère ?!, s’emporta Menduil.
—... C'est qui celui-là ?, demanda l'un des Mers en se retournant.
— Cette maison n'est pas la vôtre et vous n'êtes pas les bienvenus, alors dehors !
— On se calme, petit frère, je suis là. Et c'est une manière bien impolie de parler à nos invités.
— Des invités ? Tu te fiches de moi ? Père sait-il au moins que tu les as laissés rentrer ?
— Père s'en contrefiche et tu le sais. Et puis, il m'a donné son accord pour que mes amis viennent réviser ici.
— Ah, parce que c'est ce que vous faites, peut-être ? “Réviser” ? Me prendrais-tu pour un idiot ? Ces trois-là je ne sais pas, mais eux, je suis à peu près sûr qu'ils consomment des stupéfiants, quant à eux… Bon sang, c'est indécent, Elimon.
— Des stupéfiants ! Par Syrabane, quel dramaturge…


Celui-ci s'approcha de la pipe pour la prendre des mains d'un de ses invités et en prendre une bouffée.

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— Des herbes qui améliorent la concentration. Tout ce qu'il y a de plus légal. Quant à eux… Tu devrais peut-être te joindre à eux ? Ça te détendrait.


Menduil planta un regard plein de jugement dans celui de son frère, croisant les bras sur la poitrine.


— Je ne sais pas où tu as acquis de telles manières, mais je sais que ni Mère ni Père n’approuveraient un tel comportement…


Elimon le dévisagea, provocateur. Mais cette fois-ci, son regard ne se départissait pas d'une tristesse qui ne le quittait plus depuis le départ de leur mère. Après tout, il n'avaient jamais abordé cet événement depuis qu'il était survenu.


— Ils ne sont pas là, de toute façon… Alors vas-y. Dis ce que tu veux, Menduil. Vu que tu aimes te prendre pour le chef de famille, lâcha-t-il dans un trémolo de colère.


Menduil le dévisagea, serrant la mâchoire, avant de finalement faire volte-face.


— Fais-les sortir, d'accord ?, ordonna-t-il, sèchement.


Il repartit sans attendre de réponse, mais cela était superflu. Il sentait bien le regard plein de rancœur de son frère dans son dos. Il partit trouver son père dans l'espoir de lui parler de la situation, mais celui-ci était en proie à une nouvelle crise de nerfs et ne parvint pas à entendre un seul mot de ses propos. Pour finir, Menduil dut faire venir le guérisseur afin qu'il lui administre quelques calmants et il ne fut plus question d'Elimon durant quelques jours.


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Jusqu'à ce que Menduil aperçoive son père rentrant au beau milieu de la nuit. Peinant à trouver le sommeil, il entendit un bruit inhabituel venant du rez-de-chaussée. Il était alors parti s’assurer que nulle personne ne s’était introduite dans la demeure quand il tomba nez à nez avec Hilnore, se dirigeant vers la chambre de son frère, à pas feutrés. Désarçonné, Menduil l’avait interpellé. 


— Père ? Tout va bien ?


Il avait revêtu un pourpoint élégant et portait sa redingote des grands jours. Il y avait fort longtemps que Menduil ne l’avait point vu si bien vêtu. Il se retourna, l’air fébrile.


— Oui… Oui, à merveille, mon fils. Tu peux retourner te coucher.
— Où étiez-vous ?
— Enfin, Menduil, ça ne se fait pas de questionner son père sur ce genre de choses.
— Répondez…, exigea-t-il d’un ton impérieux.
— Oui, oui, bon, mais baisse d’un ton veux-tu ? J’étais à une réception.
— Une réception ? Vous n’y assistez plus depuis des mois et ce matin vous étiez au plus mal… Que s’est-il passé ?
— J’avais envie de me changer les idées, voilà tout…


Menduil se figea, une froide intuition lui parcourant l’échine.
Ce qu’il voyait et ce qu’il entendait lui semblait vrai. Pourtant… Quelque chose clochait. Son père avait refusé de sortir ce matin même et il l’avait vu aller se coucher quelques heures plus tôt. Pourquoi aurait-il fait de telles cachotteries pour se rendre à une banale réception ?


— Dans ce cas, je te laisse retourner te coucher. Tu dois être fatigué…, lâcha Menduil.
— Oui, c’est cela. Bonne nuit, Menduil, répondit son père.
— Bonne nuit.


Ni l’un ni l’autre ne bougèrent d’un cil. Ils se dévisagèrent quelques secondes.


— Bon sang, mais vas-tu aller te coucher ?
— Et pourquoi n’irais-tu pas, toi ?, poursuivit-il, réalisant que son père ne semblait nullement choqué du ton qu’il employait.


La bouche d’Hilnore se tordit dans une expression d’aigreur et le visage de son père fondit pour laisser place à celui de son frère qui le toisait d’un oeil noir.


— Pourquoi faut-il que tu fourres ton nez là où il ne faut pas, Menduil ? Tu es satisfait ? Tu m’as démasqué ! Tu cherches à marquer des points pour la Poursuite Divine, peut-être ?
— Un sort d’illusion ? Pourquoi prendre l’apparence de Père, Elimon ? As-tu perdu l’esprit ?
— Ces fichues invitations s’entassent et Père ne sort plus ! Il faut bien que quelqu’un en profite.
— Que quelqu’un en profite ? Elimon, mais tu t’entends ? Pour une fois, tu pourrais faire preuve d’un peu de décence ?
— Quel bien nous fait la décence, Men ? Quel bien ? Alors que nous avons perdu notre mère et que notre père sombre et nous abandonne ? Moi, je refuse de couler avec lui ! J’ai bien droit d’apporter un peu de fantaisie à cette vie stupide ! Ce n’est pas ma faute si tu es incapable de te l’autoriser.
— Tu te trouves des excuses, Elimon et c’est pathétique.
— C’est toi qui est pathétique. Laisse-moi tranquille, à présent, rétorqua-t-il avec verve en reprenant le chemin de sa chambre, non sans le bousculer d’un coup d’épaule.


De l’autre côté du couloir, leur père, une chandelle à la main, observait toute la scène. Menduil, s’approcha de lui, affligé, la mine basse. 


— Père… Je suis désolé de vous avoir éveillé, mais… Elimon, il…
— Shh… Non, mon fils, n’en fais rien. Surtout, ne laissez pas ces futiles querelles vous séparer, d’accord ? Tout cela, c’est de ma faute… Et de la faute de ceux qui ont tué votre mère et déchiré notre famille. Retiens bien cela : tout ce qui compte, c’est la famille.
— Mais Père… Vous ne voyez pas qu’Elimon est en train de sortir du droit chemin ?
— Elimon est comme nous tous, Menduil : il exprime sa douleur comme il le peut. Mais toi, tu as une force formidable. N’oublie pas qui est notre véritable ennemi, mon fils : les Nebarras. Ces traîtres menacent chaque jour notre pays. Ils ont pris ta mère, elle qui pensait pourtant que la paix était possible. Désormais il est temps de rééquilibrer la balance. Une injustice a été commise, mon fils…
— Père… J’aimerais seulement que vous alliez mieux. J’ai parfois l’impression que la douleur vous aveugle au sujet d’Elimon…
— Tu sais ce que tu as à faire pour me rendre fier ?
— Non, Père ?

— Venge ta mère, Menduil. Rends-la fière. Rends-nous tous fiers. Intègre la Poursuite Divine et fais régner l'ordre et la justice. Quel qu'en soit le prix.


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Betsy et Orphan aiment ce message

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