L'Ordre des Lys et du Serpent
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Général Patafouin
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Acte I - Chapitre 1 - Tout commence par un sourire Empty Acte I - Chapitre 1 - Tout commence par un sourire

Jeu 25 Aoû - 16:38
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Dans la tour de pierre où la cheminée peinait à réchauffer les lieux, le vieux Sapiarque ajusta de ses longs doigts fins et parcheminés la paire de binocles posées sur le bout de son nez, deux cylindres de verre épais reliés par une armature métallique à l’aspect simple. Il s’y reflétait des lueurs dorées, formules arcaniques qui s’affichaient devant les yeux de l’enchanteur, tandis qu’il analysait un joyau vraisemblablement chargé de magie, du fait de sa légère vibration. Devant lui, sur un large bureau de bois, était posé un grand tiroir où s’alignaient d’autres pierres de tailles et de formes différentes. Il se racla la gorge pour parler à son assistant, courbé sur un tome plus épais que lui, écrivant avec soin, la main crispée sur la plume tant il s’obstinait à parfaire sa calligraphie.


— Aesril, ajoute ceci : “Cornaline, 10 milligrammes, propriétés ignifère, origine : îles Dunmeris, résiste à une puissance de quarante décadres de magie, vibrations non nocives.”


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Sans décoller son regard du parchemin, il s’exécuta, dans le grattement régulier de la pointe contre la feuille. Il sentait son corps tout entier tendu sous l’action d’être resté ainsi à écrire pendant des heures et maître Cinnarion ne se souciait nullement de savoir s’il parvenait à suivre le rythme de ce qu’il dictait. De surcroît, ce manuscrit devait être parfait s’il voulait se retrouver dans la Grande Librairie. Tout le Collège devait en avoir l’usage.


— … Combien de décadres avez-vous dit ? Cinquante ?


— Quarante ! s’agaça l’ancien. On ne plaisante pas avec ces choses-là, jeune homme, la précision, c’est ce qui fait l’apanage d’un bon mage, et surtout d’un bon enchanteur. Ce genre de pratique ne s’improvise pas. J’ose espérer que tu ne prends pas de libertés… Montre-moi ? demanda-t-il en lui faisant signe d’approcher tout en ôtant ses lunettes et en déposant soigneusement la gemme dans son petit casier.
Aesril nota les derniers symboles et s’exécuta sans broncher, soulevant le pesant ouvrage avec précautions, les jambes engourdies et la nuque douloureuse d’être resté assis dans la même posture durant si longtemps. Le Sapiarque analysa le livre avant de hocher la tête avec satisfaction.


— C’est du très bon travail. Tu n’as rien omis. Prends confiance en toi, à ton âge, on devrait pouvoir retenir sans avoir besoin de faire répéter les anciens tels que moi. À présent, descends à l’aile ouest et va faire signer cela au Maître Archiviste. Tu iras ensuite rejoindre les autres à l’observatoire, je leur ai dit que tu leur prêterais main forte cet après-midi.


— Ah oui ? Pour quelle tâche ? s’enquit l’assistant.


— Le calcul des variations de lumière. Ils sont puissants en cette saison, l’activité stellaire est étrangement importante. Nous voulons mettre tout soupçon d’anomalie magique de côté.
Il se retint de lever les yeux au ciel, réprimant une moue contrite. Encore des heures à noter des formules interminables sur du papier, alors qu’il avait quantité de recherches personnelles qui l’attendaient. À croire que Cinnarion voulait le faire mourir d’ennui ces derniers jours.


— Aurai-je du temps libre, bientôt ?


— Tu veux dire, pour rentrer chez toi ou dans l’enceinte du Collège ?


— Vous savez bien que je n’ai que faire de rentrer chez moi.


— Cela va bientôt faire huit mois que tu n’es pas revenu visiter ton foyer. C’est rare pour un disciple dont les parents sont encore en vie. Ta famille ne te manque pas ?


Aesril lança son regard sur un point invisible. Sa mère lui envoyait quantité de lettres pour s’enquérir de ses nouvelles, le pressant de rentrer et le tenant informé du quotidien à Étincelance, ainsi qu’à la demeure familiale. Sous les banalités qu’elle lui témoignait, Aesril lisait son profond ennui et de son désir de le revoir. Il ne pouvait que la comprendre. Elle était sa seule véritable amie et leurs longues discussions ainsi que la chaleur de sa présence lui manquaient terriblement. Toutefois, il ne pouvait concevoir de rentrer tant que Père ne serait pas parti en mission pour une longue période. Ce dernier n’avait pas demandé de ses nouvelles, pas plus qu’Aesril ne s’en était enquis lui-même et il se convainquait qu’il ne s’en portait que mieux, malgré les blessures que cette indifférence réveillait en lui. Depuis qu’il était entré au Collège, les seules fois où son père avait communiqué avec lui étaient pour lui enjoindre de revenir au manoir afin d’y faire bonne figure pour quelque réception pompeuse. Revenir chez lui soulevait beaucoup de sentiments houleux et cette pensée lui tordait le ventre, rien qu’en s’imaginant passer l’imposant hall d’entrée où tout lui rappelait le monde étriqué dans lequel il avait évolué. Le Collège des Sapiarques avait beau être un environnement exigeant, quand Larnatillë n’était pas dans les parages, il s’y sentait bien. Aussi, face au Sapiarque, il feignit lui-même le détachement.


— J’ai plus important à faire ici, voilà tout.


Loin d’être dupe, le vieux maître hocha lentement la tête, scrutant le visage fermé du jeune elfe.


— Bien… C’est tout à ton honneur. Et pour ce qui est de ton temps libre, je t’ai prévu une journée de repos dans deux jours. Tu pourras vaquer à tes occupations.


— Merci, Maître.




Le Sapiarque congédia son assistant et Aesril quitta la pièce, ralenti par la lourde charge de l’ouvrage dont il finit par se délester d’un sort de lévitation. Il était plutôt malvenu pour un apprenti de traiter un livre avec tant de liberté, mais, ayant confiance en ses sorts, il s’autorisa cette légère désinvolture pour soulager son dos. Arrivée non loin de l’office du Maître-Archiviste, il mit fin au sortilège et y entra pour s’y présenter. Le secrétaire l’y reçut, un air las sur le visage. Il désigna l’ouvrage du menton. 


— C’est pour le faire approuver ?


— Oui, j’ai besoin que Maître Silas y appose son sceau.


— Maître Silas est absent aujourd’hui, vous allez devoir passer par la direction avant de le déposer.
La mâchoire d’Aesril se serra, sans même qu’il n’y prête attention.


— La Haute-Sapiarque n’a-t-elle pas assez à faire pour lui confier une tâche si élémentaire ?


— Et depuis quand un simple disciple se questionne sur l’importance d’un travail ? Ce n’est pas de ton ressort mon garçon. À présent, cesse de m’importuner, j’ai encore beaucoup à faire.


— … Comme nous tous, lâcha-t-il dans un maugréement inaudible, en faisant volte-face, serrant le livre rageusement contre lui.



Il regagna les hautes tours de l’aile sud, traversant le bâtiment à l’aide de petits portails aménagés pour plus de rapidité, avant d’arriver devant la porte de la Haute-Sapiarque. Comme d’accoutumée, il afficha la gemme de reconnaissance focale devant le récepteur, passa une première porte, patienta devant une seconde après avoir frappé deux coups et entra après avoir entendu la voix de Larnatillë l’y convier. Grâce à la gemme, nul besoin de secrétaire, elle savait pertinemment qui venait la voir et pouvait recevoir ses visites en toute discrétion et en toute autonomie. Il entra, la retrouvant, comme elle en avait l’habitude, assise au grand et massif bureau de bois noble qui trônait au centre de la pièce hexagonale, aux bibliothèques et au étagères chargées d’objets aussi précieux qu’élégants et de fioles où le vin se confondait avec les élixirs. Confortablement meublée de divans moelleux tapissés de velours rouge et ocre, de pesants rideaux à passementerie chargée encadraient les riches vitraux où se déversait en abondance la lueur du jour. Larnatillë releva la tête vers lui pour lui offrir un sourire mielleux, découvrant une rangée de dents blanches et parfaitement alignées, vorace prédatrice qu’elle était, avant de reconnaitre l’ouvrage qu’il portait.


— Ah, Aesril, quelle bonne surprise ! Tu m’apportes l’étude gemmologique du Sapiarque Cinnarion, je suppose.


— Êtes-vous certaine qu’il s’agit d’une surprise ? demanda Aesril avec suspicion, se demandant si elle avait manigancé tout ceci pour mieux l’attirer dans ses quartiers.


— Que veux-tu dire par là ? Bien sûr, je n’ai pas le don de prévoir tes visites. Veux-tu un peu de thé ?


— Je viens seulement exiger le sceau d’aval. Je suis attendu dans l’aile ouest.


— Bien sûr, tu as peu de temps. Si le travail que t’a confié ton maître t’ennuie, je peux t’exempter exceptionnellement, tu sais, lâcha-t-elle avec concupiscence en reposant la plume de paon avec laquelle elle écrivait.


— Au contraire, je suis ravi d’aller les aider, je vais forcément en tirer un enseignement intéressant, mentit Aesril avec aplomb.


Larnatillë le jaugea, le détaillant de haut en bas d’un air entendu, comme on le ferait d’un dessert particulièrement savoureux. Dans son regard, Aesril pouvait y lire “Tu ne perds rien pour attendre” et la nausée s’empara de lui.


— Bien… Approche dans ce cas, montre-moi ce livre.


Il s’exécuta, ouvrant le grimoire à la bonne page et le visage de la Haute-Sapiarque reprit son habituel sérieux autoritaire. Elle approuva du chef en détaillant les lignes et exécuta un élégant mouvement du poignet dans un frémissement de magie, faisant apparaître un sigil aux teintes violettes qui disparut presque aussitôt sur le papier parcheminé du livre.


— Tout me semble parfait, ce livre pourra être intégré aux registres. Tu n’auras plus qu’à l’y déposer, déclara Larnatillë en laissant sa main frôler sa jambe, comme elle en avait pris l'habitude.


Aesril baissa les paupières avec consternation à l’idée de refaire tout ce chemin en sens inverse, chargé de ce livre, mais toute occasion qui pouvait l’éloigner de cette femme, il la saisissait.


— Merci pour votre temps, Larnatillë. Je ne vais pas vous incommoder plus longtemps.


— Reviens me voir dans trois jours Aesril, j’aurai moins de travail et Cinnarion devra s’absenter, nous aurons l’occasion de nous détendre un peu ensemble.


— Je n’y manquerai pas, grinça Aesril dans un sourire forcé, en quittant la pièce.


Il traversa à nouveau tout le Collège et, après avoir attendu un temps interminable pour pouvoir confier son livre au secrétaire de Maître Silas, il arriva enfin dans la vaste salle d’étude de l’observatoire, pièce rectangulaire au fenêtres masquées par d’épais rideaux et où s’alignaient de grandes écritoires dotées de bancs. En son centre, un majestueux globe lumineux et transparent flottait dans l’air, illusion magique représentant Nirn, et tout autour, gravitaient lunes, planètes et étoiles. Des symboles arcaniques affichaient régulièrement des données que des Sapiarques et disciples répertoriaient minutieusement sur le parchemin. Quand Aesril ouvrit la porte, la lumière qui s’engouffra dans la pièce attira l’attention sur lui et tous les regards de la dizaine de personnes présentes se tournèrent vers l’importun qui osait perturber cette séance nécessitant calme et concentration. C’était d’ailleurs l’apanage du Collège. Ici, on entendait rarement des gens s’exprimer à forte voix ou se présenter en retard. Aussi, Aesril baissa les yeux avec humilité, soufflant un bref “Pardonnez-moi.”, avant de prendre place à une table, y dépliant quelques feuilles de parchemin. Il jeta un regard ombrageux à ceux qui le dévisageaient encore d’être arrivé si tardivement, espérant les décourager. Généralement, son air taciturne lui permettait de mettre fin à toute messe-basse, regard de jugement ou commentaire négatif à son propos et il entretenait volontairement une forme de mystère autour de sa personne pour créer ce mélange de respect et de crainte de ce que l’on ne connaît pas. Cette alchimie fonctionnait à la perfection, aujourd’hui encore, sauf, cette fois-ci, pour une personne. Deux yeux violets le dévisageaient avec une lueur d’amusement. Sentant l’insistance du regard sur le coin de son épaule, il tourna la tête pour dévisager l’impudente. Il connaissait cette femme. Elle était disciple, tout comme lui, et n’avait qu’une dizaine d’années de plus que lui, élève brillante et prometteuse qu’elle était. La jeune elfe se destinait à se spécialiser dans l’étude des déplacements magiques et l’existence de différents plans, c’est pourquoi, ils se retrouvaient tous deux fréquemment, les étoiles étant un thème sur lequel ils œuvraient mutuellement. En plus de son esprit fin qui lui avait valu d’être remarquée à plusieurs reprises par les Sapiarques, elle était dotée de traits plaisants, le teint mat, doré comme le miel, son visage ovale, doux et rieur à la fois, surmonté d’un petit nez retroussé, était encadré par des cheveux blond clair ondulant jusqu’à ses épaules. Elle ne passait jamais inaperçue et semblait s’entendre avec chaque personne qu’elle croisait. Pour parfaire son portrait, elle était issue d’une bonne famille et les astres avaient voulu qu’on lui confère le doux nom de Caelnia, qui signifiait littéralement “Comme le miel”.


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Aesril avait toujours été agacé par le cliché qu’elle représentait à ses yeux et il était convaincu que la vie avait été plus clémente avec elle, elle qui recevait chaque mois la visite de ses parents et de ses amis. Malgré tout, les quelques échanges qu’ils avaient eus avaient été plaisants, loin de la superficialité qu’il lui avait imputée. Il l’avait trouvée pleine d’esprit et agréable et, fait le plus étrange, elle semblait sincèrement s’intéresser à ce qu’il lui disait. Il continua de la fixer avec lassitude, mais cette action ne sembla que l’amuser plus encore tandis qu’elle penchait la tête de temps à autre sur un parchemin pour y griffonner quelque chose. 


Il fronça les sourcils en la regardant faire, intrigué. L’expression qu’elle affichait annonçait clairement qu’elle ne faisait rien du travail qu’on lui avait demandé. Noter des chiffres et aligner des formules magiques n’était rien dont on puisse ainsi se réjouir, à moins qu’elle n’ait fait une découverte particulièrement mirobolante. Non, peut-être était-il paranoïaque, mais il lui semblait que c’était lui, le sujet de sa frivolité. Il prit donc une profonde inspiration, trempant sa plume dans l’encrier pour commencer à noter, appuyant son front contre sa main pour éviter de se laisser distraire, mais chaque fois qu’il relevait les yeux vers elle, il croisait son regard et elle n’en souriait que plus encore, les épaules agitées d’un rire qu’elle réprimait. La plume en suspens, il regarda autour de lui avant de lever les mains en l’observant d’un air interrogateur et elle balaya l’air entre eux d’un revers de main pour l’inviter à reporter son attention sur son propre travail, ce qui ne l’irrita que d’avantage, mais il choisit d’obtempérer et de l’ignorer pour continuer sa prise de notes.


Du coin de l’œil, il la vit plier un papier en deux, le poser au sol et le faire glisser vers lui d’un rapide enchantement, de façon si silencieuse que nul ne s’en aperçut. Voyant le feuillet à son pied, il la dévisagea à nouveau, insupporté par son air ravi et décida de l’ignorer, reprenant son écriture, mais elle agita le parchemin d’un nouveau sort pour le faire remonter contre sa jambe, tel un oiseau trop affectueux. Il soupira bruyamment, leva les yeux au ciel, attrapa le petit parchemin et le déplia de manière ostentatoire, fixant sa condisciple avec ennui pour lui signifier le fond de sa pensée. En vérité, il était intrigué et quelque peu amusé, mais il craignait d’être un sujet de moquerie et de se laisser naïvement prendre à son jeu en affichant ses émotions. Sur le feuillet était très maladroitement dessiné ce qui ressemblait à un elfe, les bras croisés sur le torse, les sourcils froncés et la bouche tracé d’un trait, formant un “u” renversé, donnant au personnage simpliste un aspect tout à fait mécontent. La coiffure chassait tout doute quant au fait qu’il s’agissait de lui. 
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Il releva les yeux vers elle, un demi sourire déformant ses lèvres, car l’envie de rire de cette vision ridicule de sa personne l’amusait, et, toujours affublée d’un immense sourire, elle pointa discrètement du doigt son pied. Un autre billet s’y trouvait, plus petit, plié en quatre. Il s’en saisit et le déplia à son tour. Dans une écriture ronde et soignée, on pouvait y lire la légende : “Je suis Aesril, je ne suis pas sérieux, je souris juste à l’envers.” Il expulsa l’air par le nez dans un rire, baissant les yeux pour ne pas croiser le regard de Caelnia et risquer de se faire entendre. Il toussa pour camoufler son amusement et adressa à son acolyte un regard désapprobateur aussitôt démenti par son sourire. Elle pouffa un peu plus, les épaules secouées de spasmes et feignit une toux à son tour, imitant la posture digne de l’elfe. Il dut déployer de grands efforts pour se concentrer tandis qu’un Sapiarque lui lançait un coup d’œil intrigué en apercevant son agitation. Il se remit à noter, ou du moins, à feindre la notation, car il avait complètement perdu le fil de ce qu’il faisait, quand il sentit un souffle léger faire voleter une mèche de ses cheveux. Caelnia le fixait à nouveau et lui faisait signe de regarder encore à ses pieds. Il recommença ce petit manège et se pencha légèrement pour trouver sous ses doigts un nouveau parchemin, plus grand, cette fois-ci. Il le déplia, se préparant à un autre jeu badin et ne put s’empêcher de hausser les sourcils, stupéfait : un autre dessin de lui s’étalait sur la feuille, mais celui-ci était autrement plus travaillé, il n’avait aucun mal à s’y reconnaître. Il était choqué par le sérieux et la gravité intense de ses traits et de son regard. Mais il était bien forcé d’admettre que ce portrait était très ressemblant et qu’elle n’avait omis aucun détail. Il était seulement troublé de son expression dans laquelle il y voyait presque l’austérité de son père, mais aussi la mélancolie qu’il croyait être le seul à connaître l’existence. Il se sentait très étrangement percé à jour par cette femme, mais cette vision le touchait, en un sens. Il redressa alors le regard vers elle, plus timidement, perplexe et elle sourit et se remit à rire en silence à nouveau en voyant qu’il avait repris une expression si sérieuse. Il réalisa cette fois-ci son attitude et lui sourit à son tour, étouffant un autre rire. Il peina à garder sa concentration durant les trois heures qui suivirent et lorsque le Sapiarque le plus âgé annonça une pause pour la journée, Aesril se dépêcha de classer ses feuillets pour les remettre de côté lorsqu’il reprendrait son œuvre le jour suivant et il rejoignit Caelnia à l’extérieur de la salle. Elle marchait doucement dans les couloirs et Aesril comprit aussitôt qu’elle l’attendait. Il l’interpella malgré tout.


— Caelnia ! Tu as un moment ?


— Tiens, Aesril ? Je n’avais pas remarqué que tu étais là, plaisanta-t-elle.


Il lui présenta le dessin qu’il avait rangé entre les feuilles d’un de ses carnets, un sourire intrigué au visage.


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— Qu’est-ce que c’est que ça ?


— C’est toi ! pouffa-t-elle. Tu ne t’es jamais regardé dans un miroir ?


— Pourquoi m’as-tu dessiné ?


— Tu avais l’air si sérieux… Je me disais que si tu voyais les regards que tu nous lançais, j’étais sûre que toi aussi, tu t’en amuserais. Visiblement, j’avais raison, se félicita-t-elle en redressant le buste, fièrement.


— En effet. Je ne me voyais pas ainsi.


— Tu regardes toujours les gens de cette manière - elle mima le regard sombre de l’elfe, de façon relativement convaincante, bien qu’exagérée - au début, j’ai cru que tu voulais tous nous tuer du regard et que tu t’entraînais !


Il esquissa un nouveau sourire confus et Caelnia lui répondit, riant doucement.


— Incroyable, tu es donc bien capable de sourire ! Tout le monde dit que ça ne t’arrive jamais.


Contrarié de découvrir que l'on parlait dans son dos, il se renfrogna, son visage se fermant subitement.


— Ainsi, les gens parlent de moi ? Pourquoi ?


— Pourquoi ? s’étonna la jeune elfe. Tout le monde parle de tout le monde ! Et tu devrais savoir que lorsque quelqu’un dresse autant de mystères autour de sa personne, on a envie de savoir ce qu’elle cache. Tu es si réservé, on ne sait rien de toi… Et il n’y a rien de plus intriguant qu’un secret !


Il plissa les yeux avec une pointe d’amusement, cherchant à dissimuler sa gêne.


— Et… Je t’intrigue ?


Caelnia se mordit les lèvres, le regardant de côté avec espièglerie et Aesril ne s’en trouva que plus troublé. Il avait toujours du mal à saisir les raisons de son amusement.


— Pas le moins du monde ! Je n’ai que faire de tes sombres secrets, Aesril ! déclama-t-elle d’un ton grandiloquent.


Voyant son air interdit de surprise, elle ajouta :


— Eh bien oui, il ne faudrait pas que je renforce ton égo à te dire des choses pareilles, ce serait t’encourager à continuer. Personnellement, je te trouve bien plus plaisant lorsque tu souris. J’étais sûre qu’au fond, tu faisais cela pour qu’on pense que tu es désagréable.


De plus en plus pris de court, il ne put que s’esclaffer face à un tel franc-parler, terriblement mal-à-l'aise d’être ainsi complimenté.


— Hahaha ! Eh bien, tu ne mâches pas tes mots, c’est le moins qu’on puisse dire !


Il baissa alors les yeux au sol, un sourire songeur au visage, repensant à ce qu’elle lui avait dit.


— Tu sais, je n’ai pas tant de secrets que cela. J’ai seulement… peu de plaisir à parler de ma personne.


— Vraiment ? J’aurais pourtant cru qu’une personne issue d’une si bonne famille et reçue au Collège si jeune et avec le soutien de la Haute Sapiarque aurait eu grand plaisir à parler de lui ! Je croyais que tu te sentais si supérieur à nous tous, pouffa-t-elle.


— Et moi, j’étais convaincu que tu étais une femme superficielle, je pensais que tu faisais tout pour être aimée de tout le monde.


— Aïe ! grimaça-t-elle. Je ne pensais pas que tu avais une si piètre opinion de moi ! Et ai-je réussi à te faire changer d’avis ?


Aesril baissa doucement les paupières, dans un sourire timide qu’il s’efforça de tempérer, hochant subtilement la tête en signe d’approbation.


— Oui… Je pense t’avoir mal jugée. Je suis désolé.


— Dans ce cas, nous sommes deux. Donnons-nous une seconde chance, qu’en penses-tu ?


— Avec plaisir, répondit-il dans un sourire franc et chaleureux, plissant ses yeux en amande.


Il baissa les yeux sur le dessin qu’il tenait toujours entre ses mains, l’analysant un peu plus. Il était impressionné qu’elle ait réussi à produire cela en si peu de temps.


— Tu as un bon coup de crayon… J’aime beaucoup ton dessin.


— Tu veux dire que tu te trouves beau garçon ? plaisanta-t-elle, taquine.


— Non ! Enfin… Si… Ah ! Ce n’est pas ce que…


Devant le regard faussement surpris de la jeune femme et voyant qu’elle recommençait à rire, Aesril se sentit perdre ses moyens et se justifia, fronçant les sourcils de contrariété, comprenant qu’elle avait posé cette question dans le seul but de le déstabiliser.


— Ce que je veux dire, c’est que tu dessines bien, c’est tout ! Pourquoi te moques-tu ?


— Parce que tu es encore beaucoup trop sérieux ! Je trouve cela hilarant ! Tu as raison, tu sais, tu as un beau regard, c’est important de savoir s’apprécier. 


Il pinça les lèvres en soufflant, rejetant son regard sur le côté, irrité à l’idée qu’elle puisse se moquer de lui ou le complimenter pour mieux le railler.


— Inutile de dire cela si tu ne le penses pas, tu sais.


— Ce que tu peux être susceptible ! s’amusa-t-elle. Je le pense, Aesril, j’ai eu le temps de détailler ton visage, tu sais. - Elle désigna du bout du doigt les contours du dessin - Tu as… une belle mâchoire, plus carrée que la plupart d’entre nous… ton nez est bien proportionné avec ton visage et sa forme originale te donne du caractère. Tu as… un menton affirmé et des pommettes bien dessinées. Et ton front droit te donne un air digne. Tu as un regard très intense, on voit qu’il y passe beaucoup d’émotions… Et tes lèvres sont pleines et elles forment un ourlet tout à fait charmant, tu vois, ici ? demanda-t-elle en désignant le portrait.


La gorge serrée par le malaise que lui provoquait cette dissection détaillée de sa personne, Aesril n’osa plus détacher son regard du portrait pour éviter de croiser les yeux de Caelnia.


— Hmm… Oui… d’accord… Et… tu dessines toujours tout ce que tu vois ? demanda-t-il pour changer de sujet.


— Tout ce que je ne veux pas oublier, oui. C’est une habitude que j’ai prise il y a longtemps, mon père partait souvent en voyage, alors, je dessinais ce qui me rappelait sa personne… Une tasse de thé qu’il avait oubliée, un livre ouvert à une page, une carte qu’il était en train de tracer. C’est comme si je pouvais capturer ce qui existe comme ça, et l’emporter toujours avec moi.


Aesril plissa les paupières avec espièglerie.


— C’est un concept intéressant, je devrais m’y essayer, moi aussi… Dois-je comprendre que tu as essayé de me capturer, dans ce cas ?


— J’ai fait plus qu’essayer, il me semble, regarde, tu es là, à discuter avec moi et j’ai même réussi à te faire rire !


Il ne put s’empêcher de souffler un rire face à la pertinence de sa remarque, mais il reprit bien vite son aplomb.


— Je te trouve bien sûre de toi ! Ne parle pas trop vite, ce n’est qu’une simple discussion, ce n’est pas un dessin qui parviendra à capturer mon âme.


— Vraiment ? Et si je te propose de me retrouver pour dessiner avec moi, viendras-tu ?
Le jeune mage fit naviguer ses yeux verts sur l’éclat violet de ceux de la jeune femme, pour mieux sonder ses intentions. Il n’y avait pas beaucoup à y réfléchir.


— Bien sûr. Avec plaisir, répondit-il avec emphase.


— Quelle intensité ! Chaque parole que tu prononces ressemble à une réplique de pièce de théâtre, j’adore cela ! J’ai l’impression d’être une héroïne. Dans ce cas, retrouvons-nous dans deux jours, j’ai entendu dire que nous avions tous quartier-libre. Nous en aurons bien besoin après avoir usé nos plumes sur ces formules interminables !


— En effet. J’attends ce moment avec impatience, concéda Aesril.


— Veux-tu te joindre à mes amis et moi pour dîner ce soir ?


Aesril trépigna un moment sur ses pieds, l’envie était grande, mais il avait d’autres projets plus solitaires pour ce soir et s’il appréciait la compagnie de Caelnia, il attendait de se sentir plus en confiance pour rencontrer ses amis.


— Je te remercie, ce serait avec joie, mais je suis attendu ce soir. Peut-être plus tard ?
Une pointe de déception navigua dans le regard de la jeune femme, mais elle disparut aussitôt.


— Bien sûr, ce sera pour une autre fois, dans ce cas. Alors, à bientôt, Milelen Vir* !


Aesril demeura troublé de l’étrange échange qu’il venait d’avoir et de ce surnom affectueux dont il s’était vu taxer et il se contenta de souffler d’une voix si basse qu’elle était à peine audible : “À bientôt… ” en tournant vivement les talons tandis qu’elle partait vers le réfectoire. Il revint à ses quartiers pour regagner ses livres et ses carnets dont la compagnie lui avait manqué. Il fit chauffer un peu d’eau et déposa une pincée de feuilles de thé dans une vieille théière en fonte toute cabossée, avant de se saisir de son carnet, dépliant soigneusement le parchemin où figurait le dessin de Caelnia. Il observa un moment le mur constellé de feuilles chargées d’écrits, de formules et de schémas et, entre symboles arcaniques et carte du ciel, il accrocha les parchemins de Caelnia, incapable de réprimer un rire en voyant à nouveau la ridicule et modeste caricature de son visage. 

— On dirait bien que tu es percé à jour, Aesril ! s’esclaffa-t-il, non sans une pointe de fascination.



* Celui qui regarde avec le cœur.
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