L'Ordre des Lys et du Serpent
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Acte III - Chapitre 1 : Parée d'or et de rubis Empty Acte III - Chapitre 1 : Parée d'or et de rubis

Mar 20 Sep - 16:56
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Refermant la porte d'une belle maison de granit rose du quartier marchand de Lillandril, un Altmer s'avançait d'un pas joyeux vers Aesril, la stature longiligne, le visage rêveur, ses cheveux comme un nid ébouriffé s'éparpillant en ondulations blondes et désordonnées et doté d'une ravissante redingote de satin pourpre qui donnait à l'homme un audacieux mélange d'excentricité et d'élégance.


—Ce fut un plaisir de vous recevoir chez nous, Aesril ! Vous vous êtes révélé tout à fait fidèle à la description que Caelnia nous avait fait de vous et je dirais même que vous êtes un jeune homme tout à fait surprenant, il est rare que l'on puisse avoir de telles conversations avec une personne de votre âge… Ou que mes invités apprécient réellement ma collection d'horlogerie ! ajouta-t-il dans un rire. Mes voisins me prennent pour un excentrique, je crois. Si nous ne nous laissions pas aller à un peu de fantaisie, nos vies seraient bien mornes !


— Je ne vous le fais pas dire, approuva le jeune mage dans un sourire. Et le plaisir a été partagé, Maître Veltior, soyez en sûr. J'attends avec impatience les récits de votre périple chez les tribus Crevassaises.


— Je vous en prie, appelez-moi simplement Veltior, j'ai beau avoir étudié au Collège, je ne suis qu'un humble cartographe. Et oui, ce sera avec grand plaisir ! Quel dommage que vous ne puissiez rester plus longtemps…


— Oui, c’est regrettable et ç’aurait été avec joie, mais…


— Oui, je sais, ne vous en faites pas, le temps où j’étais disciple moi-même n’est pas si loin dans ma mémoire, je sais comme les Sapiarques sont exigeants. Mais cela en vaut la peine, cet endroit peut propulser les talents les plus aiguisés, alors nul doute que vous y avez toute votre place, jeune homme.


— Vous ignorez à quel point ce que vous dites me fait plaisir, Monsieur.


— C’est tout à fait sincère. Revenez quand vous voudrez, notre porte vous est grande ouverte… 
Il se tourna vers l’une des fenêtres entrouvertes de la maison, à l’étage, pour appeler.


— Hem, Caelnia ? Tu ne voudrais pas faire attendre ton ami ? 


— Oui, j’arrive, Père !


— Si nous la laissons avec sa mère trop longtemps, nous n’en aurons jamais fini, chuchota son père sur le ton de la confidence, une main protégeant sa bouche, une expression facétieuse au visage.


La porte d’entrée s’ouvrit à la volée pour laisser apparaître Caelnia qui voleta jusqu’à Aesril pour passer un bras sous le sien et se resserrer contre son buste.


— Nous pouvons y aller, je suis prête, vu que mon cher et tendre est si pressé de rentrer ! Je suis sûre que tu l’as assommé d’anecdotes, Père ! 


— Ah, mais certainement pas et Aesril avait l’air tout à fait intéressé !


— C’est vrai, approuva celui-ci d’un lent hochement de tête.


— Hmm… Quoi qu’il en soit, je me méfierai que vous ne soyez pas trop de connivence tous les deux, ça pourrait être dangereux… fit Caelnia, espiègle, dans un faux regard suspicieux. Bien, dans ce cas, Père, je vous dis au revoir, vous allez me manquer.


— Toi aussi, ma chérie. Et je compte sur vous deux pour bien prendre soin l’un de l’autre.


—Mais oui Père, inutile d’être aussi dramatique ! Tu nous ouvres un portail, mon beau Sapiarque ?


— Avec plaisir, fit Aesril dans une dernière salutation au père de Caelnia. 

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Acte III - Chapitre 1 : Parée d'or et de rubis 6ac5c510

Lorsque le portail se résorba, Caelnia papillonna des paupières un moment, surprise par la luminosité ambiante et par le vent qui battait ses cheveux, elle chercha Aesril du regard. Il regardait les lieux, une aura de sérénité dans le regard. Caelnia ne connaissait pas cet endroit, mais elle comprit bien vite à l’architecture qu’ils se trouvaient au Collège. Elle observa le mage, sans comprendre.


— Aesril… Où sommes-nous exactement ?


— Dans l’ancienne tour d’alchimie désaffectée du Collège. Le prix de la réfection du toit était trop coûteux, alors ils ont préféré la laisser à l’abandon et aménager une nouvelle salle, expliqua-t-il, calmement. Plus personne ne s’y rend désormais.


— C’est pour venir ici que tu voulais rentrer plus tôt ?


— Oui… Je voulais que nous ayons un moment à nous avant de reprendre nos vies mouvementées.
Il lui lança un regard doux et un sourire tendre, provoquant l’émoi de la jeune femme qui posa sa tête contre son torse.


— C’est une excellente idée, Milelen Vir. 


Elle redressa son visage vers lui avant de demander :


— Au fait, avec toute cette agitation chez moi, tu n’as pas eu le temps de me dire : comment cela s’est-il passé chez toi et avec ton père ?


Il plongea son regard dans celui de Caelnia, la gorge serrée d’amertume, de colère et de tristesse au douloureux souvenir de la terrible entrevue avec son père et de l’idée de l’évoquer.


— Épouvantable, lâcha-t-il dans un souffle. Mais je n’ai pas envie d’en parler. Tout ce temps où je ressassais ces affreuses pensées, je ne pensais qu’à une chose : toi.


Aesril perçut un léger frémissement chez la jeune femme et il crut un moment qu’elle allait une fois de plus se sentir mal-à-l’aise par son intensité, mais elle dût percevoir l’importance de ce moment, car elle ne répondit rien, attendant que le mage eut terminé de parler.


— Je ne voulais qu’une seule personne : toi. Ma place est auprès de toi, Caelnia.


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À ces mots, il posa ses lèvres sur celles de la jeune femme en un baiser intense, passionné, cherchant à ignorer la colère qui lui ceignait la gorge, la peur qui lui étreignait les entrailles, la mélancolie qui commençait à emplir ses yeux devant le contraste des sentiments qu’il ressentait pour cette femme. Après toute cette violence, il aspirait à la douceur de Caelnia, au miel de sa personne, cette essence qu’il n’avait encore rencontrée chez personne jusqu’à lors. Sous l’ardeur des baisers du mage, décontenancée, la jeune femme se laissa emporter et tandis qu’elle ressentait ses mains se poser dans son dos pour descendre sur ses hanches avec tendresse, sa peau affichant à chaque geste le doux frisson du désir qu’ils partageaient, vivifié par le vent frais qui semblait encourager les caresses d’Aesril. En se confiant à cette femme, le visage au creux de sa nuque, il se surprit à sentir les émotions s’emparer si soudainement de lui, comme s’il pouvait enfin se laisser aller, et c’est presque les larmes aux yeux qu’il murmura à son oreille :


— C’est toi que je désire, Caelnia.


— Oh Aesril… murmura-t-elle, désarçonnée par l’émotion qu’elle lisait dans sa voix, se plaquant un peu contre lui en passant ses mains sous sa lourde cape.

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Ils se laissèrent alors emporter par ce désir qu’ils ne réprimaient que depuis bien trop longtemps, laissant leurs mains glisser contre leur corps, délaçant les vêtements l’un de l’autre, d’abord précipitamment, avant de se tempérer, réalisant soudain l’importance de cet instant. Ils ôtèrent les couches de tissus, l’une après l’autre, pour se découvrir finalement, entièrement nus, leur peau exposée à la morsure du vent, ne sachant plus vraiment comment se tenir, ainsi dévoilés. Aesril sourit. Caelnia lui répondit, dévoilant des dents blanches et sa joie de vivre et elle eut un rire éclatant de bonheur en lâchant :


— Je suis glacée ! Et tu es magnifique !


— Tu es belle aussi, si belle ! Surtout quand tu souris ainsi. Si tu me laisses profiter de ta chaleur, je te laisse profiter de la mienne.


Elle se lova contre lui, l’enlaçant de ses bras, avant de murmurer à son oreille :


— Ma chaleur est tout à toi…

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Sentant la fébrilité qui agitait le mage et le faisait trembler intensément, elle attrapa doucement sa main et la mena jusqu’à son sein puis son ventre, ses doigts entrant en contact avec la douceur de sa peau. Elle fit glisser sa main pour la guider jusqu’à sa féminité, où elle le laissa passer ses doigts dans les replis plus intimes de sa personne, leur arrachant un soupir de plaisir. Elle profita de ce temps pour glisser à son tour sa main sur la virilité d’Aesril pour s’en saisir avec douceur et lui offrir d’amples caresses, le faisant trembler un peu plus vigoureusement.


— Tu as froid ? s’inquiéta soudain Caelnia.


— Oui… et non. C’est… Surtout ne t’arrête pas.


Ils se perdirent un moment dans les caresses qu’ils s’offraient, tantôt tendres, tantôt ardentes, avant de s’allonger sur le sol de pierre froide, sur lequel Aesril déplia sa cape pour s’y étendre et mieux profiter l’un de l’autre. Il développa une passion soudaine pour les soupirs de sa partenaire et n’aspirait plus qu’à les entendre un peu plus, se perdant en de langoureuses caresses avant qu’elle ne le fasse regagner ses lèvres, l’embrassant fougueusement et l’incitant à basculer sur le dos pour venir se plaquer contre lui, passant ses jambes autour de lui pour le glisser en elle, plongeant un regard plein de tendresse dans le sien, achevant de laisser les émotions s’emparer de lui. Ils s’étreignaient d’une façon presque fusionnelle, comme s’ils aspiraient tous deux à ne plus jamais se détacher l’un de l’autre, à ce que la moindre parcelle de leur peau soit en contact avec l’autre, effectuant chaque mouvement en harmonie, jusqu’à ce qu’Aesril, plus rapidement qu’il ne l’aurait souhaité, sente céder en lui les derniers soubresauts libérant son plaisir sous les caresses aimantes du bassin ondulant de Caelnia et de son ventre chaud. Frémissant tous deux des sensations qui animaient leur corps, Aesril replia les pans de sa cape autour d’eux pour les maintenir au chaud et c’est haletant l’un contre l’autre, Caelnia étouffant quelques derniers soupirs de plaisir en se mouvant doucement contre lui, qu’ils échangèrent un regard complice, la lumière filtrant à travers le chaleureux tissu de feutre. La jeune femme caressa tendrement la joue d’Aesril avant de déposer une autre baiser sur ses lèvres, avec une infinie douceur, comme si elle était consciente du geste que cela représentait aux yeux du mage.


— Merci pour ce si beau moment, Aesril…


— Ne me remercie pas, surtout pas… l’implora-t-il en serrant ses bras autour d’elle, repensant à toutes les fois où Larnatillë le remerciait, consciente de l’effort que cela représentait pour lui. Ce moment, nous nous le sommes offert. Il est à nous et à nous seul. 


Elle posa son front contre le sien et lui sourit, intensément en posant une main sur son propre cœur.


— Tu seras toujours là. Ici. Il est à toi Milelen Vir. 


— Et tu seras toujours dans le mien. Quoi qu’il advienne.


— Alors, je n’ai pas besoin de plus grand royaume. Ton cœur est beau, Aesril. C’est là que je veux me trouver.


— Oh Caelnia… Caelnia… Promets-moi de rester à mes côtés. J’ai besoin de toi. J’ai tant besoin de toi… soupira Aesril submergé par les émotions que suscitaient ces mots et par la crainte de voir ce moment s’échapper sous ses doigts.


Il avait enfin trouvé sa place. Elle était dans le cœur de cette femme.


— Je ne vais nulle part, mon tendre Aesril, souffla Caelnia dans sa nuque.

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Ils demeurèrent ainsi encore un long moment, rechignant à l’idée de mettre fin à cet instant, mais le froid du vent d’automne les encouragea bien vite à se rhabiller. Caelnia ajusta la cape d’Aesril pour couvrir son cou et le protéger de la brise en étouffant un rire léger. Le jeune mage la dévisagea sans comprendre.


— Qu’y a-t-il ?


— Rien… lâcha-t-elle sur un ton sibyllin, dans un sourire en coin, en le toisant de haut en bas. C’est juste étonnant qu’aucune autre femme ne t’ait mis le grappin dessus plus tôt, voilà tout.


Aesril fronça les sourcils, toujours dubitatif. Rêvait-il ou venait-elle de faire une plaisanterie grivoise subtile pour le complimenter sur ce qu’il avait à offrir ? 


— Qu’est-ce que tu veux dire ? insista-t-il, perplexe.


Caelnia commença à se diriger vers la sortie dans un gloussement taquin, sans dire un mot, le regard empli de malice.


— Caeli ! Attends ! Vas-tu m’expliquer ?


— Trop tard ! Nous devons nous hâter, tu te souviens ? Les Poussiéreux nous attendent !


Et c’est sous les protestations d’Aesril qu’ils quittèrent ce refuge pour regagner les murs sécurisants du Collège, ce lieu millénaire où le mage se sentait enfin chez lui.

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Les jours se succédèrent au Collège et chaque minute qu’il y passait, Aesril savourait la chance qu’il avait de se trouver ici, loin de son père et de son odieux jugement et aux côtés de Caelnia et de sa lumière. Depuis cet instant à la tour, il avait le sentiment que sa douceur et sa joie de vivre avaient pris possession de sa propre personne et il se surprit à se trouver infiniment moins maussade, mut d’une certaine forme de légèreté et cela lui valut d’être plus apprécié auprès des autres disciples et Sapiarques, sauf, bien entendu, de ceux dont les deux amants dérangeaient le travail.  Malgré tout, régulièrement, une ombre venait planer dans l’esprit du jeune mage, le ramenant contre sa volonté à confronter un problème qu’il n’avait pas réglé et qui lui enserrait les entrailles : Larnatillë. Il ne savait absolument pas quoi faire de Larnatillë et chaque jour qui passait, il craignait un peu plus que Caelnia n’apprenne la vérité. Il avait beau retourner le problème dans son esprit une quantité infinie de fois, il n’avait aucune idée de comment le résoudre. Mais il était sûr d’une chose : il ne voulait pas mentir à Caelnia. Il voulait lui avouer comment il était véritablement arrivé ici, comment Larnatillë avait joué de ses charmes alors qu’il n’était encore qu’un adolescent, comment il avait été séduit par l’intelligence de cette femme de pouvoir et par la promesse d’une autre vie, par la possibilité de fuir le destin que son père avait choisi pour lui, comment il avait cédé à ses avances une première fois pour comprendre ensuite le cycle infernal dans lequel il s’était enfermé et le piège qu’elle avait dressé pour le garder auprès d’elle, le menaçant de diffamer son nom et de le chasser du Collège à tout jamais s’il n’obtempérait pas à lui offrir les faveurs charnelles qu’elle exigeait de lui. Et comment son père, une fois le nom de son fils trainé dans la boue, se serait aussitôt débarrassé de lui, comme il l’avait mis en garde au moindre signe d’échec. Comment il vivait chaque jour dans la peur. Mais il ne voulait pas entraîner Caelnia dans ses problèmes et surtout, il ne souhaitait pas perdre sa confiance. Il avait bien l’intention de régler ce problème avant toute chose. Il réalisait que, maintenant que Caelnia était à ses côtés, il avait moins peur. Car il n’était plus seul désormais. Oui, en y réfléchissant bien, sa décision était prise. Il irait parler à Larnatillë et négocierait avec elle. 

Pour cela, il réfléchissait à un plan d’action. Il doutait fort qu’elle accepte de mettre fin à leur relation si facilement et jusque-là, son moyen de pression avait été de le chasser du Collège, le privant définitivement de son avenir. Elle ne craignait pas qu’Aesril dévoile le chantage qu’elle exerçait sur lui, car elle savait que nul n’aurait cru un jeune disciple excommunié et cherchant certainement à se venger. Mais Aesril avait bien l’intention de la prendre à son propre piège : sa vanité et son orgueil. Elle ne se doutait sûrement pas qu’il lui tende une embuscade, trop persuadée qu’elle était qu’Aesril était encore un jeune homme naïf, un pantin duquel elle pouvait tirer les ficelles et le faire danser à sa guise. Alors, depuis quelques jours, il travaillait à un nouveau genre d’enchantement, plus délicat : il voulait concevoir une gemme mémorielle. Ces artefacts permettaient de capturer un moment, une voix, une image pour les conserver piégés à l’intérieur d’une pierre pour l’éternité, si tant est que l’enchantement fut bien exécuté. Les mages chargés du soin des défunts pratiquaient un rituel similaire afin de capturer les souvenirs des elfes, les extrayant de leur cerveau quelques heures après leur décès - ou avant - s’il était planifié. Mais ici, nulle besoin d’extraction. Il faudrait seulement qu’Aesril enchante le cristal de mémoire correctement et qu’il l’ait sur lui au moment où il se retrouverait seul avec Larnatillë. Ainsi, il aurait une preuve irréfutable de ses agissements et il la dénoncerait avant même qu’elle ne tente de le trahir. Alors, il expliquerait tout à Caelnia, une fois que toute cette affaire serait résolue, la gardant ainsi de la plonger dans cette inextricable situation et lui prouvant par la même occasion qu’il n’avait jamais eu l’intention de la tromper. La dernière chose qu’il souhaitait fut que Caelnia doute de ses intentions ou de son histoire et de perdre sa confiance. Ou même, qu’elle ne mesure pas le danger que représentait Larnatillë et tente de l’en protéger sans l’en aviser. Il semblait à Aesril que la quantité de paramètres à prendre en compte était titanesques. 
Son plan était parfait à ses yeux. Mais il impliquait de mener la créature hors de son antre pour que cela fonctionne. Il savait que le bureau de Larnatillë était truffé de détecteurs qui auraient décelé sans mal toute variation arcanique anormale. Il lui faudrait donc trouver une raison pour l’en faire sortir qui soit suffisamment accrocheuse pour retenir son attention, mais pas pour qu’elle se doute de quoi que ce soit. Et la raison était toute trouvée pour Aesril. Il espérait seulement que ses talents d’acteurs seraient suffisamment bons pour tromper la Haute Sapiarque. 


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Il en était là de ses machinations quand le cours de ses pensées fut interrompu par la voix chantante de Caelnia qui passa une main dans ses cheveux en s’approchant de lui.


— Eh bien, Milelen Vir, tu en fais une tête ! La même que quand tu joues aux échecs avec moi. Qui est-ce que tu planifies d’assassiner ?


Il sursauta, craignant un instant d’avoir pensé tout haut, avant de lever les yeux vers la jeune femme, tentant de reprendre le fil de la conversation.


— … Hmm ? Pardon, j’étais perdu dans mes pensées.


— Comme c’est surprenant ! À quoi pensais-tu ?


— … À toi, fit-il, tentant de masquer sa fébrilité. 


Elle s’assit sur le siège en face de lui, un mélange de joie et d’inquiétude sur le visage.


— Ah oui ? Je serais touchée si tu n’avais pas cet air grave. Ai-je fait quelque chose de mal ?


— Non, absolument pas, je songeais à la phase suivante de nos expériences, j’espère que ça va fonctionner. Je ne voudrais pas te décevoir si mes enchantements n’étaient pas à la hauteur.


— Tes enchantements ? Pas à la hauteur ? Aesril, on parle de toi, tout de même, c’est ce que tu maîtrises le mieux ! Tu pourrais enfermer ta magie dans n’importe quel objet et lui commander ce que tu veux ! Tu es sûr que tu te sens bien ?


— Oui, bien sûr, j’ai seulement… hâte de poursuivre, fit-il en esquissant un sourire qui se voulait convaincant, tout en se relevant.


Elle le dévisagea, un air suspicieux au visage, avant de lâcher finalement :


— Tu sais que je finirai par savoir ce qui te tracasse, mais, une fois de plus, je suis sûre que tu t’en fais pour rien.


— Certainement, comme souvent. Tu ne m’apprécierais pas autant sans cela, plaisanta-t-il dans un sourire rieur, croisant fièrement les mains dans son dos.


— C’est cela ! Allons donc voir à quel point tu as échoué tes enchantements alors !, le taquina-t-elle en se relevant à son tour.


Ils se rendirent une fois de plus dans la salle d’expérimentations de l’aile est qu’ils avaient pu réserver pour quelques heures. Ils s’y rendaient chaque fois que cela était possible, même si les occasions étaient rares, alors, entre-temps, ils travaillaient ensemble chaque fois qu’ils se croisaient dans les couloirs et se partageaient leurs théories en s’échangeant quantité de feuilles volantes, parfois accompagnés de suggestions taquines ou de rendez-vous secrets. Caelnia continuait de lui lancer des défis auxquels Aesril répondait sans faillir, allant de discuter par le biais de parchemins enchantés, à exécuter des sortilèges sous le nez des mages supérieurs, jusqu’à attendre que Maître Cinnarion s’endorme pour partager un moment d’intimité dans les réserves alchimiques du vieux Sapiarque. À ce rythme, et malgré la quantité de travail qu’on leur confiait, leur projet de voyage à travers les mondes progressait à vive allure. Aesril perfectionnait rapidement ses enchantements et les sortilèges de Caelnia gagnaient en précision, ainsi que leurs calculs. Ils sentaient tous deux que le but était proche. 
Ils effectuèrent une nouvelle phase de test, répétant le même processus qu’à chaque fois : les gemmes, les runes de protection, la pomme, le métronome, Aesril notant dans son carnet chaque nouvelle manœuvre qu’ils ajoutaient. Il plaça les gemmes dans les réceptacles, prononça le sortilège pour les activer pendant que Caelnia puisait leur énergie pour l’orienter vers un passage, parcourant les flux de la magie pour s’y connecter, comme si elle agitait un aimant jusqu’à trouver la bonne fréquence raccordée à son opposé. D’ordinaire, le processus durait un certain temps, mais cette fois-ci, Caelnia parvint à capter une vibration presque instantanément, sous le regard impressionné d’Aesril qui n’en revenait pas. Elle avait fait des progrès spectaculaires. Le portail s’ouvrit, activant les enchantements du mage et bientôt, il gagna une taille suffisamment conséquente pour pouvoir être traversé. Caelnia se tourna vers Aesril, une expression de joie extatique au visage.

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— On a réussi ! Par les dieux, tu as vu la taille de ce portail ?!


— Ne crions pas victoire trop vite, la tempéra Aesril en se retournant pour activer le métronome, sans se rendre compte de son ton abrupt. Nous devons encore lui faire passer l’épreuve de la pomme et voir si les gemmes parviennent à le maintenir ouvert assez longtemps.


— Oui… Oui, bien sûr… lâcha Caelnia, immédiatement refroidie dans son entrain.


Aesril sentit à son ton qu’il avait été trop froid avec elle et il allait s’en excuser quand un petit éclat doré autour du cou de la jeune femme attira son attention. Mais il n’eut pas le temps de dire un mot, que déjà, elle lançait le fruit à travers le portail. Lorsqu’elle le ramena quelques secondes plus tard, il en sortit tel qu’il était entré, sans une égratignure, mais une légère tâche brune indiqua qu’il avait touché un sol stable. Caelnia tourna à nouveau son visage vers le mage, époustouflée.


— Tu as vu ? Il est intact ! N’est-ce pas formidable ? Cela veut dire que…


— … Que nous avons trouvé un passage vers un autre plan, conclut Aesril, stupéfait. Et les enchantements tiennent le choc. Le portail semble stable.


Elle le serra vivement dans ses bras, pour l’embrasser, sous l’euphorie.


— Nous l’avons fait, mon amour ! Nous avons trouvé comment voyager entre les mondes. Nous n’avons plus qu’à effectuer des tests avec des organismes vivants et… nous pourrions… je ne sais pas moi ! Devenir les premiers à explorer des terres inconnues ! Peut-être rencontrerons-nous des civilisations ignorées de tous ! Tu imagines ? Nous serions des précurseurs dans notre domaine ! Et quand tu auras peaufiné tes enchantements, ce sera aussi facile que d’ouvrir n’importe quel portail !


— C’est une merveilleuse nouvelle ! s’épanouit à son tour Aesril, partageant la joie de sa partenaire. Je n’en reviens pas de la facilité avec laquelle tu as capté l’énergie de ce plan cette fois-ci, tu t’es beaucoup améliorée !


— Je n’ai pas autant de mérite que toi, avoua Caelnia dans un sourire mystérieux en sortant le pendentif doré de sous sa tunique.


Celui-ci était serti d’un immense rubis, aussi gros que ses yeux, un bijou certainement hors de prix et au vu des vibrations magiques qu’il émettait, cet artefact devait être rare. Autrement dit, ce n’était pas le genre d’objet que l’on pouvait se procurer aisément. Aesril fronça les sourcils avec suspicion.


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— Où as-tu eu ceci ?


— Figure-toi que c’est la Haute Sapiarque Larnatillë en personne qui me l’a prêté ! Il semblerait qu’elle ait entendu parler de nos recherches et qu’elle trouve notre projet très prometteur, elle pense que cela peut apporter beaucoup au Collège. Elle voulait le subventionner à sa façon, de ce que j’ai compris.


Il sembla à Aesril que son cœur s’était arrêté à la mention de ce nom.


— Larnatillë, répéta-t-il lentement en sentant le sang quitter ses extrémités.


— Oui ! Cela amplifie mes capacités à me focaliser sur un point d’ancrage ! Tu verrais, c’est comme naviguer à pleine vitesse à travers les étoiles, c’est merveilleux comme outil !


Aesril se retourna vivement pour attraper l’un des tissus protégeant les gemmes et il tendit sa main en direction de Caelnia.


— Donne-le-moi.


— Tu sais que tu peux demander poliment aussi ! s’offensa la jeune femme.


— Donne-le-moi, s’il te plaît, insista Aesril, sur le même ton sec.


— Très bien, voilà ! s’agaça-t-elle en délaçant le pendentif avant de le déposer dans la main du mage, sur le tissu. Tu n’es pas très agréable, aujourd’hui, dis-moi ! Qu’est-ce qu’il te prend ?


— Pas très agréable ? Je t’en prie, j’ai fait de grands efforts pour ne pas te tracasser !


— Oh, pardonne-moi, je ne savais pas que c’était si compliqué pour toi de te montrer plaisant avec moi !


— Ce n’est pas ce que je voulais dire… Ah ! 


Insupporté d’être incapable de se faire comprendre, il baissa les yeux sur le bijou pour y faire traverser un peu de sa magie, prudemment. Il ne sentit aucun maléfice et, en le tournant, il n’y vit rien d’anormal, point de pointe empoisonnée ou de piège de quelque sorte. Mais il aurait préféré un examen approfondi pour en être certain.


— J’aimerais l’examiner plus en détail, annonça-t-il.


— Je ne vois pas pourquoi, c’est à moi qu’elle l’a confié qui plus est, je ne suis pas sûre qu'elle soit très enthousiaste à l'idée que je m'en sépare... 


— Très bien, nous irons ensemble voir Maître Cinnarion, dans ce cas ! 


— Voir Maître Cinnarion ? Mais pourquoi ça ?


— Caelnia, on ne sait pas ce qu'il pourrait y avoir dans cette gemme, si ça se trouve, c'est dangereux... 


— Je ne vois pas pourquoi la Haute Sapiarque me confierait un objet dangereux... Qu'est-ce qui te prend, subitement ? 


— Rien... Rien. Je m’inquiète pour toi, c’est tout. Tout ceci était trop facile.


— Trop “facile” ?! Aesril cela fait des mois que nous travaillons sur ce projet, au mépris de notre sommeil ! Je ne trouve pas que ça a été si simple que ça, tu… tu t’es arraché les cheveux sur ces formules ! Tu parlais des enchantements dans ton sommeil ! Nous avons bien mérité un peu d’aide, tu ne crois pas ? Je n’aurais jamais cru que tu aurais vu cela d’un mauvais œil…


— Ce n'est que… Je voulais que ce soit uniquement notre projet, et… Ah, peu importe. N’en tiens pas compte. C’est ridicule.


Au-delà du fait que cela lui paraissait hautement alarmant que Larnatillë s’intéresse à Caelnia de quelque manière que ce soit, Aesril avait l’affreuse sensation qu’un intrus venait de pénétrer dans son univers pour le souiller. Comme si Larnatillë voulait s’approprier le mérite de leur travail.


Caelnia se mordit les lèvres avec contrariété, avant de soupirer et de s’approcher d’Aesril pour adresser une caresse à sa joue. Elle répondit avec douceur et empathie :


— Ce n’est pas ridicule. Mais la Haute-Sapiarque voulait seulement nous aider. Peut-être est-ce même parce qu’elle a tant confiance en toi. Alors, autant en profiter. Écoute, si cela peut te rassurer, nous irons voir Cinnarion ensemble, d’accord ?


Aesril baissa les paupières, hochant lentement la tête. La chaleur de Caelnia lui faisait du bien et comme il aurait aimé qu’elle parvienne à chasser l’angoisse qui le rongeait. 


— D’accord. Allons-y… Tu m’aides à ranger ?


— La Haute-Sapiarque a dit que nous pouvions avoir cette salle aussi longtemps que nous le voulions. En plus, nous aurons bientôt des tests à mener. Elle est vraiment généreuse, tu ne trouves pas ?


— Oui… déglutit le mage. Sa générosité n’a pas de limites. Quoi qu’il en soit, nos essais devront patienter, Cinnarion m’a parlé de variations célestes dans les jours prochains. Ce pourrait être dangereux, nous aurons sûrement des calculs à ajuster.


— Très bien, soupira Caelnia avec une pointe de déception. Allons voir Cinnarion, dans ce cas.


Ils gravirent les marches jusqu’à l’office du Sapiarque Cinnarion et lorsque celui-ci ouvrit la porte, il parut surpris de découvrir son apprenti accompagné d’une autre disciple.


— Aesril ? Mais je ne t’attendais pas avant deux bonnes heures… Et qui est cette jeune personne avec toi ?


— Caelnia, enchantée, Maître Cinnarion, mes excuses, je ne viens pas souvent dans cette partie du Collège, fit-elle d’un ton taquin en adressant une caresse au bas du dos du mage.


— Pardonnez-moi de vous importuner, Maître, nous n’allons pas nous éterniser, mais j’aimerais faire appel à votre expertise de gemmologue pour analyser cet objet et m’assurer qu’aucun… qu’il n’émet aucune vibration néfaste. 


Il déplia les pans du tissus pour présenter le pesant pendentif au Sapiarque qui ouvrit des yeux ronds à sa vue.


— Par la barbe de Syrabane, Aesril, mais ce bijou est extrêmement précieux ! Il fait partie de la collection privée de la Haute-Sapiarque en personne…


— Je sais. Elle l’a confié à Caelnia. Je veux seulement m’assurer qu’elle peut s’en servir sans crainte.
Le vieux Sapiarque haussa les sourcils avec étonnement, mais n’insista pas.


— Hmm… Bien, je vois. Je peux faire cela, oui, entrez, suivez-moi.


Il s’assit à son bureau, posa ses binocles sur le bout de son nez et le verre s’activa, présentant des formules arcaniques au Sapiarque qui analysa le précieux artefact. Il s’écoula plusieurs minutes ponctuées par sa respiration lourde de concentration et ses interjections de “Hmm…”, “Je vois” et de “Oui...”, les deux jeunes mages, penchés au-dessus du bureau, suspendus à ses lèvres.


— Alors, Maître ?


— Il n’y a rien d’anormal. La pierre contient juste un puissant enchantement qui permet de focaliser la magie sur les énergies stellaires. Mais c’est tout.


Caelnia se tourna vers Aesril, triomphante, les mains sur les hanches.


— Tu vois ! Tout va bien, ce collier est tout à fait sans danger.


— Aucun outil aussi puissant n’est complètement dépourvu de danger, jeune fille. Maniez-le avec précautions, la mit en garde l’ancien en lui remettant le bijou.


Elle le rattacha autour de son cou, le dissimula sous ses vêtements et s’inclina devant le Sapiarque en guise de remerciements.


— Maintenant, je sais de qui Aesril tient sa grande sagesse. Merci infiniment, Maître Cinnarion.


— Oui, merci, Maître, pour vos conseils et votre temps précieux. Nous allons nous éclipser à présent, ajouta Aesril en exécutant à son tour une révérence respectueuse.


Dans les escaliers, Caelnia jeta un coup d’œil à Aesril, observant sa mine sombre.


— Es-tu déçu de t’être trompé ? Tu semblais si persuadé que nous allions y trouver quelque sombre enchantement…


— Non, je ne suis pas déçu. Je me demande pourquoi Larnatillë t’a confié quelque chose d’aussi précieux de sa propre collection.


— Toujours à te poser mille questions, Milelen Vir ! Tu sais, tout le monde n’a pas d’idée derrière la tête quand il offre quelque chose. Il existe des gens purement désintéressés.


Il baissa les yeux vers elle avec mélancolie, replaçant une de ses mèches de ses cheveux blonds ondulés derrière ses oreilles.


— Tout le monde n’a pas une âme aussi douce que la tienne, belle Caelnia.


Ce disant, Aesril se perdit dans une réflexion. Si aucun maléfice ne se trouvait dans ce pendentif, quelque chose lui disait que la Haute Sapiarque faisait cela dans l’unique but de lui rappeler qu’elle était là et qu’elle pouvait s’immiscer où elle le souhaitait. Peut-être était-ce un avertissement ? Quoi que ce fut, cela résonna en lui comme un signe qu’il était grand temps de mettre son plan à exécution.



Acte III - Chapitre 1 : Parée d'or et de rubis 412ea910
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