L'Ordre des Lys et du Serpent
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Général Patafouin
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Acte III - Chapitre 2 : L'Éphémère Empty Acte III - Chapitre 2 : L'Éphémère

Mar 20 Sep - 17:05
Acte III - Chapitre 2 : L'Éphémère 164b6c10


Il était bien tard dans la nuit quand Aesril, le cœur battant, la gorge nouée d’angoisse, avait terminé d’écrire les derniers mots de la lettre adressée à Larnatillë. Cela allait fonctionner. Il fallait que cela fonctionne. Dans l’une des salles d’études vide, tandis que le jour déclinait, Aesril demeurait immobile, espérant que sa posture permettrait de convaincre son esprit qu’il n’était pas nerveux, mais ses mains moites le trahissaient. Quand la porte s’ouvrit à la volée pour dévoiler la Haute-Sapiarque, excédée, Aesril ressentit une pointe de soulagement. Elle était là. Comme prévu. Il ne pouvait plus faire marche-arrière maintenant que la première partie de son plan était enclenchée. 


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Elle s’avança vers lui, impérieuse, traversant la salle dans le frémissement de sa robe de soie brodée tombant lourdement sur le parquet de bois parfaitement vernis, une vague de parfum d’iris et de vanille emplissant l’air, comme si chaque pas qu’elle faisait lui permettait de posséder les lieux un peu plus. À la main, elle tenait toujours le parchemin décacheté présentant l’écriture élégante du jeune mage. Elle s’arrêta à quelques centimètres de lui et le fixa un moment, le menton levé, un air de défi haineux au visage. Aesril, l’air grave, fixait la Haute-Sapiarque sans ciller. Il se concentrait sur son cœur battant à tout rompre dans sa poitrine et s’efforçait de maîtriser sa respiration. Elle finit par lever sa main tenant le parchemin devant lui, les lèvres serrées d’amertume.


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— Ainsi… Tu veux mettre fin à notre “accord”. Qu’est-ce que cela signifie ?




— Vous savez très bien ce que cela signifie. Je ne veux plus subir votre harcèlement. Vous avez abusé de moi durant trop longtemps en usant de votre pouvoir pour me menacer. Mais je suis épuisé de me terrer dans la crainte.




Elle leva les sourcils avec mépris.




— Ne me fais pas croire cela ! Tu en avais envie, tout autant que moi.




— Je voulais être un Sapiarque ! Avoir une chance de prendre mon avenir en main au lieu de faire ce que tout le monde attendait de moi. Et vous, vous y avez vu la chance de profiter de mon ambition pour satisfaire vos désirs.




— Désirs et ambitions… N’est-il pas toujours question de cela entre gens de pouvoir ? Tu es jeune Aesril, mais tu es comme moi. Lorsque tu auras passé un certain âge, tu verras toi aussi que bien souvent la fin justifie les moyens et que ce que l’on veut, on doit souvent l’obtenir de force. C’est ce que tu as fait en forçant ton destin et c’est ce que j’ai fait en usant de ton corps, oui, en faisant de toi mon amant. Je refuse de croire que tu aies abandonné tes ambitions. Pas après tout ce temps. Et pas si cela était un tel sacrifice pour toi que de t’offrir à moi.




— Vous deviez bien savoir à quel point je répugnais à vous offrir du plaisir, si vous deviez placer des récompenses pour mieux m’attirer dans vos bras…




— … En effet, Aesril. Je ne suis pas dupe. J’ai usé de mon pouvoir sur toi, la belle affaire. Qu’on se le dise ou que ce soit tacite, je ne vois pas ce que cela change. C’est un simple échange de bons procédés.




— Un “simple échange de bons procédés”... articula Aesril. Par Auri-El, réalisez-vous que vous parlez d’un corps dont vous usez comme d’un objet ?




— Parce que tu le veux bien…




— Parce que vous me menacez ! Parce que vous avez mis ma vie en jeu ! Vous auriez ruiné mon avenir juste pour que j’émoustille et que je taquine votre corps, juste pour satisfaire vos odieux fantasmes et dominer un homme parce que nul ne reste auprès de vous !




La gifle qu’elle lui porta cingla plus vivement qu’il ne l’aurait cru, le bruit sec du claquement contre sa joue résonnant dans la salle vide, Larnatillë le toisant avec haine. Aesril lui rendit son regard, avec une pointe de satisfaction. Il ne s’était pas imaginé qu’il serait si facile de lui dire toutes ces choses qu’il avait retenu en lui depuis si longtemps et il y prenait un certain plaisir, autant que cela le terrorisait.




— Espèce de sale petit ingrat… Tu ne sais rien de ma vie, alors je ne te permets pas de la juger ! Toi aussi, un jour, à continuer dans cette voie, tu seras tout aussi seul que je ne le suis ! M’as-tu bien regardée ? Je suis au sommet, nul ne peut me faire tomber ! Tu méprises ce que je fais, certainement parce que tu le compares aux sentiments plus nobles, tels que l’amour ! Toi aussi, tu finiras par te rendre compte que l’amour n’est jamais qu’un frein et si cette petite sotte que tu fréquentes te donne l’illusion d’avancer, tu verras qu’elle peut tout aussi bien te détruire et détruire ta vie. Alors, oui, si je peux me servir d’un petit mage pas trop bavard et au corps plaisant, je le ferai. Toi, au moins, tu ne me feras pas le moindre mal.




Aesril tremblait de colère sous ces mots au mépris inégalé, il détailla la Haute-Sapiarque un moment… et il comprit. Elle ne disait cela que pour s’en convaincre. Mais tout dans son attitude trahissait ses émotions.




— … Si je suis incapable de vous blesser, alors pourquoi êtes-vous là à me crier dessus et à plaider votre cause ?




Elle ouvrit la bouche pour répondre, avant de se raviser, serrant la mâchoire avec mépris.




— Ne joue pas au plus malin avec moi. Quoi qu’il en soit, cette discussion n’a pas de sens. Si tu entends garder ta place ici, il serait préférable que tu m’obéisses. Sois le brave objet que tu es, Aesril. 




— Je refuse. Je ne veux plus jouer à votre jeu sordide.




— Et qu’est-ce qui a changé ? Ta charmante compagne, je suppose ?




— En effet.




— Comme c’est touchant. Tu aurais dû y réfléchir à deux fois avant de commencer cette relation avec elle, Aesril. Il est clair que tu n’avais pas de place pour elle dans ta vie.




— Cette place, je vais la faire. Et vous n’aurez rien à y dire.




Elle le toisa longuement, avec suspicion, comme si elle le jaugeait et mettait à l’épreuve ses paroles dans son esprit. Aesril ne détacha pas le regard. Sentant la gemme mémorielle frémir doucement contre sa poitrine, dans la poche intérieure de sa veste, signe qu’elle était active, il savait qu’il avait assez de preuves pour faire tomber Larnatillë. Il espérait désormais parvenir à faire cesser cette conversation sans heurts. Un large sourire mauvais et satisfait finit par s’étaler sur le visage de la Sapiarque. Elle posa sa main sur sa joue en une caresse lascive.


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— Si tu le dis, mon jeune disciple. Lorsque cette lubie te sera passée et que tu auras compris que c’est impossible, la porte de mon bureau sera ouverte. Parce que ce choix, tu l’as déjà fait il y a des années en venant ici. Tu ne peux plus revenir en arrière. Tu es à moi quoi que tu en penses. Il n’y a rien que tu puisses y faire. Et ce n’est certainement pas ta petite relation avec cette femme qui y changera quoi que ce soit.




— Pourquoi ? demanda sèchement Aesril. Parce que vous avez prévu de vous débarrasser d’elle ?




Elle eut un rire surprit.




— Me débarrasser d’elle ?! Enfin, Aesril, mais pour qui me prends-tu ? Ce serait hautement suspicieux et très idiot de ma part. Non, ta relation mourra d’elle-même, comme la plupart des histoires d’amour, cela, c'est une certitude et tu sais pourquoi ?




Le mage sentit la bile remonter le long de sa gorge en l’entendant parler ainsi de son histoire avec Caelnia, mais il se contint de rétorquer avec colère pour simplement cracher :




— Pourquoi ?




— Parce que tu as trop d’ambitions pour une femme comme elle. Un jour, tu voudras plus et tu la dépasseras. Franchement, tu t’imagines, ayant une petite vie bien propre, avoir une famille, un foyer bien rangé ? Tu as envie de t’en convaincre, mais ce n’est pas possible, parce que les gens comme toi et moi aspirent à la grandeur et c’est au sommet que se trouve leur place, et jamais, tu ne trouveras le bonheur dans une banale histoire de cœur. Tu n’aurais jamais autant sacrifié si ce n’était par ambition et tu es prêt à tout pour parvenir à ton but. Car telle est ta nature.




Aesril serra la mâchoire avec dégoût. Il haïssait se voir comparé à cette femme. Il haïssait qu’elle tente de lui dire ce qu’il était au fond de lui, car il craignait d’être cette personne qu’elle décrivait, car il doutait qu’il s’y trouve une part de vérité. La gorge serrée, il souffla :




— Je me fiche de ce que vous pensez que je suis. Je veux essayer. J’ai droit au bonheur, comme n’importe qui.




— Tu es trop intelligent pour être heureux. C’est ta malédiction. Plus tôt tu l’accepteras, mieux cela vaudra.




— C’est cela. Si vous le dites, lâcha-t-il avec consternation. Bien, si nous en avons terminé…
Il la dépassa pour pour commencer à se diriger vers la sortie, mais bien vite, la voix de Larnatillë poursuivit par-dessus son épaule, froidement.




— C’est loin d’être terminé, Aesril. Pas si tu veux maintenir ta place ici. Et comme à présent, les clauses du contrat sont clairement établies, j’exige un acompte pour certifier ta bonne foi.
Il se retourna lentement vers elle, craignant de comprendre ce qu’elle voulait dire.




— Un “acompte” ?




— Tu as très bien compris.




Il la dévisagea avec écœurement.




— … Vous me dégoûtez.




Larnatillë sourit un peu plus encore, ravie. Aesril revint vers elle, s’efforçant de contenir ses hauts-le-cœur. C’était une chose de céder au chantage de Larnatillë du temps où il était seul. Mais avec Caelnia dans l’équation, il avait le sentiment que cela le répugnait d’autant plus, le sentiment de la trahir. Comme si le fait d’avoir goûté à la beauté de cette relation et à la douceur de leurs moments d’intimité rendait encore plus laides les envies lubriques de la Haute-Sapiarque. Il la toisa avec insolence, cherchant à lui faire comprendre tous les sentiments que cela lui inspirait. Mais rien ne vint perturber la satisfaction sur le visage de Larnatillë. Alors Aesril approcha son visage du sien pour l’embrasser, laissant la Sapiarque user de ses lèvres comme bon lui semblait, sentant sa langue s’insinuer sournoisement dans sa bouche pour caresser la sienne. Les larmes aux yeux, il clôt les paupières de toutes ses forces, priant pour que cet instant ne s’éternise pas. Il ne pouvait pas s’éterniser, pas ici, Larnatillë devait savoir qu’il était trop imprudent de s’adonner à de telles activités en dehors de son bureau. Il se laissa faire, se confortant par cette pensée et par celle que ce baiser serait le dernier. Un dernier sacrifice avant d’achever le monstre qu’elle était. Elle laissait ses mains courir sur son corps et gagner les parts plus intimes de sa personne, le maintenant fermement contre elle d’une main, avant de susurrer à son oreille, lui procurant des sueurs froides :




— Tu es à moi.


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— Aesril… fit une voix emplie de larmes dans son dos.




La voix lui donna la sensation que son cœur venait de se transpercer. Il devait avoir rêvé. Ce ne pouvait pas être vrai. Il se détacha de Larnatillë, la repoussant plus vivement et avec autant de dégoût que s’il s’était agi d’une sangsue gorgée de sang. Dans l’encadrement de la porte entrouverte, se tenait Caelnia, se cramponnant à la porte comme à une bouée de sauvetage, le visage humide où la lueur passant par les vitraux venaient illuminer sa peau et faire scintiller ses larmes qui coulaient silencieusement le long de ses joues.




— Mais… Mais qu’est-ce que ça veut dire… bredouilla la jeune femme, déboussolée, sa voix se brisant dans sa gorge.




Aesril fit quelque pas vers elle, doucement, de crainte de l’effrayer, tendant les mains vers elle, déchiré de la voir dans un tel état par sa faute.




— Caelnia… Caeli, je vais tout t’expliquer… La situation est plus compliquée qu’il n’y paraît…




Le visage déformé par la douleur, elle planta son regard dans le sien, dans un soubresaut, hochant la tête de droite à gauche en signe de déni.




— Non… C’est bon. J’en sais assez.




Tremblant, Aesril se figea à ces mots. Ce ne pouvait pas être vrai. Il fallait qu’elle lui laisse une chance de lui expliquer, de lui dire la vérité. Il chercha les bons mots dans son esprit pour la rassurer, mais rien ne vint qui n’aurait sonné comme un mensonge. Elle n’attendit pas qu’il se justifie plus longtemps et elle quitta la salle aussi vite qu’elle était arrivée, laissant la porte entrouverte et le mage atterré. Il allait se lancer à sa suite quand Larnatillë, dans son dos, lâcha :




— Tu ne devrais pas te donner cette peine. Cela devait finir par arriver.




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Aesril aurait voulu la gifler à son tour, mais il s’abstint. Cela ne servait à rien. Il devait rattraper Caelnia. Il courut à sa suite, le cœur battant contre sa gorge, une pierre à la place de l’estomac et en voyant la silhouette voleter vivement au fond du couloir sombre, il cria :




— Caelnia !




Elle ne s’arrêta pas et il poursuivit sa course, criant à nouveau, ignorant les regards qui se tournaient vers lui sur son passage, au comble du désespoir :




— Caelnia ! Attends, je te t’en prie ! 




Elle bifurqua dans un croisement et Aesril la perdit de vue un moment. Le Collège était truffé de portes et d’embranchements, de recoins dans lesquels il était facile de se volatiliser. Et elle aurait très bien pu créer un portail. Il ralentit sa course, à bout de souffle, tant l’angoisse lui ceignait la gorge. Il sentait qu’il respirait mal. Il sentait qu’il allait faire une de ces crises, comme lorsque enfant, des peurs paniques s’emparaient de lui. Mais ce n’était pas le moment de défaillir. Il se concentra sur sa respiration et chercha où Caelnia avait pu se rendre. Dans cette partie du Collège, il ne voyait qu’une seule option. Il reprit sa course, à toutes jambes, bousculant quelques Sapiarques au passage et, au bout de quelques minutes, il arriva enfin, devant la porte entrouverte de la salle d’expérimentations. Il entra sans même y réfléchir. Elle se tenait là, lui tournant le dos, au centre du cercle d’invocation du portail. En entendant Aesril arriver, elle se retourna précipitamment, un mélange de haine et de profonde tristesse sur le visage.




— Pourquoi m’as-tu suivie ?! Vas-t’en ! lui cria-t-elle.




Aesril sentit son cœur se fendre en entendant ces mots, mais il n’abdiqua pas et demeura là où il se trouvait.




— Caelnia… Tu… Tu ne sais pas tout… Si seulement… Si seulement tu me laissais une chance de t’expliquer… commença-t-il, la voix tremblante.




— M’expliquer quoi ?! Comment tu m’as trahie ? Comment tu te jouais de moi depuis le début ! Épargne ta salive, j’ai très bien compris ! Voilà donc pourquoi tu t’inquiétais pour le bijou, pourquoi tu avais autant l’attention de la Haute-Sapiarque ? Vous couchiez ensemble et tu te servais d’elle !




— Non, Caelnia, ce n’est pas ce qu’il s’est passé, c’est bien plus compliqué que cela…




Mais Caelnia poursuivait, sourde à ses explications.




— Tu t’es servie d’elle comme tu t’es servi de moi ! Tu… Tu t’es rapproché de moi pour mon projet, c’est ça ?! Tu voulais en obtenir le mérite ?!




— Quoi ?! Non ! Caelnia, comment peux-tu penser une chose pareille ?!, se défendit le mage, les larmes aux yeux.




Elle le pointa du doigt dans une cascade de larmes, se mordant les lèvres pour s’empêcher de défaillir.
— Toi… Toi ! J’ai toujours cru en toi, Aesril ! Quand tous les autres disaient que tu n’étais qu’un mage hautain, méprisant tout le monde et n’ayant d’intérêt que pour sa propre personne, j’étais convaincue du contraire ! J’étais… J’étais convaincue que tu m’aimais !




— Mais c’est le cas, Caelnia… souffla-t-il d’une voix à peine audible, les larmes perlant sur ses joues à son tour.




— Mais tu sais quoi ? Je n’ai pas besoin de toi et de tes fichus enchantements pour y parvenir ! Je suis aussi talentueuse que toi et j’y arriverai par mes propres moyens !




Ce faisant, elle activa les gemmes, comme Aesril le lui avait montré, et posa sa main sur le pendentif d’or et de rubis pour le déclencher, déployant presque instantanément un immense portail. Sous le choc, ayant à peine le temps de comprendre ce qu’elle était en train de faire, Aesril écarquilla les yeux d’effroi en la voyant avancer vers le passage. Il voyait la distance qui le séparait d’elle et sût qu’il n’aurait jamais le temps de l’arrêter, mais il courut vers elle malgré tout, dans un réflexe, dans un espoir de mettre fin à sa course. Les variations stellaires bouleversaient encore le ciel et rendaient la création du portail extrêmement instable. Leurs calculs n’étaient plus valides. Tout s’enchaîna très vite dans l’esprit du mage et il cria, dans une tentative désespérée de la retenir.


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— Caelnia, je t’en prie, attends !




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Elle avait traversé le portail de moitié qu’Aesril parvint à attraper son avant-bras, juste avant qu’une violente secousse n’agite la salle et qu’un souffle propulse Caelnia au sol, la précipitant contre le mage, éteignant toutes les bougies et plongeant la salle dans la plus complète obscurité. Dans le choc de la secousse, Aesril s’écroula au sol, son crâne frappant douloureusement contre le parquet, la rapidité du souffle lui faisant perdre connaissance.


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Lorsqu’il revint à lui, il n’avait aucune idée de combien de temps s’était écoulé. Sa tête lui faisait atrocement mal. La salle était sombre et le portail s’était résorbé, les gemmes ayant utilisé toute leur puissance et ayant fini par se briser. Ses jambes étaient engourdies et lorsqu’il redressa la tête, il vit Caelnia étendue sur celles-ci. Son cœur se mit à battre un peu plus vite, ses idées se replaçant dans sa mémoire. Larnatillë, Caelnia, la dispute, le portail. Le vide. Il se releva vivement, ignorant les douleurs de son corps et se mit aux côtés de Caelnia, fébrilement, posant sa tête délicatement sur ses genoux. Elle ne bougeait plus. Il paniqua. Il n’y voyait rien. Il alluma un chandelier d’un geste et étouffa un sanglot d’effroi. Le bras, la jambe et le bas du visage de Caelnia étaient noirs, comme recouvert d’une pellicule dure, brûlés par les radiations magiques. Tremblant, sentant à peine les larmes qui s’écoulaient le long de ses joues, Aesril porta sa main sur la joue de la jeune femme, terrorisé. Incapable de savoir quoi faire, il caressa doucement ses cheveux, cherchant dans sa mémoire, quelle était la marche à suivre. Vérifier son souffle et les battements de son cœur. Oui. C’était cela. Il peinait à percevoir son souffle, alors il posa son oreille contre son cœur et pria, murmurant son nom comme une invocation.




— Oh, Caelnia… Caelnia…




— Aesril ? demanda une voix, si ténue qu’il crut d’abord avoir rêvé.




Il redressa la tête vivement et son cœur manqua un battement en voyant les iris violets de Caelnia le regarder avec douceur.




— Caelnia ! Tu es vivante… tu es vivante… répéta Aesril qui peinait à s’en convaincre.




— Oui… J’ai été stupide, Aesril… Les variations… Je les avais complètement oubliées.




— Ce n’est rien, le principal, c’est que tu sois en vie, murmura-t-il en lui souriant intensément. Comment te sens-tu ?




Elle grimaça en cherchant à se reconnecter à ses sensations avant d’esquisser un léger sourire pour sauver les apparences. 




— J’ai l’impression d’avoir le cerveau en bouillie. Mais sinon, je me suis déjà sentie dans un pire état…
Aesril la dévisagea, surpris qu’elle ne fasse pas mention de douleurs au niveau de ses brûlures. Il passa doucement sa main sur son bras et questionna :




— Tu n’as pas mal ici ?




Elle chercha du regard l’endroit que le mage avait désigné, sans comprendre.




— Non… À vrai dire, je ne sens rien…




Il la vit écarquiller les yeux et le regarder avec angoisse, pour finalement sentir sa respiration s’accélérer et les larmes mouiller le bord de ses yeux.




— Aesril… Je… Je ne sens rien ! Je ne sens plus mon bras ! Je ne sens plus ma jambe ! Que… Qu’est-ce qu’il m’arrive ?!




— Quoi ? s’étrangla le mage, désemparé. Je… Je ne sais pas… Je… Tout ira bien, ne t’en fais pas. Nous… Nous allons trouver de l’aide, d’accord ? la rassura-t-il, pour tenter de calmer ses propres angoisses qui montaient en lui avec puissance.




Il se releva en la prenant dans ses bras, luttant contre sa tête agitée de vertiges et les protestations de son dos courbaturé. En voyant son inquiétude, Caelnia, elle aussi terrorisée, esquissa malgré tout un sourire doux et leva faiblement son bras valide pour poser une main tendre sur la joue du mage.




— Tout ira bien… Ils vont nous aider…




Aesril serra la mâchoire pour tenter de contenir ses émotions, mais cela relevait presque de l’impossible. Il sortit dans le couloir pour le trouver vide et, au comble de la détresse, il cria :




— Venez m’aidez ! Elle est blessée !




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Caelnia fut menée dans une salle de soins intensifs, empêchant Aesril d’avoir tout contact avec elle durant deux jours complets. Nul ne voulait lui dire quoi que ce soit. Et lui-même refusait d’effectuer le moindre travail qu’on lui confiait. Il avait déserté l’office de Maître Cinnarion et les sessions d’étude jusqu’au moindre de ses projets et se contentait de faire des allers-retours entre sa chambre et l’infirmerie, où il était immédiatement refoulé, alors il s’asseyait sur une chaise, dans le couloir et écoutait les conversations des guérisseurs dans l’espoir d’apprendre quelque chose. Il ne mangeait plus ou très peu, prenait un bout de pain au réfectoire, à l’heure où nul ne s’y trouvait et partait s’isoler. Même venir dans la vieille tour d’alchimie, son ancien refuge, lui était trop douloureux. Cela le ramenait à des souvenirs trop doux pour que son esprit puisse les supporter en cet instant. Il errait tel un fantôme, se demandant parfois s’il était toujours en vie. Les guérisseurs du Collège avaient d’ailleurs été étonnés qu’il n’ait pas été touché par les radiations du portail ou subi de commotion cérébrale. Tout le monde lui disait qu’il avait eu de la “chance” et qu’il s’en était bien sorti. Mais ces mots sonnaient creux aux yeux d’Aesril. Il ressassait la scène en boucle et ne cessait d’imaginer d’autres issues au scénario. Où la situation lui avait-elle échappé ? À quel moment ? Lorsqu’il avait voulu piéger Larnatillë ? Quand il avait caché la vérité à Caelnia ? Ou encore, bien plus tôt, comme le disait Larnatillë, en s’autorisant à éprouver des sentiments pour la jeune femme ? Une part de lui ne pouvait s’empêcher de penser qu’il aurait pu la préserver de tout ceci en l’écartant de sa vie, comme il l’avait fait avec tous les autres, jusqu’à lors. Mais cette pensée achevait de lui broyer le cœur. 


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Au bout de deux jours, son état s’étant stabilisé, ils l’autorisèrent finalement à gagner le chevet de la jeune femme. Ils l’avaient placée dans une chambre seule, confortable et lumineuse. Elle avait un grand lit juste pour elle. Mais Caelnia… Caelnia n’était plus la même. Hormis le côté droit de son corps qui avait été bandé, sa joie de vivre semblait avoir disparu de sa personne. Une aura maussade planait au-dessus d’elle. La tête soutenue par une quantité de coussins moelleux, elle sourit faiblement à Aesril. L’espace d’un instant, il eut l’impression de la retrouver, mais de la voir ainsi le brisa intérieurement.




— Aesril… fit doucement Caelnia. Tu es venu…




— Bien sûr. J’ai failli faire brûler les portes de cette infirmerie pour te rejoindre plus tôt, mais cela n’aurait pas été sage. Tu es toujours aussi belle.




— Et tu es le pire menteur que j’aie jamais connu, plaisanta-t-elle en étouffant un rire qu’Aesril partagea.
Elle le regarda un moment, la mélancolie emplissant son regard.




— J’aurais dû m’en rendre compte plus tôt… Tu n’as jamais su mentir.




Aesril la dévisagea, interloqué, avant de passer outre et de demander :




— Comment te sens-tu ?




Le visage de Caelnia s’assombrit un peu plus et elle baissa les paupières, cherchant ses mots.




— Engourdie… Les guérisseurs… Est-ce qu’ils t’ont dit ?




— Me dire quoi ? questionna-t-il en papillonnant des paupières.




— Les anomalies stellaires que nous avions notées… Les éruptions de magie étaient infiniment plus puissantes que d’habitude ces derniers jours. Apparemment, j’ai été touchée




par des radiations pures. Tu avais raison… Le portail était mal calibré. Il aurait fallu… Ajuster les enchantements. Quoi qu’il en soit… Malgré tous leurs efforts… Les radiations ont progressé en moi et… disons qu’elles ont fait de gros dégâts. Ils disent qu’elles ont touché quelque chose qui me permet de… de me déplacer et que… qu’elles ont comme… grignoté mes capacités à me mouvoir. Ils ne savent pas comment soigner cela…




À mesure qu’elle parlait, l’émotion s’emparait de Caelnia, incapable de réprimer sa détresse. Elle releva des yeux emplis d’angoisse vers Aesril.




— Oh, Aesril, je ne veux pas rester ainsi ! Je ne veux pas être comme ceci !




— … Quoi ? lâcha Aesril, sous le choc. Non… Ils doivent se tromper, il doit y avoir une solution. Les meilleurs guérisseurs du Couchant se trouvent ici.




Les larmes dévalèrent à nouveau les joues de Caelnia.




— Ils disent qu’il n’y a pas de solution ! Mais… je… je veux pouvoir à nouveau marcher et courir et… nager et… dessiner… Faire de la magie avec toi… Sentir ta peau sous mes doigts… Oh, Aesril, j’ai si peur ! 




— Ce… Ce n’est pas possible Caelnia. Nous trouverons une solution. Il y en a toujours une. Ces gens sont des incapables. Ils donnent un diagnostic en deux jours ? Sans même chercher ? C’est ridicule !




— Aesril, tu l’as dit… les meilleurs guérisseurs sont ici…




— Les plus grands abrutis, oui. S’ils ne sont pas capables de faire leur travail, je m’en occuperai, dans ce cas.




Elle lui sourit tendrement, mais derrière son sourire, transparaissait une intense fatigue.




— Tu ne peux pas tout maîtriser, Milelen Vir… Par ailleurs… J’ai eu le temps de réfléchir, tu sais et… Je suis vraiment désolée pour ce qu’il s’est passé. J’ai été sotte. J’aurais dû t’écouter et te laisser parler au lieu de tout interpréter et d’agir aussi… aussi bêtement. Je ne peux pas croire que j’ai été aussi idiote !
Il caressa doucement ses cheveux, les sourcils froncés de soucis.




— Tu n’as pas été idiote, Caeli, c’est de ma faute. J’ai eu le temps d’y réfléchir, moi aussi, tu sais… Et je… J’aurais dû tout t’expliquer depuis le début, à propos de Larnatillë. Seulement… Je ne savais pas quel était le bon moment pour te le dire… Il n’y en avait certainement pas. Je ne savais pas non plus si tu me croirais. Et pour tout te dire… J’avais presque fini par l’oublier. Jusqu’à ce que je voie son collier autour de ton cou.




— Alors… Qu’est-ce que j’ai vu ce jour-là ? l’interrogea-t-elle, fébrilement.




Aesril rapprocha une chaise placée non loin et s’y assit lourdement, posant ses avant-bras sur ses genoux, les mains en prière. Le tourment transparaissait dans toute sa posture.




— Tu m’as vu en train de tendre un piège à Larnatillë. Tu avais raison sur un point, Caelnia : si je suis arrivé au Collège, c’est grâce à elle. Sans cela, mon père n’aurait jamais permis que j’y entre. J’entretiens une relation avec Larnatillë depuis des années. Cela doit faire dix ans. J’ai été séduit par sa personnalité étant jeune adulte. Elle m’a promis que j’intégrerais le Collège si je continuais à coucher avec elle. Depuis que je suis ici, elle me force à avoir des rapports avec elle sous la menace de détruire mon nom et de me renvoyer d’ici. Et elle me récompense avec des livres réservés aux Sapiarques les plus anciens pour que je peaufine mon savoir. Je suis… son “investissement personnel” comme elle se plaît à me le rappeler souvent.




Les yeux de Caelnia s’obscurcirent un peu plus, profondément touchée.




— Aesril, mais… C’est atroce ! Toutes ces années, tu cédais à ses avances ? Pourquoi n’en as-tu parlé à personne ?




Il esquissa un sourire triste.




— Et qui m’aurait cru ? Quel poids avait ma parole face à une personne telle que Larnatillë ? Qui plus est, cela aurait invalidé toute ma place ici. Je n’aurais certainement pas pu rester. 




Il sortit une petite gemme bleutée, comme emplie de brume, qu’il posa délicatement dans la paume de Caelnia.


Acte III - Chapitre 2 : L'Éphémère A0852610


— Je voulais capturer ses actes par le biais d’une gemme mémorielle. Pour que mes preuves soient irréfutables et que je puisse mettre fin à cette relation malsaine. Parce que… Parce que je ne voulais pas t’imposer ça, Caelnia. Parce que je voulais poursuivre notre relation sur des bases saines. Et j’avais réussi. Tu es arrivée au moment où… où elle exigeait une autre faveur. Alors, je m’y suis plié. Une dernière fois.




Les yeux embrumés par le souvenir contenu dans la gemme défilant sous ses yeux, Caelnia baissa le regard sur le cristal dans sa paume, les larmes lui montant aux yeux, une fois de plus, entendant et voyant la scène qu’avait vécu Aesril.




— Et… Et j’ai cru que… J’ai cru que tu m’avais trahie… Si seulement je t’avais fait confiance… Oh, Aesril, mon tendre Aesril… Quelles horreurs cette femme t’a fait subir… J’aurais dû le comprendre plus tôt… Je vois tellement d’indices, désormais.




— Tu n’aurais rien pu savoir. C’est ma faute. Je… Je suis tellement désolé… Je…
Caelnia plongea ses yeux dans ceux du mage, avec une infinie douceur, pour l’inviter à s’apaiser.




— Shh… Ce n’est rien… Rien qu’un terrible malentendu.




Aesril ne parvenait pas à accepter qu’un malentendu fut la cause de l’état de Caelnia. Il retournait la situation mille fois dans son esprit, se questionnant si Larnatillë n’avais pas manigancé tout ceci. Peut-être avait-elle saboté leur matériel ? Ou avait prévu la réaction de Caelnia et avait fait en sorte qu’elle voie cela ? Quoi qu’il en soit, ce ne pouvait être l’issue de cette histoire. Caelnia ne pouvait rester infirme.




— Je trouverai une solution. Pour ton corps. Je t’en fais la promesse. 




— Aesril… Comment comptes-tu accomplir un tel miracle ? Tu n’es pas guérisseur, tu n’y connais rien, il te faudrait peut-être des années, si ce n’est toute une vie pour trouver un remède, si tant est qu’il existe…




Il releva la tête, dans un sourire où se mêlaient l’épuisement et la détermination.




— C’est que tu ne sais pas à quel point je suis doué, dans ce cas. Me fais-tu confiance ?
Elle fit naviguer ses yeux sur le visage du mage, déboussolée, avant de lâcher doucement :




— Oui… Entièrement confiance.




Il prit sa main dans la sienne et la serra de toutes ses forces, quand bien même il était conscient qu’elle ne sentait rien.




— Alors tu n’as pas à t’inquiéter. Je suis là, Caelnia, ma si belle Caelnia. Et je ne t’abandonnerai pas. Quoi qu’il advienne. 




— Tu es si intense… Milelen Vir, pouffa-t-elle doucement. Dis… Il est tard et… j’ai peur que mon esprit ne divague un peu trop vers des idées noires… Tu veux bien rester ici avec moi cette nuit ? Et me lire une histoire ?




Il lui sourit, intensément. Mais cette fois-ci, il ne pouvait s’empêcher de laisser transparaître ses émotions.




— Bien sûr. Quel genre d’histoire ?




— Une histoire d’aventuriers. J’ai envie de voyager un peu avec toi, tendre Aesril.




Alors, Aesril revint, les bras chargés d’ouvrages et il s’installa aux côtés de Caelnia, sur le grand lit, contant les histoires d’Hommes et d’Elfes braves ayant parcouru le monde, lovant la jeune femme au creux de ses bras, jusqu’à ce qu’elle gagne un sommeil profond et que, finalement, d’épuisement, il finisse par trouver le sommeil à son tour.


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Les jours qui suivirent, Aesril œuvra sans relâche, mu d’une énergie nouvelle. Il dormait toujours aussi peu, n’avait toujours qu’un maigre appétit, mais il avait la sensation de ne pas en avoir besoin. Avalant des litres de thé, il gagnait chaque matin la Grande Librairie aux aurores et dévorait chaque livre de médecine qu’il pouvait trouver, en commençant par les bases pour spécifier ses recherches de façon plus précise au fur et à mesure. Il en vint rapidement à la conclusion que le plus simple serait d’aller directement voir les guérisseurs travailler et dès qu’il en avait l’occasion, il se rendait aux salles de soins. Après s’être étonnés de voir un enchanteur s’intéresser à leur métier, les guérisseurs, voyant qu’il ne dérangeait pas leur ouvrage et qu’il montrait un intérêt prononcé, le laissèrent observer les soins apportés aux malades et aux blessés et certains Sapiarques furent même ravis de répondre à ses questions. Le jeune disciple comprenait vite et il faisait preuve d’initiative en apportant les outils nécessaires aux soins. Certains finirent même par penser qu’il était un assistant assigné à l’infirmerie. Maître Cinnarion n’avait pas fait preuve d’une grande insistance en voyant que son propre assistant ne se présentait plus aux heures de travail obligatoires. Il lui avait fait transmettre une note l’enjoignant de venir accomplir ses fonctions, ce à quoi, Aesril avait répondu en allant le voir directement pour lui expliquer qu’il ne s’en sentait pas capable, sans en mentionner la raison. Le vieux Sapiarque s’était contenté de hocher doucement la tête et de lui répondre calmement : “Reviens lorsque tu seras prêt, dans ce cas.” et il l’avait laissé repartir vaquer à ses occupations. Cela arrangeait bien le mage qui ne vivait plus que pour trouver une solution à l’état de Caelnia. Dans le secret de sa chambre, il établissait des plans et des théories, étayait ses idées, fulminait de ne pas y parvenir, recommençait, inlassablement, espérait et lisait, encore et encore, aspirant le savoir plus goulument qu’une créature vorace. 


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Ce manège lui permettait aussi d’éviter de croiser les amis de Caelnia trop fréquemment dans les couloirs ; Si certains d’entre eux semblaient comprendre et partager les espoirs d’Aesril, d’autres ne pouvaient s’empêcher de voir d’un mauvais œil le manque d’affliction qu’il semblait afficher, ayant l’impression que cela ne le touchait pas, car il ne montrait aucun signe d’abattement. Certains le tenaient en partie responsable de ce qui était arrivée à leur amie, pensant qu’Aesril aurait pu la protéger de cette issue en étant plus méticuleux dans ses enchantements. Et Aesril avait bien trop à faire pour se concentrer sur les jugements des autres, aussi douloureux fussent-ils. Chaque soir, immanquablement et malgré l’épuisement causé par ses journées interminables, il remontait à l’infirmerie et allait voir Caelnia pour lui partager ses avancées et lui raconter avec beaucoup d’enthousiasme ses journées, déployant de grands efforts pour ne jamais afficher le moindre doute dans ce qu’il faisait. Lorsqu’elle lui demandait s’il ne perdait jamais espoir, il lui répondait avec le plus grand aplomb : “Non”. Aesril avait monté dans la chambre de Caelnia quantité de livres, de jeux de société et inventait même des jeux, enchantait des objets pour elle, allant même jusqu’à créer une plume qui lui permettait d’écrire et de dessiner grossièrement ce qu’elle avait en esprit. Il se surprenait à se dépasser, juste pour la voir rire à nouveau. Chaque fois qu’il voyait le sourire de Caelnia se dessiner sur ses lèvres, il revivait un peu plus, se sentant infiniment récompensé, et la flamme de son espoir repartait de plus belle. 






Un soir, alors que Caelnia et lui avaient passé la soirée à jouer à un jeu de devinettes, riant de bon cœur, Aesril se surprit à la trouver de plus en plus apaisée et il sentit son corps s’emplir de chaleur, à la pensée que Caelnia plaçait une telle confiance en lui. Elle l’observait avec tendresse pendant qu’il cherchait parmi les nouveaux livres qu’il avait dénichés pour elle. 




— Alors, que veux-tu que je te lise, ce soir ? Je t’ai rapporté des contes de héros Nordiques, je me suis dit qu’avec l’hiver qui arrive, ce serait à propos. Nous nous enroulerions sous des fourrures, et nous parcourrons ensemble les steppes de la châtellerie de Blancherive, et les vagues gelées de la Mer des Fantômes, qu’en dis-tu ?




Elle sourit doucement avant de répondre :




— C’est une excellente idée… Mais ce soir, j’aimerais que tu me racontes l’histoire de la Dame des Mers et du Chevalier de Glace.




Il esquissa un sourire taquin, attendri.




— Décidément, tu adores cette histoire. Cela doit faire trois fois que je te la lis.




— Je n’y peux rien… J’aime les histoires d’amour et les fins heureuses. J’aime imaginer qu’ils ne se quittent jamais. Même si le Chevalier n’est pas parfait, il finit par voir que la Dame pourra le rendre heureux et il la laisse toucher son cœur. Je trouve cela magnifique.




— Tu as raison, il y a peut-être un peu trop de romance à mon goût, mais il a le mérite d’être joyeux.
Il prit le livre, posé parmi le haut de la pile et s’installa sur le lit aux côtés de Caelnia, posant la tête de la jeune femme contre son buste confortablement.




— Tu es bien installée ?




— Je n’échangerais ma place pour rien au monde.




— Alors je commence…




Après avoir parcouru l’entièreté du livre, Caelnia peinait encore à s’endormir. Voyant qu’Aesril tombait de fatigue, elle l’enjoignit à aller se coucher. Il se redressa mollement, passant une main sur son visage pour tenter de se réveiller, sans grand succès.




— Tu es sûre ? Je peux rester te raconter d’autres histoires, si tu veux. Ou nous pouvons discuter.




— Je suis infirme, mais pas aveugle, Aesril, tu as une tête à faire peur ! pouffa-t-elle doucement. Tu devrais vraiment te reposer, passer une vraie nuit. Tu vas finir par t’écrouler si tu continues.
Il sentait qu’elle n’avait pas tort. Cela faisait des semaines qu’il travaillait sans relâche et il se sentait souvent atteint de tremblements et de vertiges. Il devait dormir. Il se releva, reposant la tête de Caelnia sur les oreillers moelleux.




— Tu as raison, je m’avoue vaincu… pour ce soir. Je reviendrai demain. Comme toujours.




Elle lui offrit un large sourire empreint de mélancolie.




— Tu es le mage le plus indéfectible que je connaisse, Aesril. Tu sais que je t’aime ? Et que j’aime passionnément ton obstination et ta détermination. Comme si rien ne pouvait jamais t’arrêter.




— Sauf le sommeil, visiblement ! plaisanta-t-il dans un rire léger, embrumé de fatigue. Je t’aime aussi, belle Caelnia. Bonne nuit.




— Bonne nuit Milelen Vir, répondit doucement Caelnia.




Il quitta la pièce pour regagner son lit et dormit d’un sommeil sans rêve. 




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Le lendemain, le soleil filtrait difficilement à travers les nuages de cette journée brumeuse et froide, cet hiver-là. Il semblait venu là, uniquement pour se refléter sur un petit parchemin près du lit d’une jeune femme convalescente. Il portait ces mots :




Aesril, mon si tendre Aesril, Milelen Vir,




Il n’y a aucune bonne façon de t’annoncer la décision que j’ai prise. Mais je veux que tu saches que ce n’est en rien le signe que j’ai perdu foi en toi ou en l’amour que tu me portes. À vrai dire, je te vois te consumer d’amour chaque jour et te perdre dans l’espoir d’un lendemain meilleur. Mais je sais que ce lendemain, il n’existe pas. Pas pour moi. J’ai voulu toucher le soleil et je me suis brûlé les ailes. C’est ainsi. Tu n’en restes pas moins l’homme brillant que tu es. Peut-être le plus brillant de tous ces mages. Et peut-être trouveras-tu une solution. Et peut-être pas. Et je refuse de te voir brûler à petit feu dans l’espoir d’y parvenir et de gâcher ta vie auprès d’une femme qui ne peut ni t’embrasser, ni te toucher, ni te sentir. J’ai vu en toi infiniment plus que l’homme intelligent. Tu es drôle, curieux, ton imagination est sans bornes, tu as plus de tendresse et d’amour dans le cœur que tous les gens que j’aie pu rencontrer, même si tu les caches derrière des murs de granit épais et froid et de fausse indifférence, tu vois le monde, tu le vois vraiment, Milelen Vir, tu es celui qui regarde avec le cœur. Je ne veux pas que tu perdes cela. Ne cesse jamais d’être aussi formidable. Vis. Cours, nage, dessine, enchante, fais toutes ces belles choses pour moi. Sois heureux. Aime. Tu as encore tellement à découvrir. Pour ma part, je ne pars pas bien loin. Je ne quitte pas le royaume que tu m’as offert dans ton cœur.
Au revoir, Aesril.
Je t’aime.


Caelnia.
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