L'Ordre des Lys et du Serpent
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Général Patafouin
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Chapitre II : Maître Pantelis Empty Chapitre II : Maître Pantelis

Ven 29 Sep - 15:10
Le jeune mage se présenta en milieu de matinée devant les portes de la salle de soins de l'aile ouest, comme il en avait été convenu, le maître-intendant lui ayant remis sa fiche d'horaires deux jours avant le début de la prise de ses fonctions en tant qu'assistant guérisseur. Le conseil l'avait assigné à la tutelle d'un certain Maître Pantelis, un Sapiarque dont il n'avait que vaguement entendu parler jusqu'à lors, même s'il lui semblait avoir entraperçu des échos animés concernant cette personne, mais il n'en était pas certain. Aesril accordait de toute façon peu de crédit aux racontars, préférant se forger sa propre opinion. Comme chaque fois depuis qu'il était revenu ici, il avait longé les murs du Collège, le cœur lourd, comme si chacune des pierres portait encore le souvenir des terribles événements qui s'y étaient produits et lui murmurait les mots froids et durs de sa peine. Il s'éloigna de l'aile Est avec soulagement. 


Cela faisait déjà quinze bonnes minutes qu'il attendait devant les portes closes de la salle et aucun signe du Sapiarque Pantelis. Être en retard n'était pas quelque chose d'habituellement concevable au Collège, ou tout du moins, cela était hautement décrié. Aesril jeta un coup d'œil dans les couloirs adjacents, mais les guérisseurs et guérisseuses qui y circulaient, vêtus de leurs uniformes pourpres, ne semblaient pas s'arrêter sur lui. Il vérifia une nouvelle fois qu'il se trouvait bien au bon endroit, inspectant les petits écriteaux de bois gravé et vernis et vérifiant son petit bout de parchemin, mais tout concordait.


— Par Auri-El… Je savais que ce maudit conseiller se fichait de moi, marmonna Aesril en soupirant.


Malgré tout, il n'était pas beaucoup plus avancé. Il dansa un moment sur ses pieds, hésitant, avant de finalement décider de coller son oreille contre l’épaisse porte de bois pour guetter si quelqu'un s'y trouvait. Il fut surpris de percevoir des bribes d'une conversation plutôt animée.


— Vous vous fichez de moi ?! J’avais demandé de l’acier inoxydable ! Que croyez-vous que je puisse faire avec cette pacotille ?
— Enfin, Maître… Je suis allé vous chercher les outils les plus fins que j’aie pu trouver, le Cercle des Artisans en était très satisfait…
— Regardez-moi, Diphelion. Regardez-moi bien. Voilà. Ai-je l’air satisfait ? Non. Eh bien voilà. Je suis le maître guérisseur ici et si j’estime que je ne peux pas soigner mes patients avec ça, c’est que je ne peux rien en faire. Alors, vous allez retourner voir le Cercle et leur expliquer la différence entre les métaux, vu que, visiblement, ils ont besoin que quelqu’un leur apprenne leur métier.


Entendant des bruits de pas qui se raprochaient à vive allure, Aesril fit quelques pas en arrière pour éviter la porte dont les deux battants s’ouvrirent à quelques centimètres de son nez. Le Sapiarque encoléré, un immense Altmer à la maigreur prononcée, accentuée par une longue tunique blanche à la coupe très simple jurant avec l’uniforme de ses confrères et consœurs, poussa gentiment un autre Sapiarque aux cernes creusées en dehors de son office. L’Altmer vêtu de blanc observa le départ de son invité avec un soulagement mêlé de satisfaction avant de finalement remarquer la présence d’Aesril, sur le côté de la porte.


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— Et vous ? Qui êtes-vous ?


Le jeune mage bascula la tête sur le côté en le dévisageant, interloqué. 


— Aesril, Maître, enchanteur au service de Maître Cinnarion. Je suppose que vous devez être Maître Pantelis ?
— Lui-même. Pourquoi les enchanteurs m’envoient-ils un de leurs représentant ? Vous n’avez plus assez de petits cailloux avec lesquels vous amuser ?
— Je… Le Conseil ne vous a rien dit ?


Le Sapiarque s’impatienta. 


— Me dire quoi, par Syrabane ?


Aesril eut un rire nerveux.


— Formidable. Parfait. Larnatillë s’est encore fichue de moi…


Maître Pantelis haussa un sourcil, surpris par la familiarité dont faisait preuve ce jeune elfe sous le nom de cette figure d’autorité suprême.


— Notre Haute-Sapiarque vous aurait-elle causé quelque offense, jeune homme ? À moins que ce ne soit une farce ? Elle ne pourra jamais être aussi drôle que celle du Cercle des Artisans, cela dit, je préfère autant vous prévenir…
— Non, non, cela n’a rien d’une farce. 
Il lui tendit le petit billet remis par l’intendant.
— J’ai été assigné pour être votre assistant.


Le Sapiarque ajusta ses petites lunettes rondes tout en haut de son nez fin tout en analysant le document.


— Mon assistant ? Un enchanteur ? Le Conseil se moque de moi… Non, j’ai besoin d’un guérisseur, un véritable guérisseur. Vous avez déjà pratiqué un sort de cicatrisation de niveau trois ?
— Occasionnellement, oui…
— “Occasionnellement”… répéta-t-il en levant les yeux au ciel. Bien et vous avez déjà pratiqué une réanimation ? Une ponction du sac péricardique ?
— … Une quoi ?
— Êtes-vous familier du concept de stérilisation ?
— J’ai appris cela en assistant les guérisseurs de l’infirmerie.
— Les guérisseurs de l’infirmerie… Oh bon sang. Et…
— Maître. Je ne suis pas guérisseur. Mais je veux le devenir. J’ai étudié durant deux mois la résorption des brûlures magiques et leur influence sur la motricité. Je suis allé voir des patients gravement blessés. J’ai assisté à des techniques de rééducation et j’ai observé les Maîtres alchimistes venir en aide aux soigneurs. C’est tout ce que je sais faire. Mais je veux apprendre. Et je veux le faire auprès de quelqu’un qui saura m’apporter des véritables réponses, celles que les livres ne pourront jamais m’apprendre à eux seuls.


Le Sapiarque croisa les bras sur sa poitrine, toisant le mage avec circonspection.


— Bien. Vous voulez apprendre. Alors parfait. Mais je ne veux pas vous entendre rechigner à la tâche ou critiquer mes méthodes. Vous devrez les suivre à la lettre, compris ? Ici, ce n’est pas un lieu pour l’improvisation. Nous sommes des artistes. Nous défions les lois de la vie, chirurgicalement. Aucun mouvement n’est laissé au hasard. Je ne veux entendre aucune protestation. Compris ?
— Compris, approuva aussitôt Aesril sans y accorder plus de réflexion. 


Les propos de l’homme lui semblaient logiques et il n’était que trop soulagé qu’il accepte de le prendre à son service. Maître Pantelis le mena alors à l’intérieur de la salle de soins, dont il referma fermement les portes, une vaste pièce couverte du sol au plafond de marbre entièrement blanc, sans aucun défaut et dotée de lits de pierre alignés les uns à côté des autres. Il s’approcha d’une étagère sur laquelle des linges au blanc immaculé étaient soigneusement pliés pour lui tendre une tunique similaire à la sienne, se croisant sur la poitrine.


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— Tenez, ce devrait être à votre taille.


Aesril prit la tunique entre ses mains tout en la dépliant, observant les lieux avec intérêt.


— Vous aimez bien cette couleur, visiblement.
— N’y voyez là rien d’esthétique. Le blanc, c’est la propreté. Beaucoup de mes confrères et consœurs, même chez les Sapiarques, sont des rustres. Le blanc permet de voir la saleté du premier coup d’oeil. Première leçon. Un guérisseur doit toujours avoir une hygiène irréprochable. Très bien pour votre barbe, gardez-là rasée, je préfère ça. Par contre, vos cheveux, vous allez devoir les attacher. Veillez du moins à ce qu’ils n’entravent pas votre visage. Et il faut arranger vos cernes. Je vais vous prescrire une essence de belladone mêlée de valériane pour votre sommeil, mais en attendant…
Il passa une main au-dessus du visage d’Aesril et ses cernes disparurent aussitôt.


— C’est beaucoup mieux. Je peux m’occuper de cette vilaine cicatrice sur votre joue, aussi…
— Non ! … Non merci.


Le Sapiarque fit la moue et se recula dans un mouvement sec.


— Bien. Comme vous voulez.


Il lui désigna alors d’un revers de main une trousse de cuir ouverte posée sur un chariot de bois à l’intérieur de laquelle luisaient des instruments métalliques et très fins. 


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— Bien, l’Enchanteur. Le Cercle m’a livré des outils inutilisables. Pouvez-vous faire quelque chose à ce sujet ?


Aesril s’approcha du chariot pour inspecter les outils, intrigué. La finesse de ceux-ci le surprenait. Une quantité de minuscules couteaux, des cisailles extrêmement délicates, de toutes petites pinces à peine plus grandes qu’un auriculaire d’enfant. Il releva les yeux vers Maître Pantelis.


— Quel est le problème avec ces outils ?
— Sentez-les.
— Je vous demande pardon ?
— Sentez-les. Vous verrez.


Avec prudence, Aesril approcha son nez d’un des instruments, dont il admirait la finesse autant que l’élégance. Il tourna la tête vers le Sapiarque, sans comprendre.


— Ça sent… Le métal.
— Exactement ! Le métal qui subit les dommages irréversibles du temps, le métal poreux et répugnant tout juste bon à concevoir des armes pour mener nos patients au tombeau plus rapidement ! C’est une honte de servir une pareille chose à un soigneur. À présent, peut-être parviendrez-vous à vous rendre plus utile, car j’ai besoin de ces instruments aujourd’hui et ces bons à rien ont mis une semaine entière à les concevoir. Pouvez-vous rendre ce métal insensible à l’oxydation ?
— À la… La quoi ?
— L’effet de l’air et de l’humidité sur sa nature, causant sa désagrégation. L’oxydation. Pouvez-vous faire cela ?


Aesril observa l’outil dans sa main un bref instant. Un tel enchantement n’avait rien d’une bagatelle, ce n’était pas comme y apposer un simple sortilège, mais changer la nature profonde d’un objet était ce qui l’avait toujours passionné dans cette pratique. La forme resterait la même qui plus est, il était donc convaincu que cela était à sa portée. Il hocha la tête, résolument, sortant une petite gemme ambrée de l’intérieur de sa poche, geste qui parut amuser le Sapiarque.


— Vous vous promenez toujours avec des cailloux ? Vous savez que c’est dangereux si vous tombez à l’eau.
— C’est aussi très utile, exposa le jeune homme. Je dois payer le prix de cet enchantement en me servant d’un catalyseur.
— Oh mais faites donc, ne me dispensez pas d’un cours magistral.


Le jeune mage lui lança un regard renfrogné en faisant passer sa magie dans la pierre ambrée, laissant sa main parcourir les outils sous le regard attentif du Sapiarque avant de relever les yeux vers lui.


— C’est terminé.
— Cela m’a semblé bien simple. Laissez-moi voir ça…


Il approcha l’un des instruments de son long nez, le soupesant, avant de redresser un regard satisfait dans celui de son assistant.


— Bien joué l’Enchanteur. Vous êtes au moins compétent dans votre corps de métier, c’est un début. Amusant cette façon que vous avez de fermer les yeux quand vous pratiquez, on dirait un violonniste en pleine transe. Enfin, trêve de bavardages inutiles, à présent. J’ai une première vraie mission de guérisseur à vous confier, j’espère que vous n’êtes pas sensible à la vue du sang.


Du sang. Ce mot résonna contre sa boîte crânienne. Il y avait du sang contre la pierre froide. Des lueurs de bougies dans un liquide épais et noir comme de l’encre. Un goût piquant dans sa bouche. La rage faisant trembler ses membres. Et soudain plus rien. Il était de nouveau dans la salle de soins au blanc immaculé, sentant l’alcool et le citron. Propre. Tout était propre. Le vide dans son esprit. Il devait bien admettre que ce blanc était apaisant. Comme le néant pouvait l’être. Ses pupilles s’étrécirent.
Il hocha la tête en signe de dénégation.



— Pas le moins du monde.
— Parfait dans ce cas. Ce que nous allons faire aura une double utilité. Je vais pouvoir mettre à l’épreuve mes nouveaux outils et vous, vous allez en apprendre plus sur le corps et sa composition. Suivez-moi.


Il le mena jusqu’à une salle attenante dans laquelle régnait un froid glacial et tira un grand rideau blanc d’un geste vif, dévoilant d’autres tables de pierre recouvertes de draps monochromes. Sous ceux-ci, l’on devinait des silhouettes. Aesril se figea tandis que le Sapiarque poursuivait sa route en tirant son chariot avec lui et il souleva un drap pour dévoiler le corps livide d’une femme.


— Vous avez de la chance, c’est une fraîche, elle est morte hier. Je la gardais pour essayer de comprendre pourquoi son cas a échappé aux soins de mon confrère et lui prouver que j’avais raison, et surtout qu’il avait tort ! Ce bougre ne veut pas me croire. Approchez. Tenez, prenez cet instrument. 


Il lui désigna l’un des couteaux fins qu’Aesril prit dans sa main, fébrilement. La vue de ce cadavre à la lueur du jour et dans un tel contexte le perturbait grandement et lui remémorait les douloureux souvenirs de Caelnia. Il ne se rendit pas compte que son cœur s’accélérait. Sans adresser un regard à Aesril, Maître Pantelis lança d’un ton soudain plus joyeux et détendu, traçant du bout de l'ongle une ligne sur l’avant bras de la patiente.


— Bien. Incisez ici. Montrez-moi comment vous faites un tracé bien net. Vous allez découvrir le monde fabuleux du système nerveux. Observez bien, la plupart des incultes n’y connaissent rien. Ça, c’est une découverte de mon cru.

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Le sang battit contre ses tempes. Sa main plongeait dans les entrailles. Sous la cage d’os et la chaleur du corps encore tiède, ses doigts sentaient la caresse des tissus et saisissaient l’organe. Sa magie parcourait le cœur, mais celui-ci se refusait à battre à nouveau. L’étreinte de l’inéluctable lui enserra la gorge. Il posa la lame contre l’avant-bras de la patiente sans vie.


— Bien, vous la tenez du bon côté, à présent, allez-y l’Enchanteur.
— Hmm… Oui, bien, d’accord.


Il appuya la lame dans la chair, les pans d’un tissu rouge soulevés sous l’éclat d’argent. Le fer emplit l’air à nouveau. L’obscurité. Le sang. Il dévisagea le Sapiarque sans comprendre ce qu’il lui arrivait, troublé. Il parla, mais n’entendit rien des mots qu’il prononçait. Ses mains semblaient brûlantes, mais son front glacé.

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— Je crois que… Je ne me sens pas très bien, lâcha-t-il avant de s’écrouler au sol.


Il n’aurait su dire combien de temps il resta inconscient, mais, il se réveilla sous la froide rugosité du marbre, les membres aussi faibles que ceux d’un faon venant de naître et le visage amusé de Maître Pantelis au-dessus de sa tête.


— Il va falloir faire preuve de moins de sensiblerie. Seules les pierres ne saignent pas, vous savez. Traiter le vivant, c’est une autre paire de manches, pas vrai ? Allez-y doucement pour vous relever.
— Ce n’est pas de la sensiblerie…, protesta Aesril. J’ai… Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Et ce patient me semble très… mort à vrai dire. Vous n’avez pas dit que vous traitiez le vivant ?


Le Sapiarque l’aida à se remettre sur ses jambes tout en rétorquant.


— Vous savez, mort, vivant, ce n’est qu’un état dont l’un est tout à fait temporaire. Pour comprendre ce qui mène d’un état à un autre, rien de tel que de l’étudier.
— C’est cela que vous faites ? Étudier la mort ?
— Entendrais-je une forme de critique ?, se vexa le Sapiarque.
— Non… Pas de critique. Je suis seulement curieux.
— Eh bien oui, cela fait partie de ma façon de comprendre les choses. Pour comprendre comment quelque chose est fait, il faut défaire l’ouvrage. Vous m’avez l’air de quelqu’un qui a la tête sur les épaules. Ce n’est qu’un corps et il ne sent rien, vous savez. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— Je le sais tout cela, je comprends la démarche. Seulement… Je ne sais pas. Cela m’a rappelé un souvenir.
— Lequel ?
— Je ne veux pas en parler, répondit-il simplement. Redonnez-moi l’outil. Je veux réessayer.
— Vous êtes sûr ?
— Vous allez me prendre au sérieux ?
— Bien… Allez-y.


Il souffla profondément et reposa l’outil contre le poignet de la femme, dans un expression grave. Une fraction de secondes, il adressa un regard à son visage. Elle avait l’air paisible. Comme si rien ne l’avait jamais troublée. Il reporta son regard sur l’incision, mais le Sapiarque n’avait rien manqué de cet instant.


— Vous la regardez et vous voyez une personne, observa Pantelis. 
— Bien sûr que je vois une personne, répondit Aesril avec surprise. Qu’est-ce que vous voyez, vous ?
— Une morte. C’est ce qu’elle est, non ? Et bien morte.
— C’était une personne avant d’être une morte tout de même. Avec un nom, ce genre de chose, souleva Aesril, dubitatif, se détendant quelque peu à mesure que se poursuivait cette étrange conversation.


Pantelis s’approcha du corps de la femme tout en poursuivant.
— Ah oui ? Excusez-moi, Ceruval, quel est votre nom ? Mince… Elle ne répond pas.
— En effet.
— Il doit bien y avoir une explication à cela… fit le Sapiarque dans une parodie de réflexion.
— Je dirais qu’elle est morte, conclut Aesril d’un ton qui dénotait avec l’amusement qu’il commençait à ressentir.
— Vous voyez ! Vous avez fini par en venir à la même conclusion, s’exclama le Sapiarque d’un ton triomphant. Vous ne pouvez pas voir la personne quand vous pratiquez. Sinon, vous serez moins performant.
— Maître Silario disait qu’un guérisseur se doit d’être empathique…
— Vous écoutez toujours bêtement tout ce que l’on vous dit, sans jamais le remettre en question ?
— Bien sûr que non, rétorqua froidement Aesril. Mais j’écoute ceux qui ont des années de savoir que je n’ai pas et je confronte les sources. C’est comme cela que l’on développe un esprit affuté, non ?
— Vous avez du répondant, ça me plaît. Mais ne vous refermez pas pour si peu, je n’ai pas insulté vos ancêtres, tout de même. Bien, vous avez entendu les inepties de Silario, alors voici mon expertise : les sentiments vont vous faire dévier de votre objectif et vous rendre moins performant dans votre travail. Des patients, vous allez en voir, tous différents. Et croyez-moi, si vous vous perdez dans une chose telle que l’empathie, vous ne vous en sortirez jamais. Laissez cela au aide-soignants. Vous, vous êtes là pour être guérisseur, non ? La misère du monde, vous allez la rencontrer. Les larmes, les familles déchirées, la souffrance des autres… Vous n’allez pas endurer tout ça. Et vous n’allez certainement avoir mal pour les autres. Vous êtes là pour les soigner.
— Pas de sentiments. Bien. Toutes les pires personnes m’ont donné ce conseil, vous savez.
— Chacun utilise un outil comme il le veut. Mais dans cette circonstance, ça vous sauvera.


Il pointa la femme du doigt.


— Regardez. Regardez-la. Cette femme n’est ni votre mère, ni votre sœur, ni votre fille. C’est une patiente. Une patiente qui est morte parce que sa famille a choisi de faire confiance à mon confrère plutôt qu’à moi, mais une patiente. Ce qu’elle est vraiment, ça n’a pas d’importance.
— Il n’est nul besoin d'insister, Maître. Je comprends parfaitement vos raisons et je les soutiens. À vrai dire, je pense que vous ne trouverez aucun apprenti ici qui sera plus adapté à votre mode de pensée, car je suis bien résolu à faire fi d'un quelconque sentimentalisme. Chaque choix dirigé par une émotion que j'ai pu faire, je l'ai regretté. À mes yeux, les sentiments ne sont qu'une façon de présenter le flanc pour que l'épée d'un autre vous transperce avec plus de facilité. Aujourd'hui, j'ai un objectif clair et rien ne saurait m'en détourner.
— … Et quel est-il ?, demanda respectueusement Pantelis, l'air soudain fort intrigué.
— Devenir Maître Guérisseur et percer le mystère des maux invisibles aux sens et le secret de la mort. Quoi qu'il m'en coûte.


Maître Pantelis demeura muet un moment, visiblement en proie à une intense réflexion, scrutant Aesril dans les moindres détails. Puis, il lâcha avec solennité.


— Alors je crois que vous avez du potentiel, mon jeune apprenti. Reprenez donc ce scalpel, vous allez apprendre. Et il y a du travail. Beaucoup de travail.

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